En début de carrière, certaines fonctions offres des niveaux de rémunération supérieurs. L’étude Hays a identifié les fonctions de contrôleur financier et de credit/liquidity/market risk manager qui, sans expérience, permettent de s’assurer des revenus confortables. (Photo: Shutterstock)

En début de carrière, certaines fonctions offres des niveaux de rémunération supérieurs. L’étude Hays a identifié les fonctions de contrôleur financier et de credit/liquidity/market risk manager qui, sans expérience, permettent de s’assurer des revenus confortables. (Photo: Shutterstock)

C’est dans le secteur financier et dans les métiers de l’informatique que les salaires sont les plus élevés au Luxembourg. Le manque de main-d’œuvre toujours plus important dans les métiers de la construction, de la restauration et de l’artisanat contribue à faire augmenter les salaires.

Dis-moi combien tu gagnes, je te dirai dans quel secteur tu travailles. Au Luxembourg, les salaires pratiqués peuvent énormément varier d’un secteur à l’autre. Dans beaucoup de domaines d’activité, les rémunérations proposées au Grand-Duché sont supérieures à celles pratiquées dans les régions limitrophes, mais ce n’est plus une vérité aussi criante que par le passé. Le pays ne s’apparente pas, ou plus, à l’eldorado que l’on a longtemps évoqué. 

Manque de transparence

Le Covid n’a fait que renforcer ce sentiment partagé depuis plusieurs années déjà. Que peut-on espérer comme salaire au Luxembourg? Tout candidat à un job au Luxembourg, évidemment, se pose la question. Y apporter une réponse n’a cependant rien d’évident. «À l’heure actuelle, les informations relatives à la rémunération sont encore trop rarement détaillées dans les offres d’emploi proposées, commente Yannick Frank, director Luxembourg de Moovijob. Environ 15% des entreprises qui recrutent prennent la peine d’indiquer une fourchette de rémunération dans les offres d’emploi qu’elles publient.» La transparence autour des salaires constitue toujours un sujet délicat au Luxembourg, même si les salariés étaient aujourd’hui favorables à des échanges plus ouverts autour de ces considérations.

«Alors que, pendant longtemps, le niveau de salaire a été considéré comme un sujet sensible et confidentiel, la sensibilité autour de ces questions évolue. Les collaborateurs souhaitent être informés de manière plus transparente autour de ces questions, pouvoir se positionner vis-à-vis de l’entreprise ainsi qu’à l’échelle du marché, expliquait Arthur Meulman, directeur général de Jobs.lu, à la suite des résultats d’une enquête menée sur le sujet. Par exemple, les salariés évoluant dans une même fonction souhaitent pouvoir comparer leur niveau de rémunération. C’est du moins ce qu’affirment 69% des répondants questionnés à ce propos.» 

Si l’on veut rendre compte des salaires pratiqués, secteur par secteur, il faut se tourner vers le Statec qui, sur base de chiffres de 2018, a réalisé une série d’analyses relatives au niveau de rémunération. Plusieurs indexations sont intervenues depuis lors. Les chiffres permettent toutefois de rendre compte des différences de traitement d’un secteur à l’autre. Une autre source est l’Étude de rémunération de Hays, qui présente régulièrement les tendances générales du recrutement et des rémunérations. L’édition de 2021, relative au marché luxembourgeois, est la septième que propose ce prestataire spécialisé dans le recrutement et est considérée comme une référence en matière de rémunération.

«La dernière édition de l’étude a été élaborée alors que nous étions encore dans une période de Covid, précise Matthieu Hodas, manager de Hays Luxembourg. Par rapport aux éditions précédentes, l’étude ne révèle pas de bouleversement important, poursuit le manager de Hays Luxembourg. Luxembourg étant avant tout une place financière importante, ce sont les métiers de la finance qui offrent les plus hauts niveaux de rémunération. Directement associés aux besoins du secteur financier, dans une société où le numérique occupe une place toujours plus importante, les métiers de l’informatique garantissent des perspectives salariales attrayantes.» 

Dans le secteur bancaire, et selon les indicateurs de l’étude Hays, un salarié ayant jusqu’à 3 ans d’expérience peut espérer toucher une rémunération annuelle évoluant de 40.000 euros à 55.000 euros bruts.  (Source Hays)

Dans le secteur bancaire, et selon les indicateurs de l’étude Hays, un salarié ayant jusqu’à 3 ans d’expérience peut espérer toucher une rémunération annuelle évoluant de 40.000 euros à 55.000 euros bruts.  (Source Hays)

La finance, secteur le plus attractif

 Selon le Statec, les salaires du secteur financier sont les plus élevés, avec une rémunération moyenne brute de 99.250 euros par an, en 2018, pour le secteur. Dans le secteur bancaire, les indicateurs présentés dans le cadre de l’étude Hays sont relatifs à des fonctions opérationnelles, compliance ou risque. On y découvre qu’un salarié ayant jusqu’à 3 ans d’expérience peut espérer toucher une rémunération annuelle évoluant de 40.000 euros à 55.000 euros bruts. Les fonctions payant le mieux étant compliance officer et credit/liquidity/market risk manager. «Les métiers compliance et risque sont plus que jamais au centre des préoccupations et doivent constamment se renouveler pour répondre aux exigences légales en vigueur», précise l’étude. Dans les métiers opérationnels de la banque, les salariés avec plus de 8 ans d’expérience peuvent prétendre à des rémunérations plus conséquentes, allant de 75.000 à plus de 100.000 euros. «De manière générale, les profils les plus recherchés seront des profils bilingues français-anglais au minimum. Une troisième langue est un réel atout en fonction de la banque visée», ajoute l’étude.

Selon le Statec, le deuxième secteur le plus rémunérateur au Luxembourg est l’enseignement, avec un salaire annuel moyen de 98.835 euros bruts en 2018. Suivent les activités spécialisées, scientifiques et techniques, avec une paie moyenne de 88.721 euros bruts par an. L’administration publique suit ensuite, avec un salaire annuel moyen de 86.582 euros. Le secteur public et les entités qui en dépendent, comme les centres de recherche par exemple, restent des employeurs particulièrement attractifs au Luxembourg. 

Le numérique, toujours le vent en poupe

Cependant, la concurrence du privé s’avère rude dans certains domaines, notamment au niveau des activités technologiques. «Là où les salaires ont le plus évolué, ces dernières années, c’est sans conteste dans le secteur informatique, précise Matthieu Hodas. Le privé, sur ces métiers, concurrence désormais le secteur public. Les besoins en la matière émanent essentiellement du secteur bancaire. Deux tiers de l’activité informatique sont liés au secteur financier.» En 2018, selon le Statec, le salaire moyen pour le secteur de l’information et de la communication était de 78.060 euros bruts par an. Si l’on s’attarde sur les chiffres de l’étude Hays, les niveaux de rémunération en début de carrière dans les métiers du numérique sont désormais équivalents à ceux pratiqués dans la finance, s’étalant sur une fourchette de 35.000 à 55.000 euros par an. Les profils les mieux rémunérés, pour 0 à 3 ans d’expérience, sont IT project manager ou scrum master. Un jeune développeur peut espérer toucher entre 38.000 et 50.000 euros par an. «Dans ce secteur, la concurrence pour attirer les talents est particulièrement rude, en raison notamment d’une accélération des enjeux de transformation numérique, explique Yannick Frank. Si le salaire est important, les acteurs doivent parvenir à proposer plus. Le contenu de la fonction proposée et les projets sur lesquels les talents auront l’opportunité de travailler comptent beaucoup, au même titre que la flexibilité accordée à chacun. Chaque société, pour recruter dans ce secteur, doit faire preuve d’agilité afin de parvenir à satisfaire les besoin des candidats.»

Dans le domaine du numérique, avec l’expérience, de nombreux profils peuvent espérer toucher 80.000 euros (system and network engineer, lead developer/test manager), 100.000 euros (team leader, product owner, business analyst) et même 150.000 euros (project director, IT director, CISO). Un CIO expérimenté peut prétendre à un salaire situé entre 120.000 et 250.000 euros. Avis aux amateurs. 

Si les salaires proposés au Luxembourg sont supérieurs à ceux proposés en Belgique et aux Pays-Bas, ils sont aujourd’hui alignés avec l’Allemagne et bien en deçà de ceux proposés à Londres ou encore en Suisse.  (Source: JWC)

Si les salaires proposés au Luxembourg sont supérieurs à ceux proposés en Belgique et aux Pays-Bas, ils sont aujourd’hui alignés avec l’Allemagne et bien en deçà de ceux proposés à Londres ou encore en Suisse.  (Source: JWC)

Free-lance, pourquoi pas?

Dans ce domaine en particulier, la crise a renforcé une autre tendance: le recours à des free-lances. «Le marché luxembourgeois s’est ouvert, considérant les possibilités de travailler à distance. De plus en plus, les entreprises luxembourgeoises se sont tournées vers des free-lances, établis ailleurs en Europe, pour répondre à leurs besoins en compétences IT, explique Matthieu Hodas. D’autre part, de plus en plus de salariés du secteur font le choix de travailler en tant que consultants indépendants. Cette tendance devrait se renforcer dans les années à venir.» Un scrum master junior en free-lance facture la journée 685 euros, un project manager 605 euros, un développeur back-end 450 euros. La tarification des prestations varie évidemment avec l’expérience. Un lead developer, avec 8 ans d’expérience et plus, facture 770 euros sur base journalière. 

Perte d’attractivité

 Concernant ces nombreux métiers directement liés à la place financière, de la compliance au risque en passant par les gestionnaires de projets de transformation ou encore l’IT, une récente étude menée par JCW révèle un affaiblissement de l’attractivité. Si les salaires proposés au Luxembourg sont supérieurs à ceux proposés en Belgique et aux Pays-Bas, ils sont aujourd’hui alignés avec l’Allemagne et bien en deçà de ceux proposés à Londres ou encore en Suisse. 

En termes de rémunération moyenne, c’est le secteur de la santé, aussi très dépendant du public, qui se positionne après les métiers du numérique, avec 68.303 euros. 

Aussi associées à l’industrie financière, les fonctions finances, comptabilité, tout comme l’expertise légale et fiscale, restent très attractives en termes de rémunération. «Dans toutes ces activités, directement liées au secteur bancaire et au monde des fonds d’investissement, les salaires ont eu tendance à augmenter plus qu’ailleurs durant la période du Covid, explique Matthieu Hodas. Dans d’autres domaines, comme le commerce, qui ont plus souffert durant cette période, les salaires sont restés stables.» On peut encore évoquer bien d’autres métiers, présents dans la finance mais aussi dans les autres secteurs. Les sociétés de services, en dehors de la sphère financière et des activités numériques, proposaient en 2018 une rémunération moyenne de 58.071 euros bruts par an. Un gestionnaire RH avec moins de trois ans d’expérience, par exemple, peut espère toucher entre 37.000 et 42.000 euros et jusqu’à 68.000 euros en faisant valoir plus de 8 ans d’expérience. Un talent manager va gagner un peu plus. Un gestionnaire de paie un peu moins. 

Au-delà de la sphère financière et du numérique

À part la finance, quels sont les salaires pratiqués dans d’autres domaines? 

Au niveau des activités logistiques, un chef de projet actif dans l’industrie avec moins de 3 ans d’expérience gagnera entre 36.000 et 40.000 euros et entre 65.000 et 75.000 euros s’il a plus de 8 ans d’expérience. Le salaire moyen, dans le secteur du transport et de l’entreposage, s’élevait en 2018 à 54.754 euros bruts par an. Dans l’industrie, le salaire moyen était de 54.523 euros en 2018. 

Dans le commerce, les salaires d’un vendeur dans une boutique fashion évoluent de 26.000 à 44.000 euros par an (avec plus de 8 ans d’expérience). Le salaire moyen, pour le secteur, en 2018, s’établissait à 46.766 euros. Un responsable de boutique pourra compter sur une rémunération pouvant atteindre 60.000 euros. Dans l’automobile, les salaires sont un peu plus élevés, mais le secteur connaît actuellement d’importantes difficultés.

Un conducteur de travaux dans le secteur de la construction, selon l’étude Hays, pouvait espérer entre 30.000 et 35.000 euros en début de carrière et entre 55.000 et 65.000 euros en faisant valoir plus de 8 ans d’expérience. La rémunération d’un jeune architecte débute entre 33.000 et 42.000 euros et peut atteindre, avec l’expérience, entre 55.000 et 67.000 euros. Le salaire moyen du secteur, selon le Statec, s’élevait à 42.766 euros bruts par an en 2018. 

C’est certainement dans le secteur de la restauration que les salaires sont les moins attractifs au Luxembourg. En 2018, selon les données du Statec, le salaire moyen du secteur était inférieur à 33.796 euros par an. 

   

   

Renégociation ou fuite des talents

«L’horeca, comme la plupart des métiers de la construction et de l’artisanat, de l’électricien au boucher, fait face à une pénurie très importante, plus critique que dans d’autres secteurs, assure Yannick Frank. C’est d’autant plus compliqué de réagir pour ce secteur et d’attirer des talents que les salaires sont bas et que les marges de manœuvre sont extrêmement limitées. De plus en plus, les salariés en position de force n’hésitent pas à renégocier leur salaire.» Les salaires, dans ces secteurs, devraient donc évoluer à la hausse dans les mois à venir. 

Plus généralement, la crise sanitaire a eu tendance à soutenir la pénurie de talents. «La pandémie a sorti de nombreux salariés d’une forme de routine, les invitant à repenser leur rapport au travail au profit d’un équilibre plus favorable à la vie privée», poursuit le responsable de Moovijob. Le salaire, désormais, est considéré comme un élément parmi d’autres, comme la flexibilité, le contenu du job, l’ambiance de travail. Beaucoup ne souhaitent plus revenir à la situation qui prévalait avant la crise. À défaut de pouvoir bénéficier de plus de flexibilité ou d’une revalorisation salariale, beaucoup optent pour une autre vie professionnelle, font le choix d’un travail plus proche de chez eux même si moins rémunéré ou recourent davantage au temps partiel. «Cela engendre une pression supplémentaire sur le marché du travail, ajoute Yannick Frank. À moyen terme, cela devrait conduire à une revalorisation des salaires, les employeurs n’ayant pas d’autres choix.» 

Cet article a été rédigé pour  de l’édition  parue le 22 juin 2022. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam. 

  

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