La présidente de la Commission européenne a parfaitement résumé la situation en quelques mots seulement: «Pour trop de gens, le travail ne paie plus.» C’est la raison d’être du projet de directive détaillé ce mercredi et dont le commissaire européen (LSAP), en charge de l’Emploi et des Droits sociaux, a fait une priorité.
L’ambition de ce texte est de faire en sorte que les travailleurs européens soient protégés par des salaires minimum adéquats leur permettant de vivre dignement là où ils se trouvent. «Près de 10% des travailleurs de l’UE vivent dans la pauvreté. Cela ne peut plus durer. Les personnes qui ont un emploi ne devraient pas avoir de mal à joindre les deux bouts. Les salaires minimaux doivent rattraper les autres salaires, qui ont augmenté ces dernières décennies et les ont ainsi laissés à la traîne», explique Nicolas Schmit, qui avait déjà fait cette analyse lors de sa participation à Paperjam Conversations.
Comme il l’a souvent déjà expliqué, il ne s’agit pas de créer un salaire minimal européen, mais bien de veiller à ce que le salaire minimal proposé dans un État membre permette d’y vivre décemment.
D’ailleurs, les salaires sociaux minimaux existent déjà dans 21 États de l’Union. Dans 6 autres, ils sont protégés via les conventions collectives. «Pourtant, dans la majorité des États membres, les travailleurs sont confrontés au caractère insuffisamment adéquat de la protection offerte par des salaires minimaux et/ou à des lacunes dans sa couverture. Eu égard à cette situation, la directive proposée crée un cadre visant à rendre les salaires minimaux plus adéquats et à favoriser l’accès des travailleurs à la protection offerte par des salaires minimaux dans l’Union», détaille la Commission.
Dans les pays où ces salaires minimaux sont protégés par des conventions collectives, on rencontre une plus faible proportion de travailleurs à bas salaires, des inégalités salariales moindres et des salaires minimaux plus élevés. La Commission veut donc promouvoir les négociations collectives en matière de salaires dans tous les États membres.
Plus d’efforts en faveur des négociations collectives
Dès lors, la directive demande «aux pays dans lesquels la couverture des négociations collectives n’atteint pas au moins 70% [sont tenus] de consentir des efforts supplémentaires, en concertation avec les partenaires sociaux». Le Luxembourg est directement concerné.
Les pays disposant de salaires minimaux légaux devraient, a minima, mettre en place des critères clairs et stables pour la fixation des salaires minimaux, des valeurs de référence indicatives pour guider l’évaluation du caractère adéquat de ces salaires, ainsi que des actualisations régulières et en temps utile de ceux-ci. «Les critères nationaux devraient comprendre au moins le pouvoir d’achat des salaires minimaux, le niveau général des salaires bruts et leur répartition, le taux de croissance des salaires bruts et l’évolution de la productivité de la main-d’œuvre», note la Commission. Il n’est donc pas question d’imposer un salaire minimum égal à 60% du salaire médian brut.
Au Luxembourg, le salaire social minimum ne protège pas assez
Dans son analyse d’impact de la directive, la Commission relève qu’en 2018, le Luxembourg faisait partie (avec la Bulgarie, la République tchèque, l’Estonie, l’Allemagne, la Hongrie, la Lituanie, la Slovénie et Malte) des neuf pays européens où le salaire social minimum ne protégeait pas du risque de pauvreté. Le pays était même classé en dernière position.
«Dans le principe 6 du socle européen des droits sociaux, il est écrit noir sur blanc qu’un salaire minimal adéquat doit être garanti; tous les États membres ont souscrit à ce principe, aussi comptons-nous sur leur engagement indéfectible», conclut Nicolas Schmit.
La directive va maintenant être soumise à l’approbation du Parlement, puis du Conseil européen. Une fois adoptée, les États auront deux ans pour la mettre en application.