Les États membres doivent transposer cette directive dans leur droit national d’ici le 31 décembre 2023, pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2024. Un calendrier serré qui appelle à la vigilance des acteurs économiques concernés.
L’adoption de cette directive intervient près d’un an après la publication du modèle de règles GloBE par l’OCDE et la publication du projet de Directive de la Commission européenne – textes amplement commentés au niveau international et européen et dont les débats semblent avoir trouvé leur épilogue communautaire avec l’adoption de cette directive.
Rares sont les idées qui ont été à ce point hissées comme étendards de la lutte commune contre l’évitement fiscal et débattues sur un plan politique jusqu’au sommet des plus hautes organisations internationales, comme le G20, qui a approuvé le projet de l’OCDE en octobre 2021.
Il y eut évidemment la saga ATAD (Anti-Tax Avoidance Directives). Saga encore en cours et dont le troisième volet concernant les exigences de substance minimale semble peiner à obtenir un consensus. Autre épopée de directives à mentionner est celle des DACs, véritable rafale de directives relatives à la coopération administrative dans le domaine fiscal. Ceci contraste également avec le manque de progrès sur le projet d’une «assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés» à l’échelle européenne, qui est en suspens depuis des années. Mais, le chantier Pilier 2, et le délai si court accordé aux États membres (et accessoirement aux contribuables…) pour s’y préparer, sont d’une tout autre ampleur.
Règles GloBE: approche logique car mathématique?
Règles GloBE: approche logique car mathématique?
Pour l’essentiel, l’expression «Pilier 2» doit l’efficacité de son intitulé aux réflexions menées par le Cadre inclusif OCDE/G20 sur le projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting), et ce depuis 2015. Le Pilier 2 est, en toute logique, à envisager avec un «Pilier 1», pilier relatif à l’imposition des services numériques, pilier qui devrait quant à lui faire l’objet d’une convention multilatérale mondiale, et non d’une directive, dont l’adoption est encore en attente.
Concrètement, la Directive GloBE instaure un niveau minimal d’imposition par le biais d’un impôt complémentaire. Cet impôt complémentaire concerne les EMN (et les entreprises nationales de grande taille) dont le chiffre d’affaires annuel consolidé dépasse 750 millions d’euros et dont le taux effectif d’imposition, dans un pays donné, est inférieur à 15%.
L’obligation au paiement de cet impôt complémentaire est allouée selon deux règles: la règle d’inclusion du revenu (RIR), règle principale ciblant l’entité mère (ultime, intermédiaire ou partielle), et la règle relative aux bénéfices insuffisamment imposés (RBII), filet de sécurité ciblant les autres entités constitutives du groupe, lorsque l’entité mère n’est pas concernée par la RIR.
Les fonds d’investissement sont en principe exclus du périmètre de la Directive Pilier 2, mais leurs gestionnaires ne doivent pas en déduire qu’ils sont à l’abri des règles GloBE. En effet, les gestionnaires de fonds devront examiner attentivement le périmètre de consolidation comptable et les spécificités de chaque entité de la chaîne de détention, au-dessus et en dessous du fonds, c’est-à-dire tant au niveau des investisseurs que des investissements (et des véhicules intermédiaires).
Pour une formule à plusieurs inconnues
Que reste-t-il des souverainetés nationales? Le Luxembourg dispose, comme ses partenaires européens, d’une certaine marge de manœuvre et pourra, conformément à la Directive, se doter de son «propre» Pilier 2; à la condition que ce dispositif de droit interne assure cette imposition minimale et soit déclaré comme «qualifié», c’est-à-dire voisin des règles RIR et RBII.
L’heure n’est plus à critiquer, mais à comprendre. Nul doute que le texte de loi et les travaux parlementaires permettront d’éclaircir l’application des règles GloBE au contexte luxembourgeois. Néanmoins, il est indispensable d’anticiper et d’intégrer les défis techniques et pratiques qui s’imposeront aux contribuables concernés dès le 1er janvier 2024. Quel sera l’impact potentiel pour les banques et les grands groupes présents au Luxembourg? Quels sont les aménagements locaux à effectuer sur le bénéfice ou la perte pour déterminer le taux effectif d’imposition selon le Pilier 2? Comment collecter et centraliser les données fiscales relatives aux filiales au niveau de l’entité déclarante?
Ce sont donc de nombreuses questions auxquelles il faut et faudra rester vigilants – notamment pour les structures fonds – afin d’éviter de se heurter avec fracas à ces nouvelles règles du Pilier 2.
Directive (UE) 2022/2523 du Conseil du 14 décembre 2022 visant à assurer un niveau minimum d’imposition mondial pour les groupes d’entreprises multinationales et les groupes nationaux de grande envergure dans l’Union OCDE, Tax Challenges Arising from the Digitalisation of the Economy – Global Anti-Base Erosion Model Rules – Pilar Two, 14 décembre 2021 Commission européenne, Projet de Directive n° 2021/0433/CNS, 22 décembre 2021