Le soleil qui traverse les vitres du Luxembourg Centre for Systems Biomedicine (LCSB) à Belval paraît bien pâlichon, en ce vendredi 24 février, au regard des sourires lumineux de trois des cinq étudiants qui embarqueront le mardi 28 février pour la Floride et Cap Canaveral où, le 11 mars, une fusée de Space X emportera leurs cellules vers la Station spatiale internationale (ISS).
L’histoire commence par l’appel de l’Agence spatiale luxembourgeoise à participer à un concours organisé avec l’Agence spatiale allemande en octobre 2021. La deuxième édition de l’Überflieger oppose des étudiants de haut niveau des deux pays pour créer et développer une expérience qui sera envoyée dans l’espace à bord de l’ISS.
«Quand on nous a dit, un mois et demi plus tard, que nous faisions partie des quatre équipes retenues…» La Luxembourgeoise Elisa Zuccoli, 26 ans, ne finira jamais sa phrase. Pas la peine. On aura compris que la team leader de cette équipe de quatre jeunes femmes et un jeune homme, de 28 ans de moyenne d’âge, a dû se rappeler qu’enfant, «elle a toujours voulu être astronaute», avant de se raviser et de se dire qu’elle serait peut-être «plus utile, à essayer d’apporter une solution à la maladie de Parkinson». Elle a ainsi obtenu un master en biologie moléculaire et cellulaire puis un bachelor en biologie à l’Université Ludwig-Maximilians de Munich avant de revenir pour son PhD à l’Université du Luxembourg.
À ses côtés, l’Espagnol José Ignacio Delgado Centeno, titulaire d’un master et d’un bachelor de robotique dans l’espace de l’Université de Malaga, qui allait en finir avec son PhD, quand le mot «espace» de ce projet de recherche autour des cellules humaines résonna comme une ouverture «intéressante». La Costa-Ricienne Daniela Vega Gutiérrez, qui a grandi dans les récits des aventures du seul astronaute de son pays Franklin Ramón Chang-Díaz, avait, elle aussi, envie «d’apporter un jour une aide à au moins une personne… et d’être un modèle que les femmes peuvent aussi avoir leur rôle à jouer dans la recherche et dans l’espace». Avec son bachelor en ingénierie biotechnologique et son master en systèmes de fabrication modernes de l’Institut technologique du Costa Rica, elle est arrivée en mars 2023 au Luxembourg.
Des mini-cerveaux pour lutter contre Parkinson
«Un an pour y travailler, c’est très court», explique la team leader de cette équipe supervisée par le professeur Jens Schwamborn (directeur du groupe de biologie développementale et cellulaire au LCSB), le professeur Miguel Angel Olivares Mendez (head du Space Robotics group au SnT) et le docteur Carol Martinez Luna (SnT). «Habituellement sur ce genre de projet, les chercheurs se préparent pendant cinq ou six ans. Nous avons eu beaucoup de contraintes liées à la nature de notre expérience. Nous sommes à la fois excités et stressés. Nous étions plus stressés il y a un mois environ, quand nous avons réalisé un test pour savoir si nous étions prêts. Mais la perspective du lancement…»
À partir de cellules de peau données par l’Integrated BioBank of Luxembourg, les cinq chercheurs ont reprogrammé des cultures de cellules en 3D de deux ou trois millimètres, dont ils espèrent que le passage dans l’espace à bord de l’ISS – microgravité oblige – va leur permettre de grossir jusqu’à 5 millimètres. Ces 30 organoïdes du cerveau moyen sont, de manière très simplifiée, des mini-cerveaux. À leur retour sur Terre après 30 jours, ces cultures seront passées à une sorte de microscope dopé à l’intelligence artificielle et les résultats pourraient être utilisés pour essayer d’accélérer la lutte contre la maladie de Parkinson et d’autres pathologies du même genre.
«Au lieu de devoir regarder les images une par une, les chercheurs pourront profiter de cette technologie pour aller beaucoup plus vite» et pourront donc permettre à la science d’aller, elle aussi, beaucoup plus vite, explique José Ignacio Delgado Centeno.
Le Cube Lab, sorte de petite boîte rouge, développée par le SnT, permettra à la fois de nourrir les cellules à intervalles réguliers, mais aussi de maintenir la température à 37 degrés, à partir d’une technologie développée par la start-up de l’espace Yuri, présente en Allemagne et au Luxembourg.
Retour le 16 avril au Luxembourg
Une version test a été envoyée aux États-Unis pour vérifier que le voyage se passera bien et la version définitive partira ce mardi 28 février. Des tests auront lieu au Kennedy Space Center de Cap Canaveral avant que SpaceTango, responsable de l’intégration des projets dans la fusée de Space X ne prenne en charge ce précieux «colis» de 2,54 kilos. Le retour sur Terre est programmé pour le 12 avril et au Luxembourg quatre jours plus tard.
Et déjà, autour de ces cinq jeunes chercheurs et de leurs professeurs, toute une communauté scientifique les attend, comme ceux qui se sont engagés dès la première heure pour les soutenir: de la Banque internationale de Luxembourg au Technoport, en passant par SciPharm Luxembourg, Foyer Assurances, les Amis de l’Université du Luxembourg et SES.
Car le temps presse. Plus de 200 ans après les premières descriptions cliniques de la maladie par James Parkinson, les prévisions sont très alarmantes. L’OMS estime que «c’est la maladie neurodégénérative qui progresse le plus au monde et pour laquelle les prévisions à horizon 2040 sont inquiétantes. Il est estimé que d’ici 2040, environ 13 millions de personnes seront atteintes de la maladie sur la planète.