Dionisio González présente, à la Valerius Gallery, des œuvres anciennes et ses productions les plus récentes. (Photo: Tom Jungbluth)

Dionisio González présente, à la Valerius Gallery, des œuvres anciennes et ses productions les plus récentes. (Photo: Tom Jungbluth)

L’artiste d’origine espagnole Dionisio González expose à la Valerius Gallery deux séries d’œuvres pour lesquelles l’architecture est au cœur du questionnement.

On avait déjà pu voir certaines des œuvres de Dionisio González à l’occasion du Mois européen de la photographie, en 2013, à l’occasion duquel il a remporté le prix Arendt & Medernach. Mais, jusqu’au 16 avril, c’est à la galerie Valerius qu’il est possible d’admirer les œuvres de cet artiste et photographe espagnol pour qui l’architecture et l’urbanisme sont au cœur de ses œuvres.

Les deux séries de photos présentées à la galerie sont différentes dans leur thématique, mais sœurs dans leur approche esthétique. Dionisio González choisit en effet de traiter des paysages panoramiques dans lesquels il intègre des architectures virtuelles, avec une grande virtuosité de retouche photographique.

Pour la série plus ancienne «Cartografia para a remoção», l’artiste s’est intéressé aux favelas brésiliennes, et plus particulièrement à celles de São Paulo et de Rio. Dans ces photographies, on voit des alignements de constructions précaires qui servent de logements de fortune, complétées par des constructions «en dur», des bâtiments d’architecture contemporaine dont les formes restent tout aussi libres et mouvantes que les éléments juxtaposés et bricolés qui composent les maisons des favelas.

«Les favelas sont des réalisations spontanées d’architecture, qui se développent de manière organique et qui fonctionnent en insurrection à un ordre établi», explique Dionisio González. «C’est l’exact opposé du panoptique puisque les favelas sont construites pour tourner le plus possible le dos aux contrôles de police ou à tout autre système autoritaire.» Il regrette qu’en réponse à l’insalubrité de ces quartiers ne soient proposée que la démolition et des projets de constructions verticales qui ne prennent pas du tout en considération l’existant, l’identité de ces lieux et la vie sociale qui s’y développe.

C’est pour cela qu’il propose, à travers ses montages photographiques, engagés au niveau sociopolitique, des architectures venant se greffer à un tissu bâti existant, offrant un bon niveau d’infrastructure, un accès aux réseaux et aux voies de communication. «Nous savons qu’en 2030, 70% de la population vivra dans des zones urbaines», poursuit Dionisio González. «L’extension urbaine et le développement des banlieues favorisent ce type d’urbanisation précaire. Ces photos sont là pour provoquer, pour créer un choc et rappeler qu’un tiers de la population mondiale vit dans ce type de logement. Plutôt que de les stigmatiser, ne devrions-nous pas intégrer ces favelas dans le tissu urbain et essayer d’y apporter une nouvelle qualité?»

De la favela à la cabane d’exil

En plus de ces œuvres qui datent des années 2005-2007, une autre série intitulée «Wittgenstein’s Cabin» est présentée. Dionisio González les présente ici pour la première fois, car il s’agit de ses œuvres les plus récentes. «Cette série a une approche plus romantique. Le point de départ est la question de l’exil, de l’isolement, pour trouver la source d’inspiration artistique ou intellectuelle.» L’artiste a pris comme élément déclencheur l’histoire du philosophe autrichien Ludwig Wittgenstein parti en exil en Norvège en 1914 et qui a dessiné et construit une cabane sur l’eau dans laquelle il a trouvé refuge sur le lac Eidsvatnet, à Skjolden. En complément, Dionisio González a aussi beaucoup observé les architectures vernaculaires construites sur l’eau au Vietnam, ainsi qu’aux Pays-Bas et à Seattle. «Je me suis demandé comment construire une cabane avec les moyens d’aujourd’hui», précise-t-il. Il observe également les contradictions qui se tissent entre la construction rationnelle de l’architecture et la fluidité de l’eau. «C’est pour cela que les formes ici sont bien plus organiques.»

Par ailleurs, il est intéressant de savoir que Dionisio González ne conçoit pas que les images de ces habitations utopiques, mais en dessine réellement les plans, les techniques, à travers de réels plans d’architecture. Certaines personnes lui ont d’ailleurs demandé de construire en vrai ces habitations, ce qui était sur le point de se faire en Corée du Sud avant que le projet ne soit stoppé par la crise de 2008. Mais peut-être que cela arrivera finalement un jour.

Dionisio González, «Wittgenstein’s Cabin/Cartografia para a remoção», jusqu’au 16 avril, au 1, place du Théâtre à Luxembourg, .