Contrairement au secteur, vous n’avez pas attendu la crise pour vous digitaliser. Investir de manière constante dans ce domaine était-ce une priorité?
Loïc Le Foll: Notre ambition? Être, au Luxembourg et en Europe, une plateforme patrimoniale phygitale de référence pour nos partenaires et leurs clients. Pour ce faire, nous investissons depuis de nombreuses années de manière conséquente dans la digitalisation et l’automatisation des processus opérationnels, d’une part, et des parcours clients/partenaires, d’autre part. Chaque axe stratégique de la compagnie a totalement intégré une composante digitale.
Pascal Bughin: Nous avons accéléré fortement nos investissements digitaux dès 2017 en nous attaquant dans un premier temps au socle de base: la chaîne de production. Nous avons ensuite rapidement élargi les ambitions à l’ensemble des processus internes et externes, comme le traitement des data financières. Nous avons également compris, il y a plusieurs années, que les solutions digitales et d’intelligence artificielle permettent d’augmenter sensiblement le niveau de sécurité et de contrôle des opérations internes et externes.
Cette digitalisation a-t-elle également pour objectif d’agir sur l’humain?
L.L.F. Chaque axe stratégique de la compagnie est concerné par la digitalisation. Ainsi, lorsque vous évoquez la notion d’«agir sur l’humain», je pense en priorité à la transformation culturelle et humaine de nos équipes. En effet, la montée en puissance du digital et de l’intelligence artificielle a, et aura encore plus à l’avenir, des impacts forts sur de nombreux métiers et sur notre organisation. Nous anticipons ces impacts afin que nos équipes évoluent, notamment par le biais de bilans de compétences et de programmes de formation. Nous souhaitons absolument accompagner et valoriser le capital humain. La seconde thématique qui s’impose est celle des relations avec nos partenaires et leurs clients. Les évolutions sont rapides, et la crise sanitaire a accéléré la transformation. À titre d’exemple, afin de surmonter l’impossibilité de mettre en place des événements en présentiel depuis mars 2020, nous avons organisé ces 12 derniers mois plusieurs dizaines de webinaires avec des thématiques patrimoniales, et plus de 4.000 partenaires ont participé à ces sessions.
P.B. La notion de partenariat est l’un des piliers du développement du groupe AG2R La Mondiale. Dans le cadre des relations avec nos partenaires, nous souhaitons accompagner les besoins liés à la révolution digitale, mais surtout ne pas négliger les relations classiques. C’est dans ce contexte que la notion reprise précédemment par Loïc est clé: La Mondiale Europartner doit être une plateforme patrimoniale phygitale de référence pour couvrir l’ensemble des besoins de nos partenaires.
Pour quelles raisons avoir fait appel à des fintech dans le cadre de ce partenariat?
P.B. Nous avions expérimenté, sur les principaux outils, des modes de gestion de projets classiques. Les durées d’implémentation se sont cependant révélées longues. En termes d’innovation, nous ne sommes jamais certains que l’idée va être la plus efficiente ou acceptée. Il nous fallait trouver des acteurs agiles pouvant proposer rapidement des solutions, notamment grâce à des POC (preuves de concept) et MVP (minimum viable product). Les fintech sont capables de développer en très peu de temps de nouvelles solutions, qui peuvent être testées en interne et avec des partenaires. La ligne temps, les budgets et les ressources humaines mobilisées sont optimisés lorsque nous travaillons avec une fintech. Enfin, il faut noter que les échanges avec les fintech nous alimentent en termes de pistes d’amélioration et d’innovation grâce à leur rayonnement sur un environnement plus large que celui de l’assurance.
L.L.F. Les solutions développées par les fintech permettent à une compagnie de notre taille de gagner du temps et de la compétence. Nous avons la chance ici d’avoir une formidable pépinière de fintech. Nous sommes toujours heureux, chez La Mondiale Europartner, d’échanger avec elles et de nous ouvrir à leurs solutions.
Quelles réactions la découverte des méthodes agiles a-t-elle suscitées?
L.L.F. Cette méthode peut surprendre, mais l’équipe y a adhéré. Il est nécessaire de lancer plusieurs POC pour retenir quelques idées, mais il ne faut pas voir cela comme un échec. Nous observons un changement d’état d’esprit, les équipes comprennent les bénéfices des méthodes agiles. Nous sommes vus par notre groupe comme un laboratoire: nous pouvons rapidement lancer un POC et faire un retour d’expérience pour tester l’idée à grande échelle.
P.B. Une difficulté que nous avons identifiée est l’appropriation. Il faut également accepter de ne pas avoir le produit complet quand il est mis en production. Il faut avoir une approche pragmatique et adapter une «politique des petits pas». Cela peut être perturbant pour des équipes opérationnelles, mais cela permet de corriger et d’évoluer plus rapidement. Les équipes ont souvent besoin d’une première concrétisation pour en comprendre l’intérêt.
De quelle manière ces collaborations vous permettent-elles également de répondre aux besoins réglementaires?
L.L.F. Pour vous répondre, nous pouvons mettre en avant notre partenariat avec Finologee, avec qui nous avons implémenté un processus digital de mise à jour des dossiers KYC de clients existants (notamment pour la collecte de copies de documents ou d’informations). La méthode classique consiste à demander ces éléments par courrier, souvent ignoré ou mal compris par le client. Cette démarche courrier est très administrative et, par ailleurs, sans valeur ajoutée pour nos équipes. Nous avons donc, grâce à Finologee, créé un canal digital sécurisé avec le client et le partenaire pour envoyer et recevoir ces données et documents. Les taux de retour et la qualité des réponses sont très satisfaisants!
Lexique
Quelques collaborations fructueuses
P.B. Le client est guidé et bénéficie d’un accompagnement adapté à sa situation. Nos partenaires ont également besoin d’énormément de données pour répondre à leurs obligations réglementaires. Nous avons ainsi mis en place des API (interfaces de programmation), c’est-à-dire de petits moteurs qui permettent aux partenaires de venir chercher l’information et qui facilitent ainsi leur travail.