De plus en plus d’industriels comprennent la nécessité d’optimiser leur production et d’avoir pour cela des outils flexibles, assure le CEO de Wizata, Jean-Philippe Hugo. (Photo: Wizata)

De plus en plus d’industriels comprennent la nécessité d’optimiser leur production et d’avoir pour cela des outils flexibles, assure le CEO de Wizata, Jean-Philippe Hugo. (Photo: Wizata)

Wizata a annoncé, mercredi, avoir levé 2,7 millions d’euros. De quoi accélérer au bon moment, pour son CEO, Jean-Philippe Hugo, même si l’interdiction de déplacement international complique la tâche de cette start-up spécialisée dans l’optimisation des processus industriels.

«On a mis deux ans entre les deux tours, ça me paraît assez traditionnel. Je n’ai pas beaucoup d’expérience, c’est la première entreprise que je dirige.»

À 31 ans, Jean-Philippe Hugo a pourtant déjà tous les codes de l’entrepreneur qui ne veut pas trop en dire et qui n’oublie personne quand il s’agit de remercier les investisseurs ou ceux qui soutiennent le développement de via une plate-forme d’outils qui permet à chaque entreprise de développer sa propre intelligence artificielle. ArcelorMittal, Aperam, Ceratizit, LafargeHolcim sont quelques-uns des noms ronflants qui ont déjà compris le potentiel de cette technologie «made in Lux».

En période de crise, lever 2,7 millions d’euros est une bonne nouvelle. Ça veut dire que des investisseurs voient la nécessité de vous donner des moyens pour accélérer. J’imagine que les discussions avaient commencé avant. À quoi ça va vous servir?

Jean-Philippe Hugo. – «Ça fait plaisir pour la société. Les discussions ont commencé légèrement avant la crise, mais cela va nous permettre de continuer à développer la société, nos investissements en recherche et développement, et aider nos clients. En avril 2019, le lancement a été annoncé à la foire de Hanovre. On a commencé à vendre et à acquérir de premiers clients. Maintenant, on cherche à accélérer.

Sur deux axes: la partie ‘ventes’, à la fois engager des forces de vente et trouver des partenaires au niveau plus global, et sur la partie ‘outil’, c’est l’amélioration de notre plate-forme, la recherche ou le développement de nouveaux composants.

Le plus important pour un start-upper est le choix du marché dans lequel on veut se positionner.
Jean-Philippe Hugo

Jean-Philippe HugoCEO de Wizata

Le plus important pour un start-upper est le choix du marché dans lequel on veut se positionner. Il faut être attractif pour l’investisseur, qu’il ait confiance dans le marché qu’on vise, l’industrie 4.0, l’intelligence artificielle, la digitalisation. Ce marché peut être extrêmement nouveau, comme ça peut être quelque chose de plus communément acquis. La deuxième chose, plutôt un retour d’expérience, est de bien s’entourer. Choisir les gens qui nous accompagnent depuis le début et écouter le conseil de ses ‘aînés’, comme le Digital Tech Fund et Expon, et tout l’écosystème qui est derrière, qui nous ont bien conseillés sur comment y arriver. Sans leur aide, on n’aurait pas forcément réussi à clôturer un tour aujourd’hui.

Faisons un retour en arrière sur votre activité. Quel est le cœur de votre activité, et à qui vous adressez-vous?

«La société a été créée en 2014, on est passé par une phase d’expérimentation, rechercher parfaitement comment pouvoir aider nos clients à utiliser l’intelligence artificielle pour optimiser leurs lignes de production. On a commencé par chercher les freins, les solutions sur le marché, avec Microsoft. On a fait des projets au Canada et au Brésil avec les grands noms de l’acier.

Ça a conduit à la première levée de fonds en 2018 avec le Digital Tech Fund, pour nous permettre de développer la solution que nous avions imaginée. En un peu plus d’un an, nous avons mis cette solution sur le marché, qui permet au client de développer sa propre intelligence artificielle. C’est un point important, on ne vend pas quelque chose de tout fait, mais une plate-forme avec plein d’outils, unifiés pour les ingénieurs qui vont eux-mêmes trouver des solutions à leurs problèmes.

Ça peut être un problème de stabilité dans la qualité des matières premières produites, un problème de panne récurrente de machines très coûteuses, un problème d’arrêt de production, ce qui coûte très cher. Ou des problèmes de gestion de coûts, de rendement. Il leur faut diminuer la quantité d’énergie utilisée ou de matières premières pour produire le même résultat. Le client connaît très bien sa problématique, il a des dizaines d’ingénieurs qui travaillent depuis longtemps à résoudre les problèmes et optimiser la production.

D’un point de vue pratique, le télétravail et la flexibilité sont déjà deux aspects assez naturels chez nous, où tous les outils sont digitalisés. Ça facilite l’organisation quotidienne.
Jean-Philippe Hugo

Jean-Philippe HugoCEO de Wizata

Typiquement, un bon moyen d’expliquer cela, c’est de penser à la cuisine. Tous les jours, on fait de la cuisine avec des ingrédients frais du marché. On a une recette. On a beau appliquer tout le temps les mêmes étapes de la recette, on n’obtient pas toujours le même résultat. Il faut toujours faire de petites adaptations pour réagir à la qualité des ingrédients. Tous ces paramètres, qui sont les paramètres des machines, la vitesse, la pression ou tous les paramètres physiques ou environnementaux, qu’on ne peut pas tous contrôler, fournissent des informations utilisées par l’ingénieur.

Ce qu’on lui propose, c’est d’utiliser l’intelligence artificielle pour optimiser son choix. Ça peut être des données de capteurs ou des données des machines, ou des rapports de maintenance, ou de qualité… Techniquement, on pourrait être capable d’opérer sur toutes les industries. Notre solution, et la manière dont elle est construite, fonctionne particulièrement bien pour des clients qui ont des problèmes d’optimisation continue, donc un marché avec les matières premières, les métaux, le papier ou l’alimentaire, l’industrie chimique.

C’est déjà devenu très banal, mais il n’est pas possible de ne pas vous demander comment vous avez géré la crise et le confinement

«D’un point de vue pratique, le télétravail et la flexibilité sont déjà deux aspects assez naturels chez nous, où tous les outils sont digitalisés. Ça facilite l’organisation quotidienne.

L’impact majeur est lié à l’interdiction de voyager, c’est un frein important… on travaille à des alternatives, parce que nos clients sont de grands industriels avec des usines un peu partout dans le monde. Et que ce soit au niveau commercial ou au niveau projet, on doit pouvoir envoyer nos équipes chez eux, rien que pour connecter les machines. Nos clients continuent de nous soutenir, et on voit même une accélération des projets: la digitalisation s’accélère dans l’industrie, pour avoir des outils flexibles.

On a beaucoup de chance d’être des sociétés basées au Luxembourg, par rapport à d’autres pays.
Jean-Philippe Hugo

Jean-Philippe HugoCEO de Wizata

Comme beaucoup d’entreprises, on a été soutenus par les mesures prises au Luxembourg. On a mis en place du chômage partiel pour les équipes projet à l’arrêt, on a trouvé une certaine flexibilité pour les gens qui ont des enfants, avec le congé familial. Ils se sont adaptés eux-mêmes à leur vie de parent pour trouver un équilibre. On a discuté avec le gouvernement au sujet des subsides ‘jeunes entreprises innovantes’.

De manière générale, on voit, entre les fournisseurs et différents acteurs, une certaine entraide et flexibilité. On a beaucoup de chance d’être des sociétés basées au Luxembourg, par rapport à d’autres pays. Face à une crise qui est venue très rapidement, il faut pouvoir prendre des décisions rapides, et le Luxembourg a cet avantage d’être un petit écosystème qui peut prendre des décisions rapidement.»