Le directeur du Cluster for Logistics, Malik Zeniti (61 ans), va quitter un poste qui «suscite un vif intérêt», se réjouit-il.  (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Le directeur du Cluster for Logistics, Malik Zeniti (61 ans), va quitter un poste qui «suscite un vif intérêt», se réjouit-il.  (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Après huit années de bons et loyaux services, le directeur du Cluster for Logistics, Malik Zeniti, se prépare à passer le flambeau. L’occasion de dresser, pour son successeur et le prochain gouvernement, un état des lieux du secteur de la logistique où talents, durabilité et transformation digitale se retrouvent au cœur des préoccupations.

«Je veux partager un message général sur ce que l’on a accompli, mais aussi sur les défis qui restent à relever», souligne d’emblée le directeur du Cluster for Logistics, . «L’année 2022 s’est clôturée en beauté avec des résultats encourageants, malgré les difficultés rencontrées par le secteur depuis le Covid. Cette crise a toutefois suscité une prise de conscience quant à l’importance de la logistique», analyse-t-il.

La logistique navigue en eaux troubles. L’inflation ralentit la croissance du commerce et la vente par correspondance continue à prendre de l’ampleur. Parallèlement, les coûts ont considérablement augmenté, ce qui amène les entreprises à revoir leurs dépenses à la baisse, notamment au niveau de l’intendance.

Les terrains et les infrastructures ont presque atteint leur capacité maximale. L’EuroHub Dudelange et la zone de Contern ont permis d’attirer de grandes entreprises comme Ferrero et Amazon, mais la dynamique actuelle risque de bientôt être confrontée à des contraintes spatiales. Il devient alors impératif de trouver de nouvelles alternatives pour conserver l’attractivité du secteur.

La première solution envisageable consisterait à désengorger le trafic vers Contern. À cet effet, le Cluster explore différentes options d’axes routiers intermédiaires. Deux propositions sont ainsi sur la table: la première traverse Hesperange et Contern, tandis que la seconde passe également par ces deux communes, ainsi que Sandweiler. (Photo: Cluster for Logistics)

La première solution envisageable consisterait à désengorger le trafic vers Contern. À cet effet, le Cluster explore différentes options d’axes routiers intermédiaires. Deux propositions sont ainsi sur la table: la première traverse Hesperange et Contern, tandis que la seconde passe également par ces deux communes, ainsi que Sandweiler. (Photo: Cluster for Logistics)

Recruter et former à tout prix

Par ailleurs, le coût de la main-d’œuvre au Luxembourg est le plus élevé d’Europe, ce qui décourage certaines entreprises à venir s’implanter dans le pays par crainte de perdre en compétitivité. Face à cette situation, Malik Zeniti insiste sur «la nécessité de se concentrer sur la formation».

Conscient des enjeux futurs, il précise: «L’e-commerce jouera un rôle prépondérant dans les années à venir. Le digital et l’IA sont l’avenir de la logistique.» Blockchain, data mining, flow casting… Les emplois sont de plus en plus complexes et nécessitent de plus en plus de qualifications. «Le secteur a toujours besoin de cols bleus, mais a dorénavant besoin de cols blancs», déclare-t-il. «Dans les années 1970, le Luxembourg s’est construit avec des banques et de l’argent. Aujourd’hui, le secteur de la logistique se construit avec l’analyse et la transformation de données», poursuit-il.

Pour remédier à la «fuite des talents», le Cluster élargit l’offre de formations disponibles au Luxembourg et propose un nouveau diplôme de niveau bac +3 intitulé «Responsable de logistique», en partenariat avec la Chambre de commerce et l’organisme Aftral (Apprendre et se former en transport et logistique).

Pour sensibiliser davantage les jeunes, des apprentis ont également été invités à découvrir les réalités du métier lors d’une visite des sites de logistiques de Contern, Mertert et Bettembourg/Dudelange.

Grâce à d’excellentes prestations, le Luxembourg atteint néanmoins le statut de pays «logistics-friendly» dans le classement de la Banque mondiale, soit le rang le plus haut possible. «Je suis très content de ce résultat», commente fièrement Malik Zeniti.

Un secteur confronté à la transition écologique

Le Plan national énergie et climat (PNEC) s’est donné pour objectif de réduire les émissions de CO2 de 56% d’ici 2030 et d’améliorer l’efficacité énergétique des transports, ce qui représente un défi de taille pour le secteur de la logistique. D’autant plus que les mesures d’incitation annoncées par le gouvernement en faveur de l’acquisition de flottes de véhicules propres sont jugées «insuffisantes» selon Malik Zeniti.

En Allemagne, l’État soutient jusqu’à 80% les investissements écologiques dans les transports. En revanche, au Luxembourg, les aides sont limitées à 40% et plafonnées à 300.000 euros, ce qui permet seulement l’acquisition d’environ trois camions par entreprise. «2030, c’est demain, et les mesures actuellement mises en place ne sont pas à la hauteur des ambitions», rappelle le directeur du Cluster.

Une autre alternative est l’introduction de longs camions. L’utilisation d’un camion de 25,25 mètres de long au lieu des 19 mètres habituels présente de nombreux avantages:

– la diminution des émissions de CO2 de 15% à 25%;

– l’élimination d’un tiers (33%) des trajets par camion;

– le maintien de la compétitivité vis-à-vis des pays qui ont officiellement autorisé leur utilisation;

– aide les PME luxembourgeoises à se spécialiser, avec des chauffeurs hautement qualifiés;

– permet de contrer la difficulté de trouver des conducteurs de camion et la flambée des salaires;

– diminue les coûts de 20 à 25%.

Mais la question de la sécurité inquiète grandement le Luxembourg, qui redoute que les manœuvres pour ce type de véhicules soient trop complexes. «Les Allemands ne considèrent pas cela comme un danger et circulent déjà sur un réseau de 12.000km», explique le directeur, quelque peu agacé. Il souhaite toutefois trouver un compromis et propose de tester un long camion au Luxembourg qui transportera uniquement des marchandises qui ne comportent aucun risque, telles que des fleurs.


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Malgré tout, le directeur du Cluster se réjouit des avancées dans le domaine de la logistique trimodale (avion, bateau et train) ainsi que du développement du transport ferroviaire. «La création d’un outil exceptionnel qui permet de charger des semi-remorques sur le rail est une véritable success-story», affirme-t-il d’un ton jovial.

«Il est essentiel de rappeler que le Cluster joue un rôle important dans la logistique, car il donne la possibilité aux entreprises d’entreprendre des actions qu’elles ne pourraient pas envisager si elles étaient seules», conclut le directeur du Cluster for Logistics.