Le ministère des Finances précise qu’aucun transfert de propriété n’est opéré lorsqu’un avoir est gelé. (Photo: Shutterstock)

Le ministère des Finances précise qu’aucun transfert de propriété n’est opéré lorsqu’un avoir est gelé. (Photo: Shutterstock)

À l’instar de nombreux pays européens, le Luxembourg n’a pas encore publié de statistiques sur le résultat des sanctions contre la Russie. Réunis au sein de la task force «Freeze and Seize» de la Commission européenne, les États membres se sont avant tout mis d’accord sur les notions juridiques de saisie et de gel des avoirs.

Depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, l’Union européenne a ciblé 877 individus et 62 entités dans le cadre de ses sanctions contre la Russie. La majorité de ces sanctions proviennent des derniers trains décidés au cours des deux derniers mois, à en croire la base de données OpenSanctions, développée par une équipe indépendante de data scientists.

Afin de corroborer l’efficacité de ces mesures restrictives avec leur croissance significative, nous avons sollicité le ministère des Finances pour recevoir un jeu de données anonymisées reprenant les gels des avoirs opérés au Luxembourg dans le cadre de sanctions contre la Russie depuis 2014. Il nous a été répondu que «le ministère publiera le volume total des avoirs gelés dans un futur proche».

La Cellule de renseignement financier (CRF), responsable de recevoir les déclarations de soupçons d’infractions à la loi anti-blanchiment, déclare, pour sa part, que la présence d’une personne sur une liste de sanctions ne génère pas automatiquement un soupçon. De ce fait, la CRF précise qu’il appartient à l’entité déclarante d’analyser tous les éléments du dossier et d’apprécier si elle a l’obligation de faire une déclaration à la CRF. Ainsi, la mention d’une personne sur une liste de sanctions ne constitue qu’un indicateur de blanchiment parmi d’autres. Dans de telles circonstances, il est difficile d’établir des statistiques par liste de sanctions, nous est-il indiqué.

Peu d’efficacité encore démontrée en Europe

Selon un article de Reuters publié le 24 mars, plusieurs États membres n’ont pas fourni de détails sur les avoirs gelés jusqu’à présent. C’est notamment le cas de l’Allemagne, qui a indiqué espérer des progrès dans un délai de deux semaines. L’Autriche, l’Irlande, Chypre et Malte ont refusé de spécifier s’ils ont effectué des gels d’avoirs.

Le ministère néerlandais des Finances a quant à lui déclaré avoir gelé environ 390 millions d’euros d’avoirs associés aux sanctions contre la Russie. Ce qui, selon les estimations du gouvernement, représenterait seulement 1% de la fortune des personnes sanctionnées détenues sur des comptes bancaires, des trusts et d’autres véhicules financiers aux Pays-Bas et dans des centres offshore liés au pays.

L’Italie a rapporté avoir saisi des actifs physiques, tels que des yachts et des villas, pour une valeur de 800 millions d’euros. Les autorités espagnoles annoncent n’avoir procédé à aucun avoir de compte bancaire, et le Portugal n’aurait procédé qu’au gel d’un seul compte bancaire avec un solde de 242 euros.

La Belgique semble pour l’heure tenir la place de meilleur élève européen, avec la somme totale de 2,7 milliards d’euros gelés sur des comptes bancaires et 7,3 milliards d’euros en transactions.

Le Luxembourg «a fait le point sur les outils»

Reuters rapporte que les États-Unis font également face à de nombreuses difficultés dans les gels des avoirs des personnes sanctionnées à cause d’obstacles juridiques. Les oligarques détiendraient la plupart de leurs avoirs en dehors de l’UE et des États-Unis, notamment dans des juridictions offshore, en Grande-Bretagne, en Suisse et dans le Golfe.

La ministre des Finances, (DP), a toutefois convoqué, le 18 mars dernier, une réunion extraordinaire du Comité de suivi des sanctions contre la Russie. Un communiqué de presse daté du 21 mars rapportait alors que «la réunion a notamment permis aux participants de partager leurs expériences et efforts déployés». Ces derniers «ont fait le point sur les outils et procédures en place pour garantir une mise en œuvre efficace des sanctions».

Le même communiqué de presse explique que le Luxembourg est représenté au sein de la nouvelle plateforme européenne «Freeze and Seize», créée par la Commission européenne pour assurer la mise en œuvre des sanctions et éviter d’éventuelles tentatives de contournement.

Confisquer ou juste geler?

Interrogé par Paperjam sur la plateforme européenne «Freeze and Seize», le ministère des Finances informe que, lors de la première réunion de la task force, les discussions ont permis de clarifier certaines modalités juridiques clés. En effet, malgré le nom de la plateforme, il n’est pas possible de saisir des actifs dans un contexte de sanctions internationales.

En ce sens, le ministère des Finances souligne que la saisie pénale et la confiscation des avoirs constituent «des mesures qui ne figurent pas à l’heure actuelle dans l’éventail des sanctions prises à l’encontre de la Russie». Par gel des avoirs, conformément à la loi luxembourgeoise, il y a donc lieu d’entendre toute action visant à empêcher l’utilisation de ressources économiques aux fins d’obtenir des fonds, des biens ou des services de quelque nature que ce soit, y compris leur vente, leur location ou leur hypothèque. Ni les fonds ni les ressources économiques des personnes sanctionnées ne peuvent être mis à leur disposition.

Le ministère des Finances insiste en revanche sur le fait qu’il n’y a aucun transfert de propriété lorsque des avoirs sont gelés. Ils continuent d’appartenir «techniquement» à leurs propriétaires.

Les institutions financières concernées sont tenues de notifier immédiatement le ministère en cas de présence dans leurs livres de comptes d’une personne physique ou morale sujette à une sanction. Il en va de même pour les tentatives de transaction. Il ne relève par contre pas de la responsabilité des autorités de procéder au gel des avoirs identifiés, précise le ministère des Finances, mais bien aux institutions financières qui identifient des actifs liés à des personnes sanctionnées.