Nicolas Sopel est Senior Macro Strategist chez Quintet Private Bank (Photo: Quintet Private Bank)

Nicolas Sopel est Senior Macro Strategist chez Quintet Private Bank (Photo: Quintet Private Bank)

Alors que 2022 semble placée sous le signe de la normalisation, la volatilité accrue depuis le début de l’année reflète les diverses préoccupations du marché et pèse sur le sentiment des investisseurs. 

Après un soutien monétaire et budgétaire sans précédent en réponse à la pandémie, les banques centrales augmentent désormais leurs taux d’intérêt et réduisent leurs bilans au moment même où la croissance économique ralentit. Ces dynamiques, du fait de la dépendance des marchés aux politiques de soutien, notamment monétaire, ainsi que les tensions géopolitiques, compliquent le retour à la normale des fondamentaux.

La situation macroéconomique reste toutefois bonne et les actifs risqués peuvent encore performer, même si les rendements pourraient être inférieurs à ceux de l’année dernière. Au final, depuis les années 80, l’indice américain S&P 500 a toujours fini en territoire positif douze mois après la première hausse des taux.

Tout d’abord, bien que moins rapide, la croissance se normalise à partir de niveaux très élevés, et elle devrait rester solide cette année, au-dessus des tendances pré-covid. De fait, le monde se situe désormais au-delà du pic de croissance, et l’augmentation des bénéfices, ainsi que les marges bénéficiaires restent solides. 

Ralentissement de l’inflation courant 2022

Ensuite, l’inflation devrait ralentir au cours de l’année. Si elle a grimpé en flèche sous l’impulsion des plans de relance sans précédent et des perturbations majeures des chaines d’approvisionnement, la diminution des prix de production en Chine, des coûts de fret et d’expédition et les délais de livraison plus courts sont autant de signes encourageants. Il est possible que l’inflation ne revienne pas aux niveaux historiquement bas observés au cours de la décennie précédant la pandémie, mais elle devrait être inférieure à celle d’aujourd’hui.

Enfin, la hausse des prix a poussé les banques centrales à resserrer leur politique monétaire, mais au final les taux d’intérêt vont juste remonter de zéro. Certes, les conditions financières finiront par se durcir quelque peu en même temps que le cycle arrivera à maturité, mais, pour l’instant, elles restent accommodantes, peut-être un peu moins depuis le début de la pandémie. En somme, avec le rebond en cours et à mesure que les effets de la pandémie s’estompent, les mesures de soutien à l’économie doivent diminuer.

De leur côté, les marchés ont peut-être trop rapidement anticipé un resserrement monétaire significatif, et ils ont historiquement tendance à surestimer les hausses de taux. Les taux directeurs vont remonter, mais peut-on penser que les banques centrales feront l’erreur de pousser l’économie en récession en fermant le robinet du crédit trop rapidement? Comme les pressions inflationnistes sont exogènes, augmenter significativement le loyer de l’argent s’ajouterait comme une contrainte supplémentaire à la hausse des factures, énergétique notamment, et ne résoudrait probablement pas les perturbations que les chaines de distribution connaissent actuellement.

L’Ukraine en cygne noir

Cependant, il est vrai que l’horizon à court terme comporte certains risques, comme les effets inflationnistes de la pandémie et les tensions géopolitiques. Malheureusement, la situation à la frontière ukrainienne reste un cygne noir, et il y a un risque qu’elle n’évolue pas dans une direction claire dans les prochains jours. Elle pourrait même se transformer en partie d’échecs diplomatiques et les risques de mauvais calcul pourraient alors augmenter. Un conflit entraînerait probablement de nouvelles perturbations dans le secteur de l’énergie, à un moment où l’Europe est déjà confrontée à une crise du secteur. Il ne s’agirait alors pas seulement d’un choc d’inflation centré sur l’Europe, car la hausse des prix du pétrole pousserait l’inflation à la hausse ailleurs également et aurait à terme un impact négatif sur la croissance. Bien que les risques géopolitiques ont généralement un impact de courte durée sur les marchés, cette situation pourrait soutenir les valeurs refuges jusqu’à sa clarification.

Néanmoins, il est intéressant de noter que les marchés émergents, qui sont généralement considérés comme plus risqués, ont relativement bien résisté récemment. Cela est dû à plusieurs facteurs. Tout d’abord, les banques centrales ont de manière générale activement remonté leurs taux directeurs depuis 2021, certaines étant maintenant sur le point de mettre fin à leur cycle de resserrement, voire même de l’assouplir. Il y a ensuite les prix élevés des matières premières, qui profitent aux pays émergents exportateurs, et les valorisations attrayantes des devises, mais aussi des actions. Enfin, il faut tenir compte des risques contenus en Chine, pays qui semble se stabiliser et stimule l’économie fiscalement, avec une politique monétaire accommodante. Dernièrement, un affaiblissement du dollar pourrait donner un nouveau souffle aux investissements dans les pays émergents. 

Malgré les vents contraires qui soufflent sur l’horizon court terme, la situation à plus long terme reste cependant favorable selon nous et les perspectives de rendement des investissements à long terme demeurent encourageantes.