Si les juges de la Cour de justice de l’UE suivent les conclusions de l’avocat général, les réseaux sociaux seront tenus de rechercher et de supprimer ou de bloquer tous les contenus identiques voire équivalents à un contenu signalé comme diffamatoire par un utilisateur. (Photo: Shutterstock)

Si les juges de la Cour de justice de l’UE suivent les conclusions de l’avocat général, les réseaux sociaux seront tenus de rechercher et de supprimer ou de bloquer tous les contenus identiques voire équivalents à un contenu signalé comme diffamatoire par un utilisateur. (Photo: Shutterstock)

Dans une affaire portée devant la Cour de justice de l’UE, l’avocat général estime que Facebook est dans l’obligation de rechercher les commentaires diffamatoires qui lui sont signalés ainsi que les commentaires identiques voire équivalents, sous conditions.

Facebook se dirige vers un nouveau revers devant la CJUE si les juges adoptent l’approche de l’avocat général – ce qui arrive dans la majorité des affaires. Visé par Max Schrems à plusieurs reprises depuis 2015 – avec au passage  ou la –, Facebook est cette fois attaqué par une autre ressortissante autrichienne, Eva Glawischnig-Piesczek, accessoirement députée au Nationalrat et présidente du groupe parlementaire Die Grünen.

Celle-ci réclame la suppression d’un commentaire dégradant publié sur la page d’un utilisateur de Facebook en réaction à un article de presse du magazine d’information en ligne oe24.at.

Facebook ignorant sa demande, Mme Glawischnig-Piesczek a demandé à la justice autrichienne de rendre une ordonnance de référé à l’encontre du géant du numérique afin de l’obliger à supprimer le commentaire diffamatoire. Chose faite en première instance, sauf que la victime réclamait une suppression du commentaire au-delà des frontières autrichiennes.

La Cour suprême autrichienne a alors interrogé la CJUE sur la portée de la directive sur le commerce électronique, la question étant de savoir si l’injonction de cessation pouvait aussi être étendue, au niveau mondial, aux déclarations textuellement identiques et/ou de contenu équivalent dont Facebook n’a pas connaissance.

Un pas supplémentaire dans les obligations de l’hébergeur

Cette directive prévoit qu’un hébergeur – en l’occurrence Facebook en tant qu’exploitant d’une plate-forme de réseau social – n’est pas responsable des informations stockées par des tiers sur serveurs lorsqu’il n’a pas connaissance de leur caractère illégal. Mais dès qu’il en est averti, il doit les supprimer ou bloquer leur accès.

Dans ses conclusions rendues mardi, l’avocat général Szpunar franchit un pas supplémentaire en estimant que la directive ne s’oppose pas à ce qu’un hébergeur tel que Facebook soit contraint, par une injonction, de rechercher et d’identifier, parmi toutes les informations diffusées par les utilisateurs de cette plate-forme, les informations identiques à celle qualifiée d’illicite par une juridiction ayant rendu cette injonction.

Le magistrat polonais justifie cette approche en ce qu’elle ménage un juste équilibre entre la protection de la vie privée et des droits de la personnalité d’un côté, et celle de la liberté d’entreprise, de la liberté d’expression et d’information de l’autre. Surtout qu’il est très facile, sur internet, de recopier un contenu, mais aussi facile pour l’hébergeur de retrouver des commentaires identiques.

Une obligation qui peut s’étendre aux contenus équivalents

Quant à la recherche de contenus équivalents, l’avocat général reste plus mesuré, puisqu’une obligation d’identifier des informations équivalentes provenant de tout utilisateur risquerait de verser dans la censure et d’occasionner des coûts exorbitants.

Il pose ainsi des conditions à cette recherche, qui devrait se limiter aux informations diffusées par l’utilisateur de Facebook ayant publié le premier commentaire diffamatoire ou injurieux. La juridiction peut aussi contraindre l’hébergeur à retirer des informations équivalentes dès lors qu’elles lui ont été signalées par la personne visée ou des tiers.

Quant à la question de la portée de l’obligation de retrait des informations, l’avocat général estime que la directive ne s’oppose pas à ce que cette obligation s’applique au niveau mondial. Toutefois, il faudrait une véritable analyse des effets extraterritoriaux de la directive à la lumière du droit international public et privé.

Les juges de la CJUE doivent désormais rendre leur arrêt à l’aune de ces conclusions, qu’ils peuvent suivre ou non.