En 2019, la SNCH avait enregistré un record d’homologations. Depuis la mi-août, elle est en ordre de bataille pour affronter un marché européen secoué par la nouvelle réglementation post-dieselgate. (Photo: Shutterstock)

En 2019, la SNCH avait enregistré un record d’homologations. Depuis la mi-août, elle est en ordre de bataille pour affronter un marché européen secoué par la nouvelle réglementation post-dieselgate. (Photo: Shutterstock)

Fin 2015, le dieselgate a permis de découvrir les activités de la Société nationale de certification et d’homologation. Cinq ans plus tard, elle ne s’est jamais aussi bien portée. La SNCH s’est remise en ordre de bataille après le départ de Gilles Feith et avant la nouvelle réglementation de l’UE.

L’histoire raconte que, ce jour-là, (Déi Gréng) a failli s’étrangler. Le 18 septembre 2015, l’agence américaine de l’environnement accuse publiquement Volkswagen d’avoir utilisé un logiciel pour tromper le régulateur sur le niveau de pollution de ses voitures aux États-Unis.

Le ministre écologiste des Transports a la responsabilité politique de l’homologation des véhicules au Luxembourg… À Sandweiler, où la Société nationale de certification et d’homologation (SNCH) est installée depuis sa création, en 1987, on «farfouille» dans les milliers d’homologations délivrées chaque année pour vérifier que l’autorité de contrôle du Luxembourg n’a joué aucun rôle dans ce scandale naissant.

Son directeur de l’époque, Claude Liesch, joue très vite les pompiers de service lorsque les médias désignent la SNCH comme un des principaux organismes d’homologation en Europe alors même que le pays n’a aucun constructeur établi sur son sol. Les constructeurs allemands sont de bons clients de l’organisme luxembourgeois.

150 homologations par véhicule

Dans un univers très concurrentiel, les constructeurs font parfois homologuer jusqu’à 150 pièces ou systèmes de chacun de leurs nouveaux modèles en essayant de conserver les précieux secrets aux yeux de leurs concurrents. Luxembourg est un pays «pratique»: il ne défend pas de constructeur, il parle indifféremment l’allemand, le français ou l’anglais, il est «business oriented».  Mais M. Liesch se défend alors de toute homologation de complaisance. À 350 euros le certificat, même un millier d’homologations chaque année ne font jamais que 3,5 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Cinq ans plus tard, la SNCH va bien. Après avoir essayé de faire transférer la responsabilité de l’organisme vers le ministère de l’Économie – sans succès –, François Bausch a fini par y déléguer son directeur de cabinet et homme de confiance, .

Imaginez une seconde que la SNCH ait homologué les dispositifs antipollution des principaux constructeurs ou même qu’elle valide un dispositif de sécurité mis en défaut dans un effroyable accident de la route. Le «nation branding» serait plus écorné qu’il ne l’a été en attendant le célèbre «level playing field» du secteur financier.

Avant même le départ de M. Feith pour Luxair, au début de l’été, la SNCH – elle-même soumise à un audit indépendant depuis des années – avait préparé sa transition. Claude Liesch muté au ministère de l’Économie comme conseiller à la direction de l’Institut luxembourgeois de la normalisation, de l’accréditation, de la sécurité et qualité des produits et services (Ilnas), le flambeau avait été repris en début d’année par Luc Schmitt, directeur qualité et gestion des risques.

Nouveau trio à la tête de la SNCH

Depuis cet été, le 12 août, est officialisé un comité de direction avec trois directeurs , avec Camille Delgoffe (directrice financière) et Laurent Linden (directeur opérationnel), déjà opérationnels au départ de Claude Liesch. Pol Philippe, un ingénieur qui avait quitté ArcelorMittal pour le ministère de Bausch en 2015, devient président du conseil d’administration.

La Sàrl est devenue une société anonyme, dont l’unique actionnaire est l’État, et elle a déménagé de Sandweiler à Bourmicht. Contacté ce mardi matin, à l’occasion de l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation de l’homologation des véhicules en Europe, M. Schmitt insiste: «La SNCH n’est pas une société commerciale. Elle n’est pas là pour dégager du profit mais comme autorité de contrôle.»

Certes. Mais de trois services techniques qui effectuaient les contrôles au moment du dieselgate en 2015, : Ateel, Luxcontrol, Tüv Rheinland (Allemagne), Tüv Süd (Allemagne), Utac (France), Cetoc TS (Italie), Dekra (Allemagne) et Cima Lab (Espagne).

Ce n’est rien d’exceptionnel, certains régulateurs européens en agrémentent jusqu’à vingt. Pourquoi? Pour faciliter la vie des constructeurs. Quand l’un d’entre eux veut s’adresser à la SNCH, elle le renvoie vers sa page internet et il va faire tester sa pièce par un des huit. Le service technique renvoie le rapport technique, le résultat des tests et le dossier du constructeur à la SNCH dans une des trois langues qui ont été retenues (français, allemand, anglais). Et la SNCH peut étudier le dossier et délivrer ou pas l’homologation. Le prix varie en fonction de la nature de l’homologation.

Plus de 12.000 homologations l’an dernier

Le nombre d’homologations est ainsi passé de 8.746 en 2015, dont 57% d’européennes, au début du dieselgate… à plus de 12.000 l’an dernier. Et le chiffre d’affaire de 3 à 5,1 millions d’euros (2018).

Sur la scène européenne, , le Luxembourg est la deuxième autorité d’homologation des véhicules avec 1.002 homologations de véhicules (17% du marché européen) derrière l’Allemagne (1.209) et devant le Royaume-Uni (891), la France (729) et les Pays-Bas (393). Ces chiffres, qui portent sur les années 2004-2009, ne reprennent que l’homologation de véhicules complets et pas des rétroviseurs, des phares ou de l’injection.

Cette réglementation, entrée en vigueur ce mardi 1er septembre, prévoit un audit des autorités par leurs pairs. De quoi favoriser ou défavoriser le Luxembourg dans cet univers toujours décrit comme très concurrentiel par le ministre des Transports dans ses rapports annuels, difficile de le dire. Mais la SNCH avait au moment du dieselgate un avantage unique en Europe: elle était déjà auditée de manière indépendante. N’en déplaise aux ONG qui accusaient le Luxembourg.

Comme dans la plupart des secteurs, c’est le Covid-19 qui a mis un frein à cette régulière montée en puissance de l’autorité luxembourgeoise d’homologation.