L’exposition Peter Halley. Conduits: Paintings from the 1980s rassemble au Mudam plus d’une trentaine d’œuvres du peintre américain. (Photo: Mareike Tocha/Mudam Luxembourg)

L’exposition Peter Halley. Conduits: Paintings from the 1980s rassemble au Mudam plus d’une trentaine d’œuvres du peintre américain. (Photo: Mareike Tocha/Mudam Luxembourg)

L’Américain Peter Halley est à l’honneur au Mudam à travers une exposition monographique qui revient principalement sur les dix premières années de création de ce peintre majeur de la création contemporaine.

Cette exposition fera certainement partie des expositions qui marqueront l’histoire de la programmation du Mudam, tout comme l’ont été récemment les expositions de William Kentridge, Robert Morris, Charlotte Posenenske ou Etel Adnan.

Elle offre un panorama de l’œuvre de jeunesse de Peter Halley à travers la présentation d’une trentaine d’œuvres venues de nombreuses collections privées et publiques, dont certaines lointaines. Un beau travail de la part de l’équipe du musée qu’il convient de saluer ici.

La naissance d’un vocabulaire

 Grâce à cette sélection d’œuvres, on observe comment ce vocabulaire pictural si spécifique à l’artiste s’est mis en place il y a 30 ans et continue d’être utilisé encore aujourd’hui, tout en évoluant. Les salles étant organisées par ordre chronologique, on découvre donc les premières œuvres du peintre qui utilise alors le carré en situation pour signifier la prison. Ce mélange de minimalisme et d’art géométrique est utilisé par Peter Halley pour porter une critique de son environnement social. La forme du carré n’est pas non plus sans évoquer la fenêtre dans le tableau de l’art ancien, cette fenêtre ouverte vers le monde. Mais une fenêtre empêchée, à laquelle on a ajouté des lignes verticales, des barreaux.

De l’abstraction géométrique, un glissement s’opère vers un nouveau sens par l’introduction de bandes verticales qui deviennent les barreaux d’une prison. (Photo: Mareike Tocha/Mudam Luxembourg)

De l’abstraction géométrique, un glissement s’opère vers un nouveau sens par l’introduction de bandes verticales qui deviennent les barreaux d’une prison. (Photo: Mareike Tocha/Mudam Luxembourg)

«Lorsque je suis revenu à New York dans les années 1980, cette ville dans laquelle j’avais grandi m’est apparue comme une prison. Je m’y sentais très isolé. Cette figure du carré, qui est pour moi une prison, est aussi un motif qui permet de réinterroger les icônes modernes, le carré de Malevitch. En y ajoutant une barre, j’introduis une nouvelle signification. J’étais isolé à la maison, mais toujours relié au monde par le téléphone par exemple, objet qui à cette époque, était filaire. Ajouter cette barre, ce fil, est aussi une manière pour moi d’interroger les moyens de communication, et le rôle des grandes entreprises de communication qui dirigent notre monde. Dans une maison, les liens de connexion sont toujours cachés dans les murs. Jamais vous ne voyez les fils qui vous permettent de brancher votre téléphone. Peindre ceci est pour moi une manière d’interroger notre manière de communiquer et donc notre société», explique Peter Halley.

De la prison à la ville à la technologie

Un peu plus loin dans le parcours, le peintre opère un changement de perspective de l’espace architectural de la prison et développe avec «Ideal City» (1984) un espace urbanistique: les carrés évoquent désormais les immeubles vus du ciel. Ce système rationnel, systémique, lui permet d’organiser le monde, de l’ordonnancer.

Mais ces formes carrées mises les unes à côté des autres évoquent aussi les touches du téléphone de l’époque. On retrouve ce double intérêt pour les technologies, les liaisons, et la planification urbaine.

En utilisant aussi des couleurs fluo, il se détache de l’élément naturel et induit un rendu plus technologique, effet que l’on retrouve aussi dans son expérience avec la vidéo, pour laquelle il s’inspire des jeux vidéos alors à la pointe de l’avancée technologique à l’époque.

Alors que Michel Majerus s’intéresse plus aux images produites par les nouvelles technologies, que ce soit les clips vidéos ou les prémices d’internet, Peter Halley lui prête plus attention aux infrastructures de cette technologie.

Dès les toiles des années 1990, ses motifs évoluent encore un peu et des tubes sortent des cellules, peuvent même former des circuits fermés. Ce changement induit l’idée d’un flux d’information, le fait que les cellules ne sont plus le terminus d’un processus, mais un élément qui appartient à un circuit auquel elles participent.

L’introduction des paysages et le cinéma

Dans l’aile ouest, les peintures prennent d’autres dimensions et la notion de paysage est introduite. Par cette grande échelle, la présence humaine est suggérée par son absence. Désormais, les paysages ne sont plus connectés à rien. Ils sont hors d’échelle et posent la question de la place de l’homme dans cet univers infini. C’est aussi une interrogation de sa propre peinture, une réflexion sur le motif. «Jusqu’à quel point puis-je retirer les éléments et faire en sorte que je reste toujours dans mon vocabulaire?», s’interroge Peter Halley.

Certaines œuvres ne sont pas non plus sans évoquer un lien avec le cinéma, la séquence d’images. Les lignes horizontales sont alors comme les bandes-son que l’on retrouve en bas des rushes sur la table de montage. Mais les tuyaux ne sont désormais plus connectés. Ils deviennent silencieux, comme inopérants. C’est aussi une critique de la vie américaine de ces années-là, avec la menace de l’expansion économique, la menace de l’arme nucléaire et l’épidémie de sida.

Peter Halley. Conduits: Paintings from the 1980s, jusqu’au 15 octobre au .