La directive adoptée aujourd’hui introduit des obligations pour les grandes entreprises concernant les impacts négatifs de leurs activités sur les droits de l’homme et la protection de l’environnement. (Photo: Shutterstock)

La directive adoptée aujourd’hui introduit des obligations pour les grandes entreprises concernant les impacts négatifs de leurs activités sur les droits de l’homme et la protection de l’environnement. (Photo: Shutterstock)

Le Conseil de l’Union européenne a donné son approbation finale à la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDDD). Une directive jugée à la fois utile et nécessaire, mais aussi «pas assez ambitieuse». 

Une belle avancée, mais une ambition limitée. Ce sont, dans les grandes lignes, les principales réactions observées ou entendues concernant la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité. C’est d’ailleurs ce que pensent la Fedil et la Commission consultative des droits de l’Homme du Luxembourg, qui ont toutes deux fait part de leurs avis concernant cette directive, pour laquelle les États membres avaient déjà trouvé un accord le vendredi 15 mars dernier. Aujourd’hui, le Conseil de l’Union européenne a à son tour donné son approbation. Il s’agit ainsi de la dernière étape de la procédure, avant que la directive ne soit transposée dans les États membres.

Pour rappel, cette directive introduit des obligations pour les grandes entreprises concernant les impacts négatifs de leurs activités sur les droits de l’Homme et sur l’environnement. Les règles concernent les entreprises elles-mêmes, mais aussi leurs filiales et leurs partenaires commerciaux, bref, toute la chaîne de valeur d’une entreprise. Concrètement, la directive prévoit que les entreprises pourraient être juridiquement responsables des violations de droits humains, sociaux et environnementaux (dans des cas de travail forcé, de travail des enfants, de défaillances en matière de sécurité, de pollution, de déforestation…). 

Plus précisément, elle concerne les entreprises de plus de 1.000 salariés, avec un chiffre d’affaires supérieur à 450 millions d’euros, qui devront donc mettre en œuvre un système basé sur les risques pour surveiller, prévenir ou réparer d’éventuels dommages. Elles devront aussi adopter un plan de transition climatique conforme à l’accord de Paris.

Partant du principe que les comportements des entreprises (et notamment des plus grandes qui dépendent de chaînes de valeurs mondiales) sont essentiels pour atteindre les objectifs de durabilité de l’Union européenne, cette législation européenne a vocation à protéger les droits humains, l’environnement et le climat. Mais les avis sur le texte demeurent mitigés.

Du positif…

Avec cette directive, l’Union européenne veut aussi se donner des moyens d’atteindre ses objectifs en termes de durabilité. Par ailleurs, à l’heure où les enjeux de la durabilité sont de plus en plus forts, le fait de porter une initiative commune, au niveau européen, marque une volonté d’harmonisation. La Commission consultative des droits de l’Homme du Luxembourg salue quant à elle une étape-clé pour la protection des droits humains, de l’environnement et du climat. «La directive marque une avancée notable en obligeant un certain nombre d’entreprises à identifier, prévenir et atténuer l’impact négatif de leurs activités via des mécanismes de diligence raisonnable», réagit-elle dans un communiqué diffusé ce vendredi.

La directive devait concerner au départ les entreprises de plus de 250 salariés. Le seuil a été revu à la hausse pendant le processus législatif, pour se focaliser sur les entreprises de plus de 1.000 salariés avec un chiffre d’affaires d’au moins 450 millions d’euros. Ce qui ne concerne finalement que 5.000 entreprises de façon directe, contre 16.000 au départ. Au Luxembourg, la CCDH estime qu’une quarantaine d’entreprises seraient directement concernées. 

… et des lacunes

Mais pas de quoi rassurer certains acteurs tels que la Fedil, qui craint tout de même pour le sort des PME qui pourraient être impactées en tant que contractants ou sous-traitants d’entreprises qui sont, elles, directement concernées par le champ d’application de la directive. La Fedil craint aussi une charge bureaucratique encore alourdie, et un risque de fragmentation résultant «de la marge de manœuvre trop importante laissée aux États membres lors de la transposition de la directive en droit national. Il convient de garantir des règles uniformes et d’assurer des conditions de concurrence équitables entre les États membres en ce qui concerne la conformité des entreprises». 

Comme la Fedil, la CCDH évoque aussi des «lacunes à combler au niveau national». «La directive constitue une protection minimale tout en permettant aux États membres d’aller plus loin», souligne-t-elle, en appelant justement le gouvernement luxembourgeois et son Parlement à aller plus loin dans la transposition de la directive, en «entamant les travaux de transposition dans les meilleurs délais avec une implication étroite des parties prenantes et en prévoyant le niveau de protection le plus ambitieux possible».

La directive entrera en vigueur officiellement 20 jours après sa publication au journal officiel de l’UE. Publication qui se fera une fois que le président du Parlement européen aura signé l’acte législatif. Les États membres auront, dès lors, deux ans pour mettre en œuvre les réglementations et procédures administratives nécessaires pour se conformer à ce texte juridique. La directive s’appliquera en fonction de la taille des entreprises suivant ce calendrier: trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la directive pour les entreprises de plus de 5.000 salariés et 1.500 millions d’euros de chiffre d’affaires; quatre ans à compter de l’entrée en vigueur pour les entreprises de plus de 3.000 salariés et 900 millions d’euros de chiffre d’affaires; et cinq ans à compter de l’entrée en vigueur de la directive pour les entreprises de plus de 1.000 salariés et 450 millions d’euros de chiffre d’affaires.