Sonja Gengler, architecte-directeur à la Direction de l’architecte de la Ville de Luxembourg. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Sonja Gengler, architecte-directeur à la Direction de l’architecte de la Ville de Luxembourg. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

La Ville de Luxembourg continue de se développer à un rythme soutenu. Rencontre avec Sonja Gengler, architecte-directeur à la Direction de l’architecte de la Ville de Luxembourg.

Quels sont les grands projets de développement en cours à Luxembourg-ville?

Sonja Gengler. – «Nous avons de nombreux projets de développement au sein de la ville, chacun à des stades d’avancement différents. Nous pourrions les classer en trois catégories. Pour les premiers, le plan d’aménagement particulier (PAP) est approuvé et nous sommes occupés à préparer les documents (projet d’exécution, conventions de remembrement entre propriétaires…) afin de lancer la construction dans un délai de deux à trois ans. Pour les seconds, nous sommes en pleine procédure d’adoption du PAP, ce qui peut donner lieu à des recours, réclamations ou modifications. Enfin, pour la troisième partie, nous en sommes au début de la réflexion et tout reste à faire… Les premières études sont lancées, mais nous savons qu’il faudra plusieurs années avant d’aboutir à un projet concret.

Les projets qui nous intéressent en particulier sont ceux dans lesquels la Ville est propriétaire d’une partie ou de la totalité du terrain. C’est notamment le cas pour la Porte de Hollerich ou encore le site de Villeroy & Boch. De même au Wunnquartier Stade, où se situe actuellement le stade Josy Barthel route d’Arlon, la Ville détient 85% de la surface des terrains. Il est prévu d’y construire un nouveau quartier durable et innovant sur une surface totale de 10 hectares, à proximité immédiate du centre-ville et de la place de l’Étoile. Ce quartier urbain pourra accueillir 1.500 à 2.500 habitants avec des formes et des typologies de logements mixtes. On y trouvera aussi des commerces et des services de proximité, des équipements et des espaces publics attractifs. L’ambition est d’en faire un quartier durable et flexible, d’un haut standard écologique et énergétique.

Quelles sont les lignes directrices appliquées dans le cadre de l’aménagement de ces quartiers?

«Les transports en commun, et notamment le tram, qui est aujourd’hui l’épine dorsale du développement urbain de la ville de Luxembourg. Les plus grands quartiers en cours de développement se situent donc tous à proximité des actuels et futurs tracés du tram. Si l’on commence par le Nord, à l’extrémité du Kirchberg et à proximité du siège de RTL, le projet Kuebebierg occupera une surface de 33 ha. Ce quartier devrait accueillir 7.000 habitants. Y sont prévus une certaine mixité avec du commerce de proximité, un peu de tertiaire et de nombreux équipements publics comme des écoles, un lycée technique, un centre culturel, une maison des associations, une piscine en plein air ou encore une ferme urbaine.

L’idée n’est pas nouvelle, mais le modèle de la ville du quart d’heure où tous les services essentiels sont à une distance d’un quart d’heure à pied ou à vélo guide nos développements depuis de nombreuses années déjà. Ce quartier du Kuebebierg en est un bel exemple. Mais il y en a d’autres. À proximité directe, le PAP Laangfur prévoit là encore un nouveau quartier sur une surface de 24 ha, avec quelque 3.800 unités de logement pour un total de 10.000 habitants. Et, là aussi, des commerces, des bureaux, des écoles, etc.

Nous essayons de maintenir et de prévoir une densité d’habitations correcte, même si la volonté actuelle est de densifier davantage les quartiers.
Sonja Gengler

Sonja GenglerArchitecte-directeur à la Direction de l’architecte de la Ville de Luxembourg

Un autre grand principe veut que nous développions la ville de l’intérieur vers l’extérieur. Nous préférons toujours convertir des terrains en friche présents en ville plutôt que de construire sur un terrain vierge, sachant que cette option est souvent plus compliquée vu des antécédents de pollution ou de patrimoine historique. Même un terrain qui n’est pas idéalement situé dans un quartier urbain, notamment parce qu’il n’est pas bien connecté au réseau de transports publics, reste toujours plus intéressant à nos yeux qu’un autre terrain qui se trouve en milieu rural. Enfin, nous essayons de maintenir et de prévoir une densité d’habitations correcte, même si la volonté actuelle est de densifier davantage les quartiers.

Quelles sont les autres grandes zones en cours de développement?

«Le quartier Nei Hollerich (21 ha), à proximité immédiate de la gare et de l’actuelle rue de Hollerich, et le quartier Porte de Hollerich (35 ha), dans le même axe en direction de l’autoroute, constituent un autre bel exemple de développement futur pour la ville. On peut encore citer le site Villeroy & Boch, les Arquebusiers à Belair, entre la route d’Arlon et le val Sainte-Croix, et le site dit Itzigerknupp à Bonnevoie…

Quels sont les grands défis rencontrés actuellement en matière d’urbanisme et d’aménagement?

«Le premier défi a trait à la mobilité, et notamment à la place qu’occupe la voiture dans nos villes. S’il est important que nos quartiers soient bien raccordés à l’offre de transport public, les habitants ont toujours des voitures et il faut pouvoir en tenir compte tout en privilégiant des espaces publics conviviaux. Un autre grand sujet touche à l’énergie. Maintenant qu’il est clair que l’on veut s’éloigner des énergies fossiles, il faut trouver des modes de chauffage et de refroidissement alternatifs. La géothermie est une solution lorsque le terrain s’y prête… Mais, de manière générale, nous manquons de recul et d’expérience. Il n’existe que très peu d’études sérieuses qui nous disent quels sont les systèmes ou techniques qui fonctionnent bien à grande échelle et durant un temps long. Il est donc difficile de s’engager avec certitude sur un système plutôt qu’un autre. La transition énergétique que doit opérer le secteur de la construction est en cours, mais l’agenda est serré alors que les procédures à respecter sont souvent très longues.

Une autre tendance que l’on constate est celle du coliving. Plus de la moitié des ménages en ville sont aujourd’hui composés d’une ou deux personnes, et les grandes entreprises sont demandeuses de plus de solutions de logement pour accueillir leurs jeunes recrues. Nous voulons toutefois essayer de trouver un équilibre pour que des familles puissent encore s’acheter une maison dans un quartier résidentiel et y vivre. Le défi est aujourd’hui de disposer d’une offre de logements qui correspond à la multiplicité des attentes, entre les personnes qui restent quelques années et celles qui s’installent durablement. Les quartiers doivent être des lieux de cohésion, qui permettent à chacun de trouver sa place et de s’intégrer.

À quoi ressemblera la ville de Luxembourg en 2050?

«Nous n’imaginons pas de grandes révolutions concernant l’organisation générale de la ville. Nous travaillons toujours sur le schéma de la ville classique, selon un système qui a fait ses preuves, avec des rues, des îlots, des places, des espaces verts, des endroits de convivialité. Toutefois, il faut y incorporer encore davantage les réponses aux défis de changement climatique en prévoyant des îlots de verdure, des zones d’ombre ou des plans d’eau. La cohésion sociale est également un énorme chalenge qui peut être favorisé par un urbanisme de qualité.»

Le tram poursuit sa voie

Le 1er février 2024, la Chambre des députés a donné son feu vert au projet de loi sur la construction des extensions de la ligne de tramway à Luxembourg, entre les stations Rout Bréck-Pafendall et Laangfur au Kirchberg, et entre les stations Gare centrale et Hollerich, qui englobent les travaux nécessaires à la construction des infrastructures des lignes proprement dites, les mesures de compensation environnementale et les études afférentes.

Ces extensions s’alignent avec le Plan national de la mobilité 2035, qui définit l’organisation et le déploiement des infrastructures dans l’objectif est d’augmenter la capacité des transports de 40% par rapport à celle établie en 2017. La vision à long terme du réseau de tramway de Luxembourg propose une structure axée sur l’intermodalité, en collaboration avec les autres acteurs de la mobilité du pays. Il s’agit d’un maillage réfléchi, conçu pour accroître les points de correspondance et optimiser les déplacements.

Cet article a été rédigé pour le supplément Mipim 2024 de l’édition de  parue le 28 février. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam. 

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