Pour «Eng nei Zäit», le traitement de l’image, en scope, évoque les westerns. (Photo: Samsa Film / Artemis Productions)

Pour «Eng nei Zäit», le traitement de l’image, en scope, évoque les westerns. (Photo: Samsa Film / Artemis Productions)

Après le succès de «Doudege Wénkel» – 20 semaines d’exploitation, 22.000 spectateurs, trois Filmpräis –, le réalisateur Christophe Wagner et le producteur Claude Waringo (Samsa Film) se sont interrogés: «Et maintenant?» Après le polar assez noir, vers quelle voie se tourner? Une période de doute à laquelle Viviane Thill a mis fin en leur apportant l’ébauche du scénario de «Eng nei Zäit», basé sur un fait divers réel qui a eu lieu en 1946: cinq morts sont retrouvés dans une ferme près d’Ettelbruck.

«On s’est d’abord braqué: ‘non pas encore un film de guerre.’ Mais ce que raconte le scénario est un moment fondateur du Luxembourg d’aujourd’hui», s’enthousiasment-ils. On est donc dans l’immédiate après-guerre. Jules Ternes revient du maquis où il s’était enfui pour éviter l’enrôlement de force. Il croit pouvoir paisiblement reconstruire sa vie d’avant, mais la donne a changé: le pays est ravagé par la bataille des Ardennes, sa sœur est fiancée à un résistant porté en héros, son amie Léonie a un autre homme dans sa vie…

Moment charnière de l’histoire

Il accepte un emploi de gendarme auxiliaire et est ainsi amené à enquêter sur un quintuple meurtre: Léonie a été assassinée avec les fermiers allemands chez qui elle travaillait. L’enquête lui fera apparaître les zones d’ombre de l’Occupation et les efforts réalisés en haut lieu pour les faire oublier. «Le pays était profondément marqué et divisé: chacun savait que tel voisin avait collaboré, qu’un autre faisait de la contrebande pour éviter le rationnement… La Grande-Duchesse était encore à Londres, un gouvernement se formait… L’État CSV dont on vit encore l’héritage est né à cette époque», souligne Christophe Wagner.

«Eng nei Zäit» est donc un film d’époque – avec les costumes et les décors que cela suppose – qui mêle une intrigue policière classique à un fond historique et politique. «Il y a une tension entre ceux qui veulent la vérité et ceux qui estiment que le maintien de l’ordre est plus important», souligne Luc Schiltz qui interprète Jules Ternes. Dans les faits réels, tels que l’historien Claude Wey les avait exposés, un coupable a été désigné et exécuté. Ce fut d’ailleurs la dernière exécution civile du pays. «C’était un vagabond et ça arrangeait sans doute tout le monde qu’on trouve un coupable, plutôt que de remuer trop les agissements de certains», détaille Viviane Thill.

Version française

C’est donc un drame politique que s’apprête à tourner l’équipe mise en place par Samsa Film autour du réalisateur Christophe Wagner. Soit une bonne centaine de personnes mobilisées pendant sept semaines de tournage cet été et une supplémentaire l’hiver prochain. La liste technique voit les habitués de la maison reprendre du service: Jako Raybaut (image), Carlo Thoss (son), Magdalena Labuz (costumes), Claudine Moureaud-Demoulling (maquillage)…

«La période et son traitement intéressent au-delà de Luxembourg. Belges et Français se sont posé les mêmes questions dans l’après-guerre», détaille Claude Waringo. Aussi, pour boucler le budget de quelque 3,5 millions d’euros, dont 80% proviennent du Luxembourg (et de l’aide du Film Fonds), Samsa Film a fait appel à un coproducteur belge, Artémis, et a obtenu des aides de Bruxelles Images et de la Communauté française de Belgique. Certains postes ont donc été attribués à des Belges, dont le décorateur André Fonsny. «Une de leurs conditions était aussi que l’on prévoit un doublage en français, ce qui sera une bonne chose pour donner une chance internationale au film.»

Côté artistique, c’est après un casting intensif que les rôles ont été distribués: Luc Schlitz, Raoul Schlechter, Jules Werner, Eugénie Anselin, André Jung, Christian Kmiotek, Jean-Paul Raths, Elsa Rauchs, Jean-Paul Maes, Fabienne Hollwege, Luc Feit, Frédéric Frenay ou Philippe Thelen seront du nombre. De nombreuses répétitions sont prévues pour, qu’une fois devant la caméra, seuls quelques détails doivent encore être réglés.

Si tout se passe comme prévu, le film devrait sortir en octobre 2015 avec en parallèle un colloque sur les liens entre cinéma et histoire organisé en collaboration avec l’Université.