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Fabien Giraud et Raphaël Siboni se sont rencontrés lors de leurs études à l’École des arts décoratifs de Paris. Depuis, ils développent un univers artistique marqué par les pratiques du cinéma et du documentaire. Certains auront peut-être eu l’occasion de voir leur travail à Paris, «des installations volontairement très spectaculaires, poussées jusqu’à leurs limites, qui éprouvaient la résistance des institutions à accueillir ce type d’œuvre», précise Fabien Giraud. Mais depuis 2009, Fabien Giraud et Raphaël Siboni se sont orientés vers d’autres explorations artistiques présentées au Casino Luxembourg, pour leur première exposition monographique dans une institution.

Au rez-de-chaussée, cinq modules, strictement identiques, des White Cubes dupliqués, sont installés en enfilade. À l’intérieur de chaque module, une image assez énigmatique varie en fonction du moment de la projection entre un grand halo lumineux ou une immensité noire. Il s’agit en fait d’enregistrements de couchers de soleil, dans des déserts. La Vallée von Uexküll est un face à face cru et immédiat avec l’astre solaire puisque la caméra est dépourvue d’objectif. Du cinéma à l’état pur, ramené à l’essentiel, à l’enregistrement de la lumière par une caméra. Chaque White Cube présente un enregistrement réalisé avec un autre type de caméra, suivant l’évolution des techniques au fil des années. «C’est la première fois que nous avons l’occasion de présenter cette série dans son ensemble, précise Fabien Giraud. La technique est importante dans notre travail, mais nous souhaitons l’approcher sans en parler, juste en la montrant.»

À l’étage, d’autres films sont présentés. La mesure Louvre et La mesure minérale se frottent à la question de l’échelle. Celle du microscopique d’une part, du canon de particules des sous-sols du Louvre, où l’enregistrement du faisceau de particules, le face à face des machines, ne peut aboutir qu’à la destruction de la caméra. Et d’autre part, l’échelle qui exclut l’homme, le temps minéral, captée grâce à un enregistrement hyper-ralenti, à 2.500 images/seconde, nous faisant entrer dans une autre temporalité, celle de la pierre.

Bassae Bassae est le «remake» d’un film documentaire de 1964 (dont l’original est aussi présenté au Casino, dans la bibliothèque), retourné plan par plan à l’identique. Sauf qu’entre-temps, le sujet du film, à savoir le temps grec de Bassae, a été recouvert de bâches et d’échafaudages, le dérobant aux regards des spectateurs. Un décentrement du spectacle de l’image, un présent marqué par l’absence, «une prothèse du film original».

Enfin, les visiteurs pourront découvrir une nouvelle série The Unmanned, dont un des trois premiers épisodes (26 minutes chaque) de la saison 1 a été produit par le Casino Luxembourg. Cette série aborde la question de la technique, mais à rebours. Elle commence ainsi en 2045, avec la mort de Ray Kurzweil, inventeur dans les années 1960 du synthétiseur Kurzweil et promoteur de la singularité technologique. 2045 est aussi une date pivot, «un point de singularité» puisque le point d’accélération de l’évolution technologique, année où les machines pourraient se reproduire, s’autogénérer. Ainsi, dans un des épisodes, le «gourou» tente d’engendrer son propre père, faisant émerger l’idée d’un devenir tout autre.

Les films de Fabien Giraud et Raphaël Siboni, où la figure humaine n’est pas l’unique étalon de mesure, sont d’une forte densité théorique. Mais la beauté des images porte les visiteurs et peut se suffire à elle-même. Pour autant, il s’agit de «films physiques, qui ne brossent pas les spectateurs dans le sens du poil», prévient Fabien Giraud. «Nous jouons sur les marges de la perception et glissons dans une échelle où l’homme est exclu. Cette démesure passe par ce qu’on appelle 'abstraction', mais qui n’est en fait liée qu’à notre perception moyenne. Cette 'abstraction' est une réalité pour d’autres.»

Vernissage vendredi 24 janvier à partir de 19h.
Exposition du 25 janvier au 27 avril. www.casino-luxembourg.lu, www.theunmanned.com