L'usine se trouve à Pau, ville natale d'André Courrèges qui l'a lui même dessiné. (Photo: Courrèges)

L'usine se trouve à Pau, ville natale d'André Courrèges qui l'a lui même dessiné. (Photo: Courrèges)

L’univers de la marque est relativement simple à résumer : du blanc, des couleurs, de la structure, une grande recherche sur les matières, les minijupes, les robes trapèzes, les blousons en vinyle. Pourtant, derrière cette apparente simplicité, se cachent un univers complet, des personnalités fortes, celles d’André et Coqueline Courrèges, qui ont su créer un style, donner une nouvelle impulsion à leur époque.

La mode

André Courrèges est ingénieur des ponts et chaussées de formation. Ceci explique certainement pourquoi les créations Courrèges sont si construites, architecturées, techniques. Point de hasard donc. Car Courrèges, c’est une recherche des matériaux, une approche du luxe qui passe par la qualité, une mode où les formes ont une fonction.
En 1961, André Courrèges fonde sa maison de couture. Sa femme, Coqueline, est à ses côtés dès le début. À l’instar d’autres grandes marques telles que Dior, Chanel ou Poiret, Courrèges s’inscrit dans l’histoire de la mode et a su poser des jalons qui ont fait évoluer le style, ont réinventé l’apparence de la femme. Ses vêtements sont de nouvelles manières de dialoguer avec le corps. La maison de couture est née à une époque où la société change. L’anticonformisme, la contre-culture qui rejette les codes bourgeois, la science et la conquête spatiale bouleversent en profondeur la société. Courrèges, tout comme Paco Rabanne ou Pierre Cardin, offre une rupture innovante, une modernité et une radicalité stylistique qui sont rapidement adoptées par les femmes. Un nouveau style est né, immédiatement reconnaissable, avec une grammaire cohérente, rigoureuse. «C’est un univers gai, qui parle à tout le monde. Lorsque les femmes portent un vêtement Courrèges, elles sont vraiment différentes. C’est une expérience unique qu’il faut vivre pour la comprendre», déclare Frédéric Torloting. «Les vêtements Courrèges sont intemporels, explique Jacques Bungert, car ils sont conçus pour traverser le temps et les époques. Certes, ils sont liés à cet optimisme et cette vision du monde si propres aux années 1960-70, mais ce sont avant tout des objets pensés par un designer, dans une démarche de progrès.» C’est dans cette attention portée à l’objet que des tissus sont développés spécialement pour la maison, ainsi que certaines couleurs. Une grande attention est également prêtée au confort, qui inclut l’élégance, l’importance du mouvement et la fonctionnalité. «Nous travaillons plus dans une stratégie de produit que de collection, précise Jacques Bungert. Les vêtements qui sont conçus par André et Coqueline Courrèges sont encore d’une grande justesse aujourd’hui. Beaucoup ont une valeur iconique, comme la robe trapèze ou le blouson en vinyle.»
Clarté, simplicité, rigueur. Pas besoin d’étiquette pour reconnaître un vêtement Courrèges. «Porter une robe Courrèges, c’est comme un engagement. Il faut oser la couleur, oser l’élégance de l’optimisme, devenir ‘visible’. C’est une démarche qu’il faut assumer», précise Frédéric Torloting. Mais le plus dur est certainement de ne pas se copier soi-même. Il faut trouver le juste équilibre entre fidélité à la marque, à l’esprit légué par André et Coqueline Courrèges, et évasion pour perpétuer cette modernité chevillée à l’esprit de cette maison. Aujourd’hui, l’offre est divisée en deux gammes principales: Trésors, qui reprend les modèles d’origine, et Essentiels, pour les nouvelles créations.

Architecture et design

Courrèges développe une démarche globale qui s’exprime également à travers l’architecture et le design. C’est André Courrèges qui a dessiné lui-même son usine à Pau, lieu qui vient d’être réhabilité et remis en fonctionnement. «C’est une grande chance d’avoir notre propre usine, précise Frédéric Torloting. En plus de l’incroyable héritage culturel que cela représente, c’est un outil qui permet de maîtriser parfaitement la chaîne de production.» L’aménagement des boutiques est aussi très travaillé. La boutique de Luxembourg en est un bel exemple. Julien Gaubert, directeur artistique au sein de l’Atelier Design : «La boutique de Luxembourg sert de laboratoire pour les futurs aménagements. Elle repose sur l’historique de la marque, tout en faisant évoluer certains éléments. Nous avons bien sûr repris le blanc, le plexiglas et y avons adjoint le sycomore. Ce bois est nouveau dans l’univers des boutiques Courrèges, mais c’est une matière qui existait dans l’univers privé d’André et Coqueline Courrèges. On retrouve aussi les miroirs, les jeux de brillance et de transparence. Nous avons développé des tabourets et des banquettes qui sont inspirés d’un tabouret en plexiglas dessiné par André Courrèges.»
L’architecture et le design sont en effet considérés par Courrèges comme une continuité de sa démarche, de sa philosophie. C’est une porte ouverte sur un meilleur avenir. Précurseur, il dessine et conçoit des voitures électriques dès 1968. Il présente au Salon de l’automobile de Paris, en 1974, un modèle qu’il réalise avec Matra, entièrement blanc. Décliné par la suite en couleur, il sera disponible pendant deux ans au catalogue de Matra.
Cette démarche s’exprime également à travers le design de ses flacons de parfum. En 1971 sort Empreinte, le premier parfum féminin de Courrèges. La bouteille? Une sphère et un cylindre. Simple, clair, d’une évidence radicale.
Depuis 2011, Jacques Bungert et Frédéric Torloting sont à la tête de la maison Courrèges. Pour perpétuer cette approche globale, ils fondent, avec l’aide de Lionel Giraud, l’Atelier Design permettant de créer toutes sortes de produits dans l’esprit de la maison. C’est ainsi que récemment est né un nouveau parfum, Blanc de Courrèges, ou qu’une collection capsule a été signée par l’Atelier pour la collection automne-hiver 2013-2014 de La Redoute. Et la prochaine étape? La relance de vêtements pour homme. Une nouvelle page qui ne demande qu’à être écrite.