L'analyste financière de la Financière de l'Échiquier Alicia Daurignac a fait une présentation sur l'IA, l'espace et la défense à Luxembourg le 28 mars.  (Photo:  Shutterstock, La Financière de l'Échiquier/Montage: Maison Moderne)

L'analyste financière de la Financière de l'Échiquier Alicia Daurignac a fait une présentation sur l'IA, l'espace et la défense à Luxembourg le 28 mars.  (Photo: Shutterstock, La Financière de l'Échiquier/Montage: Maison Moderne)

La Financière de l’Échiquier voit l’IA comme un changement économique structurel, avec une croissance annuelle estimée à 38 %. Son fonds Echiquier Artificial Intelligence sélectionne les actions selon un cadre structuré : utilisateurs, fournisseurs, facilitateurs et infrastructures. Son fonds spatial cible l’« économie spatiale 2.0 », axée sur l’amélioration de la vie sur Terre via les actifs spatiaux, avec un accent croissant sur la défense.

«Nous avons identifié l’intelligence artificielle comme un changement structurel de l’économie mondiale, qui dépasse largement le seul secteur technologique. Elle touche aussi la santé, la médecine et même l’assurance», explique Alicia Daurignac, analyste thématique (espace, IA, robotique) chez La Financière de l’Échiquier (LFDE), société de gestion française. Selon elle, le marché de l’IA pourrait être multiplié par treize entre 2022 et 2030, avec une croissance annuelle moyenne estimée à 38 %. De nombreuses entreprises privilégient déjà les investissements dans ce domaine, cherchant à améliorer services, produits et efficacité opérationnelle — et in fine, leurs marges.

Si certaines craintes persistent quant à l’impact sur l’emploi, l’analyste souligne que le secteur de l’IA pourrait aussi générer environ 97 millions de nouveaux postes dès cette année. Elle décrit une première phase d’investissement tournée vers les «pelles et pioches» de l’IA — les puces et GPU, au cœur du boom Nvidia — avant une transition vers les applications logicielles, comme ChatGPT. La prochaine vague pourrait, selon elle, concerner . Le fonds thématique IA de LFDE est étalonné sur le MSCI World. Ce choix, note Alicia Daurignac, offre au gérant «la flexibilité d’identifier des opportunités qui pourraient passer inaperçues». Aucune précision n’a toutefois été apportée sur le potentiel écart de suivi avec l’indice.

Un cadre structuré pour naviguer dans l’univers de l’IA

Alicia Daurignac précise que La Financière de l’Échiquier applique un cadre d’analyse interne pour identifier les entreprises clés dans l’écosystème de l’intelligence artificielle. Les sociétés sont classées selon quatre catégories :

• Utilisateurs d’IA – comme Amazon, qui personnalise ses recommandations via des algorithmes analysant les habitudes d’achat des clients pour proposer le «meilleur produit pour vous» ; • Vendeurs d’IA – qui commercialisent l’intelligence artificielle, par exemple comme solution de cybersécurité contre les attaques informatiques ; • Facilitateurs d’IA – à l’image de Nvidia, qui fournit les composants matériels nécessaires à la puissance de calcul ; • Infrastructures d’IA – cette «usine numérique» repose notamment sur la gestion des données, assurée par des entreprises comme Datadog.

L'espace servait davantage à montrer sa puissance technologique à l'ennemi qu'à élaborer un modèle commercial viable à long terme.
Alicia Daurignac

Alicia Daurignacanalyste financier thématique (espace, IA, robotique) La Financière de l'Échiquier

Selon Alicia Daurignac, ce cadre d’analyse permet de faire le tri entre les véritables bénéficiaires de l’IA et ceux qui se contentent d’afficher une étiquette «IA» sans réelle substance — un phénomène qu’elle qualifie de «lavage de l’IA». Si certains observateurs s’interrogent sur un éventuel essoufflement des facilitateurs d’IA, l’analyste reste confiante : les tendances structurelles de long terme restent porteuses, d’autant plus avec les récentes baisses de valorisation, qui rouvrent des fenêtres d’opportunité.

Espace : de la démonstration de force à l’économie concrète

«Dans l’espace, il s’agissait autrefois davantage de démontrer sa puissance technologique à l’ennemi que de bâtir un modèle économique viable à long terme», observe Alicia Daurignac, analyste chez La Financière de l’Échiquier.

Lancé en 2021, le Fonds spatial Échiquier – le premier du genre en Europe – a enregistré une performance de 70 % en 2024. Il s’inscrit désormais dans ce que Mme Daurignac appelle l’«économie spatiale 2.0», portée par des start-up et des entreprises établies qui réduisent les coûts et commercialisent des services spatiaux. Elle cite SpaceX comme un exemple emblématique de cette dynamique, notamment grâce à la récupération du premier étage des fusées, qui permet des relancements rapides. Le coût d’envoi d’un kilogramme en orbite est ainsi passé de 25 000 à 2 500 dollars en quelques années. «Cela a entraîné une explosion des lancements de satellites», note-t-elle.

Parallèlement, les grandes agences comme la Nasa bénéficient à nouveau de budgets renforcés, reflet d’un regain d’intérêt géopolitique pour l’espace. Le fonds n’investit ni dans le tourisme spatial, ni dans les projets de colonisation lunaire ou martienne, mais dans des solutions spatiales au service de la vie sur Terre. Il cible des domaines comme l’observation de la Terre (pour le climat ou l’assurance), l’internet spatial (à l’image de Starlink), ou encore la recherche scientifique, avec des exemples comme la culture de tissus humains en microgravité, portée par Redwire.

LFDE applique là aussi un cadre structuré pour classer les entreprises du secteur : – celles opérant depuis l’espace, – celles évoluant entre la Terre et l’espace (comme Rocket Lab ou SpaceX), – celles basées au sol (stations de communication satellite), – ainsi que les fournisseurs de technologies (semi-conducteurs, logiciels, etc.).

L’espace, nouveau terrain stratégique pour la défense

Une part croissante des investissements du fonds spatial de La Financière de l’Échiquier reflète l’importance stratégique accrue de la sécurité et de la défense dans l’espace. La création de l’US Space Force sous la présidence Trump a marqué un tournant, en affirmant que l’espace est désormais un environnement géopolitiquement contesté. Certaines initiatives évoquent même des systèmes d’interception de missiles en orbite, à l’image d’un « Dôme de fer spatial ». L’Europe a également pris conscience de cette dimension stratégique, notamment après que la Russie a suspendu l’accès aux fusées Soyouz en réponse aux sanctions occidentales. Cet épisode a mis en lumière une vulnérabilité européenne en matière de lancements satellites, essentiels pour les télécommunications, la géolocalisation, les transports ou encore le GPS.

Dans ce contexte, le fonds a renforcé ses positions dans les groupes européens de défense comme Airbus, Thales et BAE Systems, qui disposent d’actifs et d’expertises spatiaux clés. Classé article 8 selon la réglementation ESG, le fonds n’applique pas d’exclusion sectorielle globale à l’industrie de la défense. Il écarte toutefois les armes controversées, préférant une analyse de gouvernance et de notation interne. «Nous appliquons les traités internationaux», précise Alicia Daurignac. Elle indique par ailleurs que le fonds est exposé à environ 40 % à la défense, dont 20 % dans des entreprises européennes. Parmi les valeurs ciblées, on trouve notamment Kratos, acteur spécialisé dans les drones de combat, engagé dans des programmes visant à soutenir les avions de chasse via des appareils autonomes.

Cet article a été  et traduit et édité en français.