Le paysage fiscal luxembourgeois a connu des développements significatifs cet été avec l’introduction de nouvelles mesures et propositions qui pourraient avoir des implications substantielles pour les entreprises opérant au pays. Résumés par Hadrien Bremon, counsel, Aurelie Clementz, partner, et Muriel Jarosz, associate chez Ogier à Luxembourg, ces changements comprennent la présentation du projet de loi 8414, de nouvelles circulaires administratives fiscales, une procédure révisée de taxe d’abonnement et une mise à jour des règlements grand-ducaux. Voici une analyse détaillée de ces développements et de leur impact potentiel sur l’environnement des affaires au Luxembourg, trio d’experts juridiques d’Ogier.
Projet de loi 8414
Le 17 juillet 2024, le gouvernement a présenté le projet de loi 8414 à la Chambre, proposant des amendements à plusieurs lois fiscales clés. Il s’agit notamment de la loi modifiée du 17 avril 1964 portant réorganisation de l’administration des impôts directs, de la loi luxembourgeoise relative à l’impôt sur le revenu (Litl) du 4 décembre 1967, de la loi du 11 mai 2007 relative aux sociétés de gestion de patrimoine familial (SPF) et de la loi modifiée du 17 décembre 2010 relative aux organismes de placement collectif. Les modifications proposées visent à moderniser le cadre fiscal et à renforcer le statut du Luxembourg en tant que centre financier mondial.
Impôt sur le revenu des personnes physiques
Ajustements du régime des impatriés
Le régime actuel des impatriés, qui prévoit des exonérations fiscales pour les frais réels supportés par l’employeur et des exonérations partielles pour les primes d’impatriation, serait remplacé par un système forfaitaire. Ce nouveau modèle prévoit une exonération de 50% de la rémunération annuelle brute, plafonnée à 400.000 euros.
Ajustements du taux de l’impôt sur le revenu des personnes physiques
Le gouvernement a proposé d’adapter le barème de l’impôt sur le revenu des personnes physiques pour contrer les effets de l’inflation, avec une adaptation par tranche d’indice de 2,5 à partir de l’exercice d’imposition 2025. Pour les personnes physiques de la classe d’impôt 1A, le montant exonéré d’impôt passerait de 24.876€ à 26.460€, ce qui permettrait d’alléger l’impôt pour les personnes gagnant plus de 50.000€ par an. Ce changement vise à réduire la charge fiscale des ménages monoparentaux, grâce à une augmentation de 1.000 euros du crédit d’impôt pour les parents isolés et à un plafond plus élevé pour la déduction des pensions alimentaires.
Le crédit d’impôt sur le salaire social minimum sera également augmenté à partir de l’exercice fiscal 2025. Ainsi, les salariés des classes d’imposition 1A, 2 et maintenant 1 ne paieront pas d’impôts sur le salaire social minimum non qualifié.
Incitations pour les jeunes travailleurs
Afin d’encourager les jeunes travailleurs en début de carrière, une nouvelle mesure incitative offrirait des avantages fiscaux aux personnes de moins de 30 ans ayant un premier contrat de travail à durée indéterminée au Luxembourg. La prime, soumise à une exonération de 75%, irait d’un maximum de 5.000 euros pour les salaires bruts annuels inférieurs à 50.000 euros à 2.500 euros pour les salaires compris entre 75.000 et 100.000 euros.
Modifications du régime des primes participatives
Le régime des primes participatives serait amélioré en augmentant le montant maximal des primes exonérées d’impôt de 25% à 30% de la rémunération annuelle brute. En outre, le montant total de la prime participative exonérée d’impôt qu’une entreprise peut accorder passerait de 5% à 7,5% des résultats positifs de l’année précédente.
Crédit d’impôt sur les heures supplémentaires pour les travailleurs frontaliers
Un nouveau crédit d’impôt serait introduit pour les heures supplémentaires des travailleurs transfrontaliers, afin de remédier au fait que les salaires versés pour les heures supplémentaires sont imposés dans l’État de résidence mais exonérés au Luxembourg. Le crédit serait plafonné à 700 euros par an pour les salaires bruts des heures supplémentaires de 4.000 euros et plus, et ne s’appliquerait pas aux salaires des heures supplémentaires inférieurs à 1.200 euros par an.
Ajustements de l’impôt sur les sociétés
Réduction du taux de l’impôt sur les sociétés
Afin de renforcer l’attractivité du Luxembourg en tant que lieu d’implantation et de stimuler l’investissement, le taux de l’impôt sur les sociétés (IS) sera réduit de 1% à partir de l’exercice fiscal 2025. Pour les revenus imposables inférieurs à 175.000€, le taux passerait de 15% à 14%. Pour les revenus compris entre 175.000 et 200.000 euros, l’impôt serait fixé à 24.500 euros plus 30%, et pour les revenus supérieurs à 200.000 euros, le taux passerait de 17% à 16%. Cet ajustement ramènerait le taux légal global pour les sociétés établies à Luxembourg-Ville de 24,94% à 23,87%.
Déductibilité des coûts d’emprunt
L’article 168bis de la Litl concernant la déductibilité des coûts d’emprunt serait revu pour les entités qui ne font pas partie d’un groupe consolidé à des fins de comptabilité financière, mais qui ne sont pas considérées comme des entités autonomes.
Exonération de la taxe d’abonnement pour les ETF (exchange-traded funds)
Afin d’encourager l’investissement dans les ETF Ucits gérés activement, ces fonds seraient exonérés de la taxe d’abonnement.
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Modernisation de la loi sur les FPS
Plusieurs modifications visant à actualiser le cadre réglementaire des sociétés de gestion de patrimoine familial (SPF) seront introduites. Il s’agit notamment d’exiger que la dénomination sociale comprenne «société de gestion de patrimoine familial» ou «SPF», d’augmenter le montant minimum annuel de la taxe d’abonnement de 100 euros à 1.000 euros, de rendre obligatoire l’enregistrement électronique des certificats de conformité et de modifier le calcul de la taxe d’abonnement pour prendre en compte la dette au premier jour de l’exercice financier. En outre, de nouvelles amendes administratives seront introduites en cas de non-respect des règles et la procédure de retrait du statut fiscal de SPF sera simplifiée.
Mesures fiscales supplémentaires
Nouvelles circulaires administratives fiscales
Le 19 juillet 2024, l’administration fiscale luxembourgeoise (LTA) a publié une circulaire clarifiant le traitement fiscal des liquidations simplifiées ou des dissolutions sans liquidation en vertu de l’article 1865bis du Code civil. La circulaire fournit des indications sur l’impôt sur le revenu des sociétés, l’impôt commercial communal et l’impôt sur la fortune nette, indiquant qu’une dissolution sans liquidation pourrait être traitée comme une fusion sous certaines conditions, confirmant potentiellement la neutralité fiscale de ces dissolutions.
Nouvelle procédure de taxe d’abonnement
Un nouveau système de déclaration en ligne des taxes d’abonnement applicables aux organismes de placement collectif (OPC), aux fonds d’investissement spécialisés (FIS) et aux fonds d’investissement alternatifs réservés (Raifs) a été mis en place. Ce système, qui fonctionnera parallèlement au système existant pendant une période transitoire se terminant en août 2026, vise à améliorer l’orientation des déclarants et à rationaliser la gestion et la vérification des déclarations de taxe d’abonnement.
Nouveaux règlements
Crédits d’impôt et participations qualifiées dans le cadre de la loi sur l’imposition minimale
Le 24 juillet 2024, le conseil des ministres a approuvé un règlement grand-ducal fournissant des lignes directrices pour le traitement des crédits d’impôt et des participations qualifiées en vertu de la loi sur l’imposition minimale (LIM), promulguée le 22 décembre 2023. La MTL vise les multinationales et les grandes entreprises nationales dont les revenus annuels ont dépassé 750 millions d’euros au cours de deux des quatre dernières années.
Monnaie fonctionnelle pour le calcul de l’impôt minimum
Un autre règlement grand-ducal approuvé le 24 juillet 2024 a détaillé la manière dont les multinationales et les grandes entreprises nationales doivent déterminer leur monnaie fonctionnelle pour le calcul de l’impôt minimum, en se concentrant sur celles dont les revenus annuels ont dépassé 750 millions d’euros au cours de deux des quatre derniers exercices fiscaux.