Philippe Ledent, senior economist chez ING Belux. (Photo: Patricia Pitsch - Maison Moderne)

Philippe Ledent, senior economist chez ING Belux. (Photo: Patricia Pitsch - Maison Moderne)

Les marchés américains ont réagi positivement cette semaine à une déclaration du président de la Fed laissant ouverte la possibilité d’une baisse des taux. Dans sa chronique de cette semaine, Philippe Ledent, senior economist chez ING Belux, s’interroge sur la rapidité de réaction des bourses.

On a assisté, au cours de la semaine écoulée, à une nouvelle réaction enflammée des marchés boursiers, suite à un simple commentaire du président de la Fed, Jerome Powell. Concrètement, la Fed a récemment multiplié les signaux indiquant qu’en cas de choc négatif, par exemple lié aux tensions commerciales, la Fed serait prête à intervenir en baissant ses taux. Lorsque le président de la Fed l’a rappelé mardi dernier, les marchés boursiers ont enregistré leur plus gros gain journalier depuis janvier.

Cette réaction est logique pour deux raisons: d’une part, une baisse de taux diminue l’attractivité des obligations, ce qui, par effet miroir, est positif pour les bourses. D’autre part, une diminution des taux diminue le coût de financement des entreprises, ce qui est bon pour leur rentabilité. Dans tous les cas, les marchés boursiers voient donc positivement la perspective d’une baisse de taux.

Cela donne presque l’impression que la Fed vient au secours des marchés boursiers, pris dans la tourmente depuis quelques semaines, et qu’elle continuera à le faire. Une telle interprétation, de plus en plus répandue dans les marchés boursiers américains, pourrait s’avérer trop optimiste pour deux raisons.

Il n’est pas certain que toute pression inflationniste soit écartée aux États-Unis.

Philippe Ledentsenior economistING Belux

Primo, il ne faut pas oublier que la Fed est d’abord guidée par l’état de l’économie. Dès lors, si elle devait être amenée à baisser ses taux, ce serait en réaction à une situation économique qui se dégrade. Dans un tel cas, les marchés boursiers perdraient leur principal carburant, à savoir la croissance des bénéfices des entreprises. La perspective d’une baisse de taux est donc fondamentalement une mauvaise nouvelle.

Secundo, en se montrant très accommodante depuis le début de l’année, la banque centrale américaine a peut-être été trop rapide: compte tenu de la croissance actuelle des salaires et des hausses potentielles de tarifs sur les importations américaines, il n’est pas certain que toute pression inflationniste soit écartée aux États-Unis. Dans un tel cas, la Fed pourrait être amenée à changer, une fois de plus, son fusil d’épaule. Par ailleurs, en ayant stoppé plus tôt que prévu sa normalisation des taux, la Fed a limité les munitions dont elle dispose pour contrer le risque d’un ralentissement, une fois celui-ci matérialisé.

En conclusion, le court épisode d’euphorie des marchés cette semaine faisant suite au commentaire de Jerome Powell soulève deux questions: n’agit-il pas trop vite et trop tôt, et surtout, avoir des marchés financiers à ce point tributaires de la politique de la Fed est-il sain? Poser la question, c’est un peu y répondre...