L’électricité augmentera de 60% environ l’an prochain… mais l’État a décidé de prendre en charge la moitié de cette hausse, un chèque de 171 millions d’euros. Un «coût» qui permettrait à la fois d’éviter que l’inflation augmente d’un point de pourcentage (ce qui déclencherait une indexation plus rapidement que souhaité) et que les ménages mettent au frigo leur projet d’équipement dans une pompe à chaleur ou dans une voiture électrique et ne mettent le pays en difficulté au regard de son plan énergie-climat.
Et si jamais la hausse de 30% ne leur suffisait pas à surveiller attentivement leur consommation d’électricité, l’Institut luxembourgeois de régulation (ILR) et le ministre de l’Énergie, (DP), appuyé par la Klima-Agence, ont lancé jeudi dernier une grande campagne de communication à la particularité tout à fait «remarquable». Remarquable en ceci que des deux côtés, on a refusé de dire combien la nouvelle tarification des frais de réseau pourrait coûter aux consommateurs.
Les chiffres ne sont pas encore finalisés, a dit le directeur de l’ILR, , et c’est vrai. Mais l’impact sera négligeable pour la plupart des consommateurs, ont répété le patron du régulateur et le ministre, ce qui est nettement plus discutable. «Je ne peux pas vous donner de détails», a dit le ministre à nos confrères de RTL, «cela dépendra de tellement de facteurs et de situations que ce n’est pas possible.»
Un premier draft publié le 15 octobre
En juin, , la Chambre des salariés citait des informations du ministère de l’Économie et du Statec qui anticipaient une hausse de 15% des frais de réseau, chiffre jamais contredit publiquement. C’est un premier indicateur de la «neutralité» de la mesure, complété par un autre document.
Le 15 octobre, Creos, Sudstroum, Diekirch et Ettelbruck ont publié une première version de leur future tarification «soumise à autorisation de l’ILR». Ils devaient le faire pour se mettre en conformité avec leurs obligations européennes sur ce sujet. Que dit-elle à propos des frais de réseau? Que les dépassements seront facturés 50% de plus par kilowattheure que les autres.

Extrait de la nouvelle tarification des fournisseurs d’électricité, au 15 octobre et encore soumise à l’approbation de l’ILR. (Source: Creos-net.lu)
Les frais de réseau se composent de trois parties: une redevance fixe, une redevance au kWh et une nouvelle redevance pour dépassement, elle aussi au kWh.
Le document montre dix catégories de puissance de référence, qui ont chacune leur tarif de redevance fixe, de 8,91 euros par mois à 643,84 euros. Chaque ménage, en fonction de ses appareils électro-ménagers, de son système de chauffage ou de la présence d’une borne de recharge électrique pour sa voiture, a besoin d’une puissance différente et, sur la base de sa facture de 2023, verra son fournisseur fixer un niveau de consommation électrique.
La redevance au kWh est fixée, dans ce document, à 0,066 euro.
Dès que le consommateur dépassera son «quota» d’électricité, le fournisseur appliquera un supplément de dépassement de 0,099 euro par kWh, soit une hausse de 50% par rapport au prix de base.
Maîtriser sa consommation ou payer plus cher
Pour essayer de comprendre l’impact de ce tarif, nous avons étudié 2.070 scénarios avec l’hypothèse suivante: une consommation annuelle d’électricité pour 2023 qui irait de 3.000 kWh à 20.000 kWh et qui augmenterait, par millier de kilowattheures, jusqu’à 100% de consommation de plus en 2024, ce qui nous laisse une marge bien au-delà de ce qui paraît réaliste.
Par exemple, un ménage qui aura une consommation fixée à 3.000 kWh et qui en utiliserait 3.100, 3.200, 3.300 et ainsi de suite jusqu’à 6.000 kWh. Ou un ménage dont la consommation serait fixée à 15.000 kWh et dont la consommation augmenterait de 100, 200 ou 1.000 kWh jusqu’à 30.000 kWh.
De ces calculs ressortent le niveau des hausses, hors redevance fixe. Un ménage à 3.000 kWh qui dépasserait de 100 kWh aurait à subir une hausse de 1,16% de ses frais de réseau – sans parler du prix de l’électricité elle-même – mais ce ménage qui doublerait sa consommation subirait une hausse de 20,83% de ses frais de réseau.
Sur ces 2.070 scénarios autour du coût des dépassements, plus de 88% annoncent une hausse des frais supérieurs à 5% ou plus de 72% vont même jusqu’à plus de 10% d’augmentation, ce qui n’est pas si négligeable.
Pour rester sous les 5% d’augmentation, les consommateurs devront limiter la hausse de leur consommation de 400 kWh avec une consommation annuelle en 2023 de 3.000 kWh ou de 1.200 kWh avec une consommation annuelle de 10.000 kWh, par exemple. Comment réduire sa facture? En réduisant sa consommation d’électricité. Parfois plus facile à dire: les températures et l’isolation du lieu de vie peuvent jouer un rôle mais aussi l’âge avancé de certains appareils d’électroménagers. Ou bien il faut demander à son fournisseur de changer de puissance de référence.
L’État, qui va payer 30% de la facture en 2025, a tout intérêt à ce que la consommation des ménages baisse pour faire baisser sa propre facture. Et, c’est vrai, pour éviter que les heures de pic, le plus souvent entre 18h et 22h, ne voient un jour lointain les réseaux surchargés. D’autant que 11.241 personnes de plus sont devenues résidentes en 2023, 15.412 en 2022 et 10.667 en 2021. Qui se chauffent, cuisinent, se distraient, rechargent leur voiture ou font tourner leur machine à laver.