Décidément, la vie publique à Metz se confond avec l’agenda judiciaire. Et l’étiquette politique n’y est pour rien. Alors que l’actuel maire de la première ville de Moselle, François Grosdidier (ex-Les Républicains), est attendu à la barre en 2024 après avoir fait appel d’une condamnation, tombée l’an dernier, à six mois de prison avec sursis et 10.000 euros d’amende pour «prise illégale d’intérêt», son prédécesseur, Dominique Gros, était lui aussi convoqué devant le tribunal correctionnel, ce jeudi 18 janvier.
L’ancien élu socialiste, installé entre 2008 et 2020 à l’hôtel de ville, en est ressorti avec une condamnation à quatre mois de prison avec sursis, assortie de 10.000 euros d’amende (dont 5.000 avec sursis) et trois ans d’inéligibilité. Cette dernière sanction ne change rien pour l’ex-maire, 81 ans, retiré de la politique depuis la fin de son second mandat. La peine se situe en deçà des réquisitions du ministère public, qui réclamait notamment six à huit mois d’emprisonnement avec sursis.
Au cours de l’audience qui s’était déroulée fin 2023, le tribunal souhaitait entendre les explications de Dominique Gros sur deux dossiers différents. Dans la première affaire, il lui est reproché le versement à l’agence d’attractivité Metz Métropole Développement (devenue Inspire Metz) de deux subventions pour un montant total supérieur à 3,5 millions d’euros, en 2015 et 2018. Président de l’agence, il était alors aussi vice-président de la Métropole de Metz, donc en quelque sorte considéré comme juge et partie lors des délibérations concernant ces subventions auxquelles il a pris part.
Le second volet concerne sa présence en tant que coactionnaire au sein de la start-up luxembourgeoise Ellipsys Mosaïc (devenue Ellipsys), spécialisée dans les systèmes d’information et créée en 2013 par le Français Samuel Morin. Théophile Gros, le fils de Dominique Gros, avait rejoint la société en tant qu’associé en 2015. Avant, un an plus tard, l’entrée dans l’actionnariat de Dominique Gros lui-même.
Proches actionnaires
Cette même année, en 2016, les noms de deux autres nouveaux actionnaires étaient apparus dans les documents fournis au Registre du commerce, dont la société civile immobilière française Hand, représentée par le promoteur André Heintz. À ce moment-là, Samuel Morin était détenteur de 100 parts, contre 50 pour son associé Théophile Gros et 11 pour Dominique Gros et André Heintz. Ce même André Heintz que l’on retrouve, à la même période, en première ligne dans un vaste projet de reconversion immobilière au centre-ville de Metz. Le dossier dit «de la Comédie», du nom des trois bâtiments historiques voisins de l’Opéra-Théâtre appelés à accueillir un projet d’hôtellerie de luxe.
La polémique avait eu tôt fait d’enfler dans le microcosme messin, son opposition (pour faire simple) taxant Dominique Gros de favoritisme dans cette importante transaction à plusieurs millions d’euros effectivement tombée dans l’escarcelle du groupe immobilier et hôtelier dirigé par André Heintz. Un bail emphytéotique de 75 ans a été signé en 2020 avec la Ville de Metz.
«Il a son honneur pour lui»
«J’ai la conscience tranquille. À aucun moment je n’ai eu le sentiment de transgresser la loi. J’ai fait mon boulot», avait déclaré Dominique Gros lors de l’audience, selon le quotidien local Le Républicain Lorrain. «Il a son honneur pour lui et sait ce qu’il a fait», a réagi son avocat, Me Matthias Guillou, cité par l’AFP le 18 janvier à la sortie du tribunal.
Pour la petite histoire, la société Hand a cédé ses parts d’Ellipsys Mosaïc dès 2018, avant que Théophile Gros abandonne la cogérance en 2021 et quitte la start-up. Depuis, la structure, dirigée par le seul Samuel Morin, a quitté son siège social d’origine d’Hellange pour s’installer à Bettembourg. À notre connaissance, Dominique Gros en est toujours actionnaire.
Ce dernier, aujourd’hui président d’Au-delà des frontières, un think tank orienté sur les problématiques de la Grande Région, dispose de 10 jours pour faire appel.