Pour l’avocat Alain Steichen (Bonn Steichen & Partners), le Luxembourg a fait ce qu’il fallait pour être irréprochable. (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

Pour l’avocat Alain Steichen (Bonn Steichen & Partners), le Luxembourg a fait ce qu’il fallait pour être irréprochable. (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

OpenLux est-elle l’attaque de trop? L’avocat Alain Steichen ne voit pas ce que le Luxembourg pourrait faire de plus pour respecter les règles internationales.

L’attaque OpenLux vous étonne-t-elle?

. – «Non, cela dure depuis plus de 10 ans. Le succès crée des envieux et, quoi qu’on fasse, on ne sera jamais à l’abri des critiques, justifiées ou artificiellement construites.

Le fait de gérer ses affaires depuis le Luxembourg, pour une personne étrangère, ne doit pas être jugé comme suspect…?

«Je ne vois pas en quoi. Le fait qu’un résident français crée une société luxembourgeoise pour détenir des actifs investis en Allemagne ne pose aucun problème par rapport à la loi sur le blanchiment. Or, c’est bien de cela qu’il est question quand on s’attaque au registre des bénéficiaires effectifs (RBE).

Les critiques pointent une certaine opacité du RBE. Vous approuvez?

«Si le RBE n’était pas aussi transparent, ces journalistes n’auraient pas pu tirer de telles conclusions. L’accusation vient du fait que, si plusieurs personnes sont actionnaires d’une société, mais toutes à moins de 25%, on ne retrouve la trace d’aucune d’entre elles. Cela peut être critiqué. Mais c’est juste l’application de la loi qui découle de la directive européenne. Si la directive exige que chaque actionnaire soit connu, il faudra le faire. Mais le but est de connaître le propriétaire effectif d’une société dans un souci de lutte contre le blanchiment. Si vous détenez 1%, vous n’allez pas blanchir du capital.

Qu’est-ce qui fait qu’un footballeur belge décide de loger au Luxembourg une société de gestion immobilière?

«La première question à se poser est de savoir pourquoi créer une société pour gérer ses immeubles, son patrimoine financier ou des filiales. C’est parce qu’il existe un souci d’efficacité administrative qui intervient lorsqu’une personne détient suffisamment d’actifs. Quand votre patrimoine augmente, vous avez besoin de le consolider dans le cadre d’une structure pour en faciliter la gestion.

Mais pourquoi justement au Luxembourg?

«C’est cela qui intrigue. En fait, on peut cultiver des toma­tes au Luxembourg, mais il y a beaucoup plus de cultures de tomates aux Pays-Bas. Parce qu’il y existe une expertise dans ce domaine, que n’a pas le Luxembourg.

Il n’y a plus aucun avantage fiscal à être au Luxembourg?

«Non, il n’y a plus aucun intérêt fiscal pour un rési­dent belge, français, allemand… Tous ces pays imposent les revenus détenus par une société luxembourgeoise, même lorsqu’ils ne sont pas distribués, afin d’éviter que ces bénéfices ne puissent être thésau­risés au sein de la société si elle devait être défiscalisée. Tous ces pays disposent de mesures d’anti- évasion fiscale, qui s’ajoutent à la transparence fiscale et l’échange de renseignements entre les pays.

Mais il reste des domaines qui ne sont pas régulés au niveau international?

«Les fonds d’investissement luxembourgeois sont défiscalisés depuis une quarantaine d’années. Et les produits équivalents à ces fonds sont défiscalisés de la même manière chez nos voisins. Nous faisons donc la même chose que les autres pays, mais nous disposons en plus d’une infrastructure administrative pour faire fonctionner ces ‘grosses machines’, d’une expertise pour gérer les flux financiers transfrontaliers, ou encore d’un cadre des sociétés adapté. Tout cela rend le Luxembourg performant.

C’est donc une question de réputation?

«Oui, des personnes viennent au Luxembourg parce qu’elles ont appris que d’autres y sont venues et en sont très contentes.

Est-ce qu’il reste des progrès à faire pour en finir avec les critiques?

«Il me paraît très difficile de faire nettement plus que ce qui est fait actuellement. En moins de 10 ans, le Luxembourg a pris un virage à 180 degrés par rapport à la transparence, à l’échange de renseignements. Depuis le gouvernement Bettel, nous sommes quasiment devenus le champion de la transparence et de la coopération administrative au sein de l’UE, et avec d’autres pays dans le cadre de conventions fiscales.

Mais ça n’empêche toujours pas les attaques…

«Donnons du temps au temps. Ces attaques sont le résultat de ce qui s’est fait pendant près d’un demi-siècle. L’accusation de paradis fiscal dans les médias n’est que le résultat de leur souvenir collectif du Luxembourg, mais pas la conclusion objective des recherches qu’ils ont effectuées. Avec le temps, le Luxembourg sera considéré comme un pays «civilisé» à tous les égards, mais qui reste performant sur le plan non fiscal.»

Cet article a été rédigé pour l’édition magazine de  qui est parue le 25 février 2021.

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