Avec le passage en magasins franchisés, des employés de Delhaize pourraient perdre certains acquis sociaux.  (Photo: Shutterstock)

Avec le passage en magasins franchisés, des employés de Delhaize pourraient perdre certains acquis sociaux.  (Photo: Shutterstock)

La direction de Delhaize en Belgique a annoncé, le 7 mars, la conversion en franchises de 128 magasins belges. Au Luxembourg, pays qui n’est pas concerné par cette mesure, sur les 1.200 salariés de l’enseigne au lion, 735 travaillent encore dans des points de vente intégrés. Quelles différences entre les deux modèles pour les salariés?

L’annonce de la direction de Delhaize en Belgique, le 7 mars dernier, de convertir 128 magasins intégrés en franchises a fait l’effet d’un coup de massue dans les rangs des salariés qui ont alors entamé un mouvement de grève, toujours en cours. Elle a aussi suscité de l’inquiétude au Grand-Duché, où l’enseigne au lion emploie 1.200 salariés, dont 735 travaillant dans des points de vente intégrés. , il n’empêche que les salariés luxembourgeois, tout comme l’OGBL, et le LCGB, syndicat majoritaire, regardent la situation de l’autre côté de la frontière avec un œil très attentif.

Car si une telle situation venait à se produire au Luxembourg, l’impact sur les salariés serait notable. Pourquoi? Parce qu’entre le modèle de la franchise et celui du magasin intégré, les acquis sociaux et les conditions de travail pour les salariés ne sont pas les mêmes… 

La convention collective qui fait toute la différence

Une des différences notables entre le modèle intégré et celui de la franchise Delhaize au Luxembourg, c’est d’abord celle de la représentativité. «Au Luxembourg, on a des délégations de personnel au-delà de 15 salariés», rappelle David Angel, secrétaire central de l’OGBL. Sauf que les franchises luxembourgeoises sont souvent de petites entités comptant moins de quinze salariés et dans lesquelles la représentation des salariés n’est donc pas assurée.

Mais l’autre différence de taille qui impacte les acquis sociaux des salariés des franchises, c’est la convention collective. Ou plutôt le manque de convention collective. «À Delhaize Luxembourg pour les magasins intégrés uniquement, une convention collective existe et permet de garantir certains acquis aux salariés, comme une majoration pour le travail du dimanche, des primes de fin d’année, des jours de congés, un treizième mois. Dans les franchises, cette convention collective n’est pas une obligation», explique David Angel.  

Sans convention collective, il n’y a aucun moyen de pouvoir contrôler les conditions de travail.
David Angel

David Angelsecrétaire centralOGBL

Cette convention collective a été négociée au début de l’année 2021 pour être signée le 20 juillet de la même année. Elle court pour une durée de trois ans, jusqu’au 30 juin 2024. Il faut aussi noter qu’il n’existe pas non plus de convention collective sectorielle globale dans le commerce au Luxembourg. «Cela représente un vrai risque avec un modèle tel qu’une franchise, car sans convention collective, il n’y a aucun moyen de pouvoir contrôler les conditions de travail», explique David Angel. 

Ainsi, les salariés en modèle dit intégré peuvent bénéficier de certains avantages, grâce à la convention collective: augmentation de salaire par année d’ancienneté, obtention du salaire qualifié après dix ans d’expérience, mais aussi de primes diverses (fin d’année, sur objectifs, de responsabilité, de remplacement, d’éloignement). Ils peuvent aussi obtenir des réductions sur leurs achats ou encore un complément pour la formation. 

Le salaire: des différences en centaines d’euros

Non tenu de respecter quelconque convention collective, le patron d’une franchise est ainsi libre de fixer la rémunération de ses salariés, dans le respect de la loi. «», fait remarquer David Angel. Il est également libre de mettre en place, ou non, les divers avantages et suppléments extralégaux. «Et de manière générale, si aucune convention collective ne s’applique, le patron ne va pas prendre l’initiative d’appliquer des avantages ou des salaires plus élevés. En général, il se cantonne à la loi», ajoute-t-il. 

Très concrètement, la convention effective pour les magasins intégrés prévoit des augmentations de salaire par année d’ancienneté. Par exemple, un salarié non qualifié d’un magasin intégré qui a quatre ans d’ancienneté, touchera un salaire de base de 2.584,64 euros, contre les 2.447,07 euros prévus par la loi. Il touchera donc mensuellement 137,57 euros de plus qu’un salarié d’une franchise, dans laquelle le patron n’applique bien souvent que le minimum légal pour la rémunération de son personnel. 

Prenons l’exemple d’un réassortisseur en charge de l’approvisionnement des rayons, qui aurait dix ans d’ancienneté. Dans un magasin intégré, la convention collective prévoit que tout salarié ayant dépassé dix années de service puisse obtenir le statut de travailleur qualifié et donc le salaire qui va de pair, faisant évoluer sa rémunération à hauteur de 2.936,48 euros. David Angel illustre: «Si ce même salarié avec dix ans de service travaillait dans un magasin franchisé, il pourrait ne gagner que 2.447,07 euros par mois, soit le minimum non qualifié» puisque l’obtention du statut d’employé qualifié n’est pas non plus une obligation légale, et le patron de la franchise n’a donc aucune obligation à le mettre en place. 

Des dispositions différentes sur le temps de travail

Enfin, cette question de la convention collective a aussi un impact direct sur le temps de travail des salariés. «La convention collective prévoit également une majoration plus importante pour le travail du dimanche, soit une majoration de 90% contre les 70% prévus par la loi. C’est un point qui, pour les salariés des Delhaize intégrés travaillant dans les magasins du nord du Luxembourg, a beaucoup d’importance puisque ces magasins sont ouverts tous les dimanches», souligne l’OGBL. Elle prévoit aussi des dispositions plus favorables que la loi en matière de durée de travail, comme deux pauses rémunérées sur la journée, un compte épargne-temps, un congé social de deux jours. 

 : à Bertrange, Alzingen, Walferdange, Strassen, Belval, Pommerloch, Schmiede, Schengen, Capellen et Junglinster. L’ouverture d’un 11e est prévue à Hamm.

Il y a également deux proxy intégrés: à Hamilius et dans le quartier Gare. Le proxy de Esch faisait partie des intégrés et a été franchisé en 2021. Le reste des 46 points de vente sont des franchisés.