Assiste-t-on aujourd’hui à la fin de la globalisation, synonyme de croissance ces dernières années?
André Sapir. – «Non. On assiste sans doute à la fin de l’hyperglobalisation, une période qui va de la chute du mur de Berlin à la crise de 2008 et qui marque l’ouverture de la moitié du monde qui n’en faisait pas encore partie – la Chine, les pays de l’ex-URSS et l’Inde – au commerce mondial. Une parenthèse caractérisée par une explosion de la croissance globale. Toute la question, désormais, est de savoir si la croissance va décliner ou si elle va demeurer à un niveau assez élevé, mais relativement stable.
Les chocs successifs de ces 15 dernières années ne favorisent-ils pas un repli sur soi défavorable à toute idée de globalisation?
«Personnellement, je pense que la globalisation va rester importante sans que l’on revienne au niveau de croissance exceptionnelle de la période d’hyperglobalisation. À moins d’un choc important comme un conflit sévère avec la Chine, à propos de Taïwan. Ce qui se passe avec la Russie n’est pas suffisant pour casser la globalisation. Cela ajoute certes des tensions. Mais la place de la Chine dans le commerce mondial est sans commune mesure avec celle de la Russie.
Les questions climatiques vont entraîner une tendance à un ralentissement de la croissance du commerce.
Comment caractériser cette nouvelle phase économique que l’on traverse? Une globalisation froide?
«Oui, car la globalisation aujourd’hui n’est plus uniquement suscitée par des intérêts économiques et de business. Cette dimension demeure, mais elle est freinée par la géopolitique. Deux logiques qui coexistent. On ne va pas passer d’une logique du “tout-commerce” à une logique de découplage total d’avec la Chine. Mais cela va modifier le choix des pays et des entreprises.
La régionalisation des marchés n’est donc pas, pour vous, un scénario souhaitable?
«La déglobalisation n’est pas quelque chose de positif. Ni pour l’Europe ni pour le monde. Pour les pays en voie de développement, ce serait une catastrophe. Le commerce est le moteur le plus important pour augmenter le niveau de vie des populations. C’est aussi un vecteur de coopération. Et de la coopération, on va en avoir besoin pour faire face au problème du climat.
Justement, les questions climatiques ne vont-elles pas avoir un impact négatif sur le commerce mondial?
«Effectivement, les questions climatiques vont entraîner une tendance à un ralentissement de la croissance du commerce. Ce qui compliquera le retour à une croissance forte.
La lutte pour le climat pourrait de nouveau fédérer les nations?
«Il va falloir trouver un équilibre entre la nécessaire coopération face au problème climatique et la logique géopolitique qui, par nature, est conflictuelle. Je vois bien la réalité du monde, mais j’espère qu’il y a de la place pour des zones de coopération. Concernant le climat et aussi le commerce. C’est le message que j’essaie de faire passer lorsque je parle du commerce: la question climatique doit rassembler. Nous avons des idéologies différentes, des intérêts divergents, mais nous sommes dans le même bateau.»
Cette interview a été rédigée pour l’édition magazine de parue le 26 avril 2023. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.
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