Marie Sophie Hélier, Tax Partner, Banking and Insurance Tax Sector Leader at EY Luxembourg et Francois Messner, Senior Manager, Banking and Insurance Tax Sector, EY Luxembourg Credit: EY Luxembourg

Marie Sophie Hélier, Tax Partner, Banking and Insurance Tax Sector Leader at EY Luxembourg et Francois Messner, Senior Manager, Banking and Insurance Tax Sector, EY Luxembourg Credit: EY Luxembourg

L’envergure des récentes évolutions fiscales internationales, tant en matière de fiscalité des institutions que de fiscalité des investisseurs privés et des fonds d’investissement, constitue un défi majeur pour l’industrie financière luxembourgeoise.

Les institutions bancaires au Luxembourg sont confrontées à une demande de transparence accrue en matière de données fiscales bancaires. Ce besoin d’informations se manifeste tant dans le chef des autorités fiscales que dans celui des investisseurs eux-mêmes.

La conformité fiscale : le nouveau quotidien des responsables conformité

Depuis 2014, la transparence des données des investisseurs privés s’est matérialisée par la mise en place de mécanismes automatiques d’échange d’informations. Notamment, le DAC* 2 (Échange automatique d'informations sur les comptes financiers), le DAC 6 (Régime de divulgation obligatoire des transactions fiscales agressives transfrontalières) et dernièrement le DAC 7 (obtention de données vendeurs des plateformes digitales) ont multiplié les exigences en matière de transparence fiscale et d'échange d'informations.

De surcroit, la loi DAC 7 a renforcé les obligations des entités déclarantes qui doivent notifier annuellement aux investisseurs soumis à déclaration leurs données à reporter. Cette nouvelle obligation devra être exécutée dans un délai raisonnable avant la déclaration annuelle CRS. Il en va de même pour les reportings sous DAC6. A ce sujet, alors que 37 intermédiaires ont été contrôlés par l’administration fiscale au titre de DAC 6 en 2022, le sujet reste en tête de liste des défis fiscaux des institutions financières.

Pour les Risk Officers, l’extension du dispositif AML à une sphère fiscale plus étendue, notamment en matière de détection de risque de fraude de parties tierces, fut un développement majeur qui continue à soulever des questions quant à l’identification en pratique des situations de fraude fiscale devant donner lieu à notification au parquet financier.

Ces mécanismes font désormais partie intégrante des vérifications tant à l’entrée qu’au cours de la relation et sont souvent opérés par les équipes Compliance qui doivent s’équiper pour intégrer et contrôler ces nouveaux paramètres dans des délais souvent très réduits. Le défi réside ainsi dans la nécessité de former régulièrement les équipes aux questions fiscales, idéalement au moins une fois par an, tout en sensibilisant les clients aux nouvelles normes de conformité. Cela doit s'accomplir sans compromettre la relation commerciale et en maintenant une gestion efficace des coûts opérationnels.

Les nouveaux défis fiscaux des reportings financiers pour les CFOs

Pour les CFO, l’impact le plus récent et le plus lourd résulte de la mise en œuvre depuis fin 2023 des règles de d’imposition minimum à 15 % dites « Pilier 2 » applicables aux groupes ayant un chiffre d’affaires consolidé supérieur à 750 millions EUR). En effet, ces nouvelles mesures exigent une coordination approfondie pour les CFO de groupes impactés tant d’un point de vue vertical (maison mère et filiales) qu’horizontal (coopération entre équipes Tax, Finance/Comptabilité et IT). L’objectif à court terme est de mettre la gouvernance et les processus en place en vue pour parvenir à fournir en temps et heure les données nécessaires au provisionnement pour les besoins des reportings comptables et des exigences fiscales déclaratives.

Le sujet des prix de transfert dans le cadre des transactions entre parties liées reste également de la partie et continue à évoluer, avec en pratique davantage de proactivité, voire une documentation locale plus développée et à jour visant à justifier les aspects fiscaux et économiques des transactions intragroupe, tout en veillant à la cohérence avec la documentation prix de transfert du groupe.

Un tableau de bord fiscal pour le management

La gouvernance fiscale doit aussi faire l’objet d’un pilotage au plus haut niveau de management des banques, eu égard aux risques opérationnels et réputationnels.

Au-delà de l’intégration des nouvelles réglementations fiscales, le suivi du niveau de la charge fiscale restera plus que jamais un point clé et en particulier du fait de l’implémentation des règles Pilier 2 mentionnées ci-dessus. Si 2024 devait toutefois réserver une bonne surprise, celle-ci pourrait bien se retrouver dans la modernisation du crédit d’impôt pour y intégrer désormais les investissements digitaux, écologiques et énergétiques.

Par ailleurs, une éventuelle révision du business model liée à des facteurs externes ou internes devra dès le début faire l’objet d’une évaluation des impacts fiscaux, ces derniers pouvant être très lourds ou assez limités en fonction des situations.

Comment garder le cap fiscal ?

L’institution bancaire doit pouvoir garder le cap sur une gestion saine de sa fiscalité et ceci nécessite désormais un monitoring plus actif et étendu. Les nouveaux outils et autres tableaux de bord de gestion fiscale imposent de trouver un équilibre entre l’utilisation de ressources internes qualifiées, de ressources destinées à former davantage ou d’externaliser pour se concentrer sur son cœur de métier. Si les nouvelles réglementations fiscales apparaissent souvent comme fastidieuses à intégrer, il n’en reste pas moins possible d’optimiser les processus internes existants tout en intégrant les nouveaux dispositifs. Enfin, au vu des chantiers passés déjà réalisés, les professionnels du secteur financier luxembourgeois ont su montrer une grande faculté d’adaptation tout en conservant une gamme de produits et de services très diversifiés fortement appréciés par la clientèle internationale.

*Directive on Administrative Cooperation