«Le poids des risques et des dommages l’emporte clairement sur celui des opportunités, qui peuvent être garanties par d’autres moyens», explique l’Okaju sur le sujet du numérique. (Photo: Shutterstock)

«Le poids des risques et des dommages l’emporte clairement sur celui des opportunités, qui peuvent être garanties par d’autres moyens», explique l’Okaju sur le sujet du numérique. (Photo: Shutterstock)

Dans son rapport annuel, l’Ombudsman fir Kanner a Jugendlecher, Charel Schmit, met en avant le défi de protéger les enfants dans l’univers numérique, qu’il s’agisse de dangers liés au contenu, de cyberharcèlement ou d’impact sur leur santé. Sur ce sujet que le gouvernement a également fait sien, l’Okaju esquisse une série de pistes.

«Comme pour le tabac, dont la nocivité a conduit à une régulation stricte pour protéger les mineurs, le temps est venu d’aller au-delà des simples mesures de sensibilisation et d’accompagnement. (…) L’introduction d’un âge légal pour la possession de smartphones et l’accès non supervisé à internet constituerait un pilier majeur de la prévention primaire, permettant de réduire drastiquement l’exposition des enfants aux préjudices identifiés.»

«Le poids des risques et des dommages l’emporte clairement sur celui des opportunités, qui peuvent être garanties par d’autres moyens», insiste l’Ombudsman fir Kanner a Jugendlecher (Okaju), Charel Schmit, dans son rapport annuel publié ce mercredi 20 novembre.

Selon l’OCDE, il existe quatre principales catégories de dangers pour les enfants dans le monde numérique: les dangers liés au contenu, au contact, à la consommation et à la conduite. Dans son rapport, l’Okaju insiste sur plusieurs constats: une vulnérabilité accrue tout d’abord. L’omniprésence du numérique expose les enfants à de nouveaux risques, notamment le cyberharcèlement – qui touche un enfant sur cinq au Luxembourg –, la sextorsion et l’accès à des contenus inappropriés. Le cadre légal actuel, notamment le règlement grand-ducal du 8 janvier 2015, «n’est plus adapté aux réalités du numérique et nécessite une mise à jour urgente pour mieux prendre en compte les réseaux sociaux», appuie le rapport.

La règle 3-6-9-12

Il y a également l’impact du numérique et des écrans sur la santé et le développement des enfants et des adolescents. Et l’Okaju de citer le psychiatre et psychologue français Serge Tisseron, qui a «une règle facile à comprendre et à mettre en pratique: la règle 3-6-9-12. Concrètement, cette règle implique: pas d’écran avant 3 ans, pas de console de jeu personnelle avant 6 ans, pas d’internet accompagné avant 9 ans et pas d’internet seul avant 12 ans (ou avant l’entrée au collège).»

«Cette transformation nécessite une volonté politique forte et déterminée, (…) les pouvoirs publics doivent donner des repères clairs – si leur position est flottante, les parents ne suivront pas. Cette chaîne de responsabilité, des pouvoirs publics aux parents puis aux enfants, est essentielle pour créer un environnement numérique plus sûr.»

Et c’est un sujet que le gouvernement, et plus particulièrement le ministère de l’Éducation nationale, a pris au sérieux, puisqu’il a lancé, fin septembre dernier, la campagne de sensibilisation «Pour une Screen-Life-Balance saine de nos enfants», avec des recommandations «concrètes pour une utilisation sûre et responsable des outils digitaux». Ces conseils sont d’ailleurs inspirés des travaux du docteur Serge Tisseron. La campagne met notamment l’accent sur les trois phases essentielles de développement des enfants et des jeunes: éviter les écrans en dessous de 3 ans, éviter le smartphone personnel en dessous de 12 ans et éviter les médias sociaux en dessous de 15 ans. Le ministère de l’Éducation nationale avait aussi annoncé, pour la rentrée 2024-2025, l’interdiction des portables à l’école fondamentale, une initiative saluée par l’Okaju.

Des atouts à renforcer pour l’Okaju

Le rapport 2024 évoque également l’initiative gouvernementale Bee Secure, lancée en 2010, qui vise à sensibiliser le grand public à «une utilisation plus sûre et responsable des technologies numériques, et à renforcer en particulier les enfants, les jeunes et leur entourage (parents, enseignants, éducateurs et autres) par des offres ciblées». Pour Charel Schmit, «ce service constitue un point fort majeur, assurant la prévention et l’assistance via une helpline et une stopline». Mais il recommande de le «renforcer avec des moyens d’action plus proactifs (…), ces mécanismes restent insuffisants car ils fonctionnent a posteriori et la viralité des contenus sur les réseaux sociaux nécessiterait une régulation à court terme et a priori pour être efficace auprès des publics sensibles».

Pour l’Okaju, il faudrait donc instaurer un suivi des signalements, actuellement absent en raison de l’anonymat lié à la stopline, mais également rendre disponible la helpline de Bee Secure 24h/24h et 7j/7, alors qu’elle est aujourd’hui joignable du lundi au vendredi de 9h à 16h.

Plus généralement, le rapport met en lumière plusieurs défis majeurs concernant les droits et le bien-être des enfants au Luxembourg. Quatre enjeux cruciaux sont en particulier ciblés: la santé mentale des enfants et des adolescents (), un système intégré de protection de l’enfance, les enfants en risque de pauvreté et la protection des enfants contre les violences et autres préjudices en milieu numérique. Ce dernier sujet est multiple, car il concerne à la fois le cyberharcèlement, par exemple, et l’impact des écrans sur la santé mentale et physique des jeunes.