Le gouvernement luxembourgeois veut atteindre 49% de véhicules électriques dans le parc automobile en 2030. (Photos: Shutterstock, Romain Gamba/Maison Moderne/archives, Nader Ghavami/archives)

Le gouvernement luxembourgeois veut atteindre 49% de véhicules électriques dans le parc automobile en 2030. (Photos: Shutterstock, Romain Gamba/Maison Moderne/archives, Nader Ghavami/archives)

Désireux de voir progressivement disparaître de la circulation les voitures les plus polluantes, le gouvernement luxembourgeois oblige indirectement les entreprises à revoir en profondeur leur politique de mobilité.

Selon les derniers chiffres publiés par le ministère de la Mobilité et des Travaux publics, en 2021, une nouvelle immatriculation sur cinq concernait une voiture 100% électrique ou plug-in hybride. Et ce n’est visiblement qu’un début. L’objectif du gouvernement est clair: il veut atteindre 49% de véhicules 100% électriques dans le parc automobile en 2030 et compte bien s’en donner les moyens. Aussi, les entreprises luxembourgeoises, qui détiennent plus de 20% de l’ensemble des véhicules immatriculés dans le pays, sont inévitablement invitées à participer à cette transition vers le zéro carbone.

Une mobilité professionnelle à réinventer

Cette évolution, qui se devra d’être rapide, n’a rien d’une longue route tranquille pour les responsables de flotte et les employeurs. «Nous constatons, aujourd’hui déjà, que le système de taxation de l’avantage en nature (ATN) et les primes avantageuses à l’achat poussent naturellement les personnes qui disposent d’une voiture de fonction à s’orienter vers des voitures 100% électriques ou plug-in hybrides, analyse , directeur général de Luxair.

La réforme du système, présentée début janvier 2022 par François Bausch, ne fait que renforcer cet incitant fiscal pour les années à venir. Mais, au-delà de cet aspect, le plus important pour les entreprises luxembourgeoises est de repenser en profondeur la mobilité de leurs collaborateurs, de réfléchir aux solutions de transport intermodal à disposition et veiller à réduire le nombre de voitures sur les routes.»

Cette vision est partagée par Dominique Laurent, managing director chez PwC Luxembourg. Depuis deux ans maintenant, il assure le suivi de la flotte de l’entreprise et s’intéresse à toutes les questions qui touchent à la mobilité au sens large. «Aujourd’hui déjà, une commande sur deux concerne un véhicule électrique ou hybride, explique-t-il. Mais pour nous, le premier enjeu est de viser la diminution des déplacements en voiture individuelle. Pour y parvenir, nous avons déjà mené plusieurs initiatives, comme l’octroi de parkings à ceux qui pratiquent l’autopartage ainsi que d’un service de carsharing, l’ouverture de bureaux aux frontières ou encore la promotion du télétravail ou l’utilisation des transports en commun.»

Le plus important pour les entre­prises luxembourgeoises est de repenser en profondeur la mobilité de leurs collabora­teurs, de réfléchir aux solutions de trans­port intermodal à disposition.
Gilles Feith

Gilles FeithCEOLuxair

Objectif de décarbonation de la flotte

PwC a pour ambition d’atteindre le «zéro émission nette» dès 2030. «Aussi, notre volonté est de décarboner la flotte autant que possible. Nous revoyons actuellement nos car policies. À partir de ce 1er juillet 2022, toute nouvelle voiture commandée pour un partner, directeur ou manager – ce que l’on appelle nos ‘company cars’ – sera obligatoirement électrique ou hybride», ajoute Dominique Laurent. Environ 800 personnes sont concernées par cette mesure. Dans sa flotte, PwC compte également 900 autres voitures en mode salary sacrifice.

«Ce système permet aux employés non éligibles à un véhicule de fonction de transformer une partie de leur salaire pour profiter d’une voiture en leasing, reprend Dominique Laurent. Ces véhicules sont le plus souvent des modèles plus standards, pour lesquels nous conserverons un mix entre des moteurs thermiques, avec les niveaux d’émission CO2 les plus bas, électriques et plug-in hybrides. Il faut bien reconnaître que ce système vise une population plus jeune, qui vit plus souvent en appartement sans borne de recharge et non dans une maison qui offrirait cette possibilité. Elle fait aussi souvent plus de kilomètres pour se rendre au travail…»

D’ici 2025, au Luxembourg, seul le choix d’une voiture 100% électrique restera fiscalement avantageux pour les personnes disposant d’une voiture de fonction au Luxembourg. «Personnellement, je ne crois pas entièrement au concept de la voiture hybride à partir du moment où elle présente souvent, pour les modèles de milieu et d’entrée de gamme, une autonomie très faible et qu’il faut donc la recharger plus souvent», confie Gilles Feith, lui-même utilisateur d’un véhicule 100% électrique. Chez PwC, un autre élément plaide en défaveur du plug-in hybride. «Certains ne voient que l’avantage fiscal et n’utilisent pas le véhicule à bon escient, en ne le rechargeant pas régulièrement, estime Dominique Laurent. Il en résulte une consommation accrue de carburant. À l’avenir, nous envisageons donc de limiter le budget essence octroyé à ce type de véhicules.»

Le casse-tête de la recharge en entreprise

Si la mobilité électrique en entreprise est en plein essor, cela n’est pas sans poser quelques questions d’organisation pour les employeurs, qui doivent proposer des solutions de recharge. «C’est très simple, chez Luxair, nous disposons aujourd’hui de six bornes devant notre siège à Munsbach et de quatre autres au niveau du Cargocenter. C’est évidemment beaucoup trop peu pour répondre à une demande en pleine croissance, constate le directeur général de la société d’aviation. Aujourd’hui, nous offrons gratuitement la recharge, mais nous limitons l’occupation des bornes à 4 heures pour permettre au plus grand nombre d’en profiter.»

Au siège de PwC, l’entreprise dispose de 400 places de parking pour 3.000 collaborateurs. «Nous disposons actuellement de 20 bornes de recharge et notre volonté est d’ajouter 100 bornes doubles en 2022. De cette manière, nous pourrons gérer la charge de 400 véhicules par jour, 200 le matin et 200 l’après-midi. Aussi, la charge va devenir payante, détaille Dominique Laurent. Nous avons évidemment la chance que notre bâtiment ait été dimensionné avec une puissance électrique suffisante.» Au Luxembourg, la très grande majorité des bâtiments existants n’ont pas été conçus pour répondre à ce besoin de puissance électrique, ce qui constitue un frein à l’installation de bornes en entreprise.

L’État luxembourgeois vient toutefois de présenter un nouveau régime d’aides en faveur des entreprises investissant dans des infrastructures de charge pour véhicules électriques. Les petites et moyennes entreprises pourront recevoir une subvention allant jusqu’à 50% des coûts liés aux bornes et jusqu’à 60% des coûts liés au raccordement électrique. Pour les plus grosses structures, le régime d’aides prévoit des appels d’offres à des projets d’infrastructures de charge accessibles au public ou au privé, dont la capacité de charge est au moins égale à 175 kilowatts. Les projets qui seront retenus pourront bénéficier d’une subvention allant jusqu’à 50% des investissements liés au déploiement des bornes. «Aujourd’hui, notre cahier des charges est prêt, mais nous attendions de voir quelle serait la position du gouvernement à ce sujet…», ajoute Dominique Laurent.

Gilles Feith, CEO de Luxair: «Nous mettons beaucoup d’espoir dans le tram». (Photo: Andrés Lejona/Maison Moderne/Archives)

Gilles Feith, CEO de Luxair: «Nous mettons beaucoup d’espoir dans le tram». (Photo: Andrés Lejona/Maison Moderne/Archives)

Simplifier l’accès à la recharge

Quoi qu’il en soit, vu la croissance du marché, la recharge des véhicules électriques ne pourra pas uniquement s’organiser au sein des entreprises. «L’extension du réseau de charge public reste déterminante pour le futur, constate le managing director de PwC. On ne peut que remarquer un manque flagrant de bornes aujourd’hui. Pour l’heure, impossible de trouver une borne de recharge rapide si ce n’est sur des sites privés, notamment dans l’une ou l’autre concession automobile. À cela s’ajoute la complexité actuelle des systèmes de charge qui varient d’un opérateur à l’autre.»

Pour Gilles Feith, un autre frein à l’utilisation de la voiture électrique peut résider dans le coût de la recharge. «À ce titre, on peut déplorer le fait que les bornes de recharge Chargy font souvent défaut dans les zones industrielles par exemple, ainsi que la forte augmentation du coût de charge sur le réseau Chargy enregistrée ces derniers mois.» L’installation d’une borne à domicile constitue une autre solution pour étendre l’utilisation des voitures tout électriques. «Aujourd’hui, l’installation d’une borne à domicile peut être intégrée dans le contrat de leasing. Étant donné que l’entreprise est légalement le locataire de la borne, nous prenons toutefois quelques précautions afin que la sécurité soit garantie et que l’installation soit agréée», confie Dominique Laurent.

On le voit, le succès de la mobilité électrique ne dépend pas que du bon vouloir des chefs d’entreprise. Il demande un investissement conséquent de toutes les parties prenantes, de l’utilisateur aux services publics. «Nous mettons beaucoup d’espoir dans le tram. Lorsqu’il rejoindra l’aéroport, la zone sera très facile d’accès depuis Luxembourg-ville. Grâce à cela, notre staff comme nos clients pourront profiter d’une nouvelle offre multimodale, conclut Gilles Feith. Si la voiture ne va pas disparaître, il est important de repenser son usage à plus long terme.»

Cet article a été rédigé pour le supplément , paru le 26 janvier avec

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