Jean-Paul Olinger, directeur de l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL). (Photo: Pierre Guersing)

Jean-Paul Olinger, directeur de l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL). (Photo: Pierre Guersing)

Dans le cadre du Lunch Talk: la décroissance, un tabou? organisé par le Paperjam + Delano Club, le jeudi 12 mai, Jean-Paul Olinger, directeur de l’Union des entreprises luxembourgeoises, partage sa vision et son point de vue quant à la croissance économique du pays.

Sans croissance économique, peut-on financer l’avenir du système de retraite luxembourgeois?

Jean-Paul Olinger. – «Pour assurer la prospérité future du Luxembourg, l’UEL agit pour le développement de talents durables, en travaillant étroitement avec toutes les parties prenantes engagées.

La prospérité d’aujourd’hui a été rendue possible par une forte croissance du PIB et de l’emploi. L’augmentation régulière des salaires et retraites à travers l’indexation automatique en est une illustration pour les employeurs et les salariés. 

En 2027, les dépenses d’assurance-pension vont dépasser les recettes, et le Luxembourg devra commencer à utiliser sa réserve, d’après le scénario de base du rapport récent de l’IGSS. Nous sommes face à un défi démographique important en Europe avec le vieillissement de la population: la croissance de l’emploi au Luxembourg ne pourra pas compenser cette évolution à l’infini. Il faut donc augmenter la productivité… En attirant et développant des talents durables.

À mon sens, la décroissance est un leurre. Sans croissance économique, il n’y a ni répartition de la richesse ni de bien-être sociétal durable. Mais les arbres ne poussent pas dans le ciel. Personne ne veut renoncer à son confort personnel… et pourtant, nous savons tous que nous devons réinventer notre modèle économique. Il s’agit d’aller vers une croissance qualitative, orientée vers le développement durable, pour une prospérité véritable.

Comment y parvenir? Le développement durable propose un modèle économique qui couvre les besoins actuels des êtres humains, tout en permettant aux générations futures de satisfaire les leurs. Fondé sur trois piliers interdépendants – environnement, social, et économie –, le développement durable se concentre sur la résilience et situe l’économie comme l’intermédiaire entre les besoins de la société et les limites des systèmes terrestres.

Sans croissance, comment apporter de la valeur aux actionnaires?

«Comme son nom l’indique, l’UEL – l’Union des entreprises luxembourgeoises – représente toutes les entreprises privées du Luxembourg, à l’exception du secteur primaire, via les organisations d’employeurs. À ce titre, nous prenons en compte les intérêts non seulement des actionnaires, mais de toutes les parties prenantes des entreprises. Notre mission est d’œuvrer pour un Luxembourg compétitif et attractif qui puisse, dans un contexte international tendu et incertain, garder ses marges de manœuvre budgétaires, financer l’État social et investir dans l’avenir.

Les transitions énergétiques, digitales et sociétales marquent de plus en plus le contexte dans lequel les entreprises opèrent aujourd’hui. Ces évolutions modifient aussi profondément les attentes de la société par rapport au rôle des entreprises. Pour assurer sa pérennité, une entreprise ne peut plus considérer le retour sur investissement financier comme seule pierre angulaire de son édifice économique, mais doit concevoir la création de valeur comme un système cohérent. 

Pour rester performantes et compétitives, les entreprises doivent comprendre leurs impacts et évaluer les risques en y incluant les critères ESG afin de faire évoluer leurs modèles d’affaires. Il s’agit pour elles d’adapter leur offre de biens et de services, de recourir à des technologies innovantes, notamment digitales, et d’identifier de nouveaux besoins et marchés. Ceci permet d’atténuer leurs risques et de développer de nouvelles sources de revenus.

La RSE oriente et fait partie intégrante de la stratégie d’entreprise. C’est pour cela que dès 2007, l’UEL et ses membres ont créé l’INDR avec pour mission de guider les entreprises nationales dans l’adoption de la RSE, par exemple à travers le «Guide ESR» qui est l’ouvrage de référence au Luxembourg. En contribuant au développement durable et en améliorant leur compétitivité et leur image, les entreprises créent davantage de valeur pour leurs actionnaires.

Comment utiliser la technologie au service de la décroissance?

«Je préciserais la décroissance… démographique. Comme je l’ai indiqué, nous sommes face à un défi démographique important. Le vieillissement démographique – avec la vague de départs à la retraite des baby-boomers – se traduira par un fort excédent du nombre de retraités sur le marché du travail et par l’augmentation d’une population active vieillissante qui devra suivre le rythme des nouvelles technologies.

Comme le souligne la Chambre de commerce dans ses Sustainable Business Principles, la capacité d’investissement et d’innovation des entreprises renforce leur potentiel de croissance, leur productivité et leur agilité. Y intégrer les enjeux du développement durable permet aux entreprises de s’adapter davantage aux évolutions de leur environnement.

Comment? Par exemple en consacrant une part grandissante de leur R&D aux innovations et autres solutions responsables, en ligne avec les réglementations qui s’intensifient. Les innovations technologiques comme la blockchain ou encore l’intelligence artificielle sont des leviers à fort potentiel pour les entreprises dans leur transition durable. Et pourquoi ne pas s’inspirer des 1.000+ solutions pour protéger l’environnement de manière rentable de la fondation Solar Impulse de Bertrand Piccard présentées récemment lors d’une conférence avec la Chambre de commerce, le ministère de l’Économie et le List?

Pour tirer parti de ces innovations, la clé réside dans la capacité de notre pays à attirer, former et mobiliser les talents durables de demain.»

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