David Mazzoni a commencé à travailler comme cordonnier il y a 25 ans avec son père avant de se lancer à son compte il y a 20 ans.  (Photo: Maëlle Hamma/Maison Moderne)

David Mazzoni a commencé à travailler comme cordonnier il y a 25 ans avec son père avant de se lancer à son compte il y a 20 ans.  (Photo: Maëlle Hamma/Maison Moderne)

À Bonnevoie, David Mazzoni a repris la cordonnerie familiale il y a pile 20 ans, après avoir été formé au métier par son père. Un savoir-faire qui le passionne, mais qui a considérablement évolué au fil du temps, en même temps que les tendances, et qu’il craint, à terme, de voir disparaître…

Moins de dix: comme le nombre de cordonneries artisanales en activité dans le pays à ce jour. Parmi elles, celle de David Mazzoni, Cordonnerie & Co by David Mazzoni, située à Bonnevoie. Chez les Mazzoni, la cordonnerie est une histoire de famille, un savoir-faire qui se transmet de père en fils. David a justement appris le métier auprès de son père, dans la cordonnerie de ce dernier, aussi à Bonnevoie, à quelques rues de l’actuelle, et auprès de son oncle Gianfranco, toujours actif à Esch à 70 ans passés.

En 2005, alors que son père prend sa retraite, David Mazzoni rachète ses parts et reprend l’activité à son compte après une formation en gestion technique d’entreprise. Mais 20 ans plus tard, son papa n’est jamais bien loin. «Il est aujourd’hui pensionné, mais il m’aide de temps en temps car il est très difficile de trouver du personnel, et encore plus du personnel bien formé», glisse David Mazzoni, occupé à rénover une paire de baskets blanches que bon nombre de personnes auraient pensé bonnes pour la poubelle. 

Redonner vie à des chaussures, sacs à main ou autres objets en cuir est aujourd’hui devenu sa passion, à tel point que sa boutique est un peu devenue sa deuxième maison. «Pour moi, ce n’est pas une corvée, même s’il y a beaucoup de travail. Je trouve qu’il n’y a pas plus beau métier. Nettoyer, réparer, restaurer jusqu’à ce que l’on voie une vraie différence entre le ‘avant’ et le ‘après’ est très satisfaisant. L’aspect vente et service est aussi intéressant, les demandes changent tout le temps, et le fait de travailler pour soi et d’être son propre patron est une super aventure, même si c’est parfois démotivant, entre l’administratif, les impôts, la TVA…», confie le patron âgé de 42 ans. 

Et le fait de travailler seul est une difficulté supplémentaire. «Lorsqu’on travaille sur une paire de chaussures, par exemple, les process sont parfois compliqués. La pression pour fixer la semelle doit être très précise, le temps de séchage dans le four aussi. Si entre-temps un client entre, je dois être capable de pouvoir gérer les deux», illustre-t-il. La faute, selon lui, à une dévalorisation du métier, «considéré comme métier secondaire», et à un manque d’offre de formation. Sur son site, la Chambre des métiers indique qu’un apprentissage transfrontalier pour le métier de bottier-cordonnier est possible. Il s’agit d’un contrat d’apprentissage dans une entreprise au Luxembourg, mais avec une formation théorique dans une école étrangère. 

David Mazzoni propose de la rénovation de chaussures et divers objets ou pièces en cuir, mais aussi la copie de clés de différents types. (Photo: Maëlle Hamma/Maison Moderne)

David Mazzoni propose de la rénovation de chaussures et divers objets ou pièces en cuir, mais aussi la copie de clés de différents types. (Photo: Maëlle Hamma/Maison Moderne)

Malgré quelques problématiques, David Mazzoni s’adapte. Aux demandes de ses clients d’abord, toujours variées – un client francophone venu refaire des jeux de clés, une anglophone venue faire réparer son harnais d’équitation ou encore une italophone pour sauver sa paire de bottes préférée.  Mais aussi aux évolutions de son métier et à ses contraintes. «En 25 ans, tout a évolué, les techniques, les outils, le matériel… Depuis le Covid, tout a vraiment augmenté, que ce soit au niveau des produits ou des matériaux. Bien sûr, on peut toujours trouver une paire de semelles à dix euros, mais nous misons sur la qualité», explique-t-il. 

Une qualité à laquelle les clients portent de plus en plus d’attention. «Je dirais que depuis trois ou quatre ans, on sent un grand retour vers la qualité. Les clients prêtent plus attention aux matériaux et sont prêts à mettre le prix. Ils préservent davantage leurs chaussures, accordent plus d’importance à l’entretien et sont plus attentifs à la protection. Ils n’attendent plus le dernier moment pour faire réparer leurs chaussures. De plus en plus, on me demande par exemple de poser des fers encastrés sur les chaussures, pour qu’elles tiennent plus longtemps», montre-t-il. La seconde main participe aussi à ce phénomène, selon lui. «Je reçois beaucoup plus d’articles de luxe qu’à une époque», ajoute-t-il. 

David Mazzoni travaille seul et mise sur la qualité, notamment pour les semelles qui serviront à donner une deuxième vie aux chaussures de ses clients.  (Photo: Maëlle Hamma/Maison Moderne)

David Mazzoni travaille seul et mise sur la qualité, notamment pour les semelles qui serviront à donner une deuxième vie aux chaussures de ses clients.  (Photo: Maëlle Hamma/Maison Moderne)

Une bonne nouvelle à l’heure où la fast-fashion et ses pièces presque jetables ont un impact à la fois sur l’environnement et sur le plan social. Au Luxembourg, par exemple, on jette en moyenne 12kg de textile et chaussures par an. En Europe, quatre millions de tonnes de déchets vestimentaires sont jetées chaque année. Une conscience écologique qui se traduit aussi dans les demandes des clients, «de plus en plus exigeants sur la composition des produits d’entretien. On me demande de plus en plus de produits bios, non testés sur les animaux, sans aérosol…». 

D’ailleurs, sur les réseaux sociaux, les comptes proposant des contenus centrés sur des services tels que la rénovation/customisation de sneakers ou la remise en état de sacs de luxe pullulent et connaissent un véritable engouement. Une tendance qui reflète à la fois un intérêt croissant pour la durabilité et une mode plus responsable, mais aussi pour l’unicité des pièces et leur originalité.  

Selon David Mazzoni, cela révèle peut-être aussi un intérêt croissant des jeunes pour ce savoir-faire, bien qu’ils n’aillent pas jusqu’à se former. «Il faudrait recréer une filière de formation et encourager les jeunes. Le métier est plutôt en voie de disparition, mais je pense qu’il va encore évoluer. J’ai encore de l’espoir!»