Thierry Feltgen, head of SRI strategy & stewardship chez BLI – Banque de Luxembourg Investments, explique que la classification des fonds en matière de finance durable est en partie influencée par des objectifs de distribution. (Photo: BLI – Banque de Luxembourg Investments)

Thierry Feltgen, head of SRI strategy & stewardship chez BLI – Banque de Luxembourg Investments, explique que la classification des fonds en matière de finance durable est en partie influencée par des objectifs de distribution. (Photo: BLI – Banque de Luxembourg Investments)

Les règles de transparence en matière de durabilité s’intensifient pour les gestionnaires d’actifs. Le législateur européen leur a pourtant laissé le choix sur la classification de leurs fonds. Mais ont-ils encore vraiment le choix au niveau de la distribution?

Les gestionnaires d’actifs sont tous occupés à reclasser leurs fonds selon les objectifs de développement durable. En effet, depuis mars 2021, la Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) détermine les obligations de déclarations.

La règlementation européenne laisse la liberté aux gestionnaires d’actifs de ne prendre aucun engagement en matière de développement durable dans leurs fonds, outre la prise en compte des risques de durabilité de leurs investissements. Dans pareil cas de figure, ces fonds sont alors classés sous l’article 6 de la SFDR. En optant pour cette approche, les gestionnaires ne prennent aucun risque règlementaire supplémentaire.

Les producteurs de fonds auront de la peine à distribuer des fonds «Article 6».
Thierry Feltgen

Thierry Feltgenhead of SRI strategy & stewardshipBLI – Banque de Luxembourg Investments

Le véritable enjeu pourrait bien être plutôt commercial, explique Thierry Feltgen, head of SRI strategy & stewardship chez BLI – Banque de Luxembourg Investments: «Les producteurs de fonds auront de la peine à distribuer des fonds “Article 6’.» En effet, les règles en matière de protection des consommateurs, connues sous le nom de MiFID (Markets in Financial Instruments Directive), de produits d’investissement obligent les distributeurs de ces produits à interroger leurs clients sur leurs intentions en matière de durabilité.

«Un fonds qui est renseigné comme n’investissant pas dans des actifs durables et ne prenant pas en compte les incidences négatives de ses investissements ne coche pas les cases qui sont prévues sous MiFID en termes de préférences de durabilité», commente Thierry Feltgen. Et il poursuit: «Par conséquent, si nous voulons avoir une place à la table du marché de la distribution auprès de la clientèle de détail, nous avons intérêt à proposer des fonds classés sous l’article 8 de la SFDR. De ce fait, les distributeurs, entre les gestionnaires et les clients, n’ont eu d’autre choix que d’adapter leurs offres de fonds au niveau minimum d’une clientèle responsable ou engagée.

Entre 8 et 9, 8 plus

Pour sa part, BLI annonce avoir classé l’ensemble des compartiments de sa SICAV BL sous «Article 8» – à l’exception d’un seul –, faisant ainsi la promotion des facteurs de durabilités, sans pour autant avoir l’obligation d’avoir des investissements durables. Le gestionnaire avait bien le choix de classer ses fonds en «Article 9», devant alors uniquement investir en actifs durables, mais a préféré se cantonner à des fonds classés comme «Article 8 plus».

De la sorte, les annexes aux prospectus de ces fonds indiquent qu’ils s’engagent à investir une part de leur portefeuille uniquement en actifs durables, en plus de la simple promotion des objectifs de durabilité. Chez BLI, la moyenne de ces parties des portefeuilles tourne autour de 30% des actifs investis par fonds.

Nous devons montrer patte blanche en détail sur les objectifs de durabilité de ces titres, sur ce que nous voulons en faire, sur la façon dont nous définissons un actif durable, et bien d’autres.
Thierry Feltgen

Thierry Feltgenhead of SRI strategy & stewardshipBLI – Banque de Luxembourg Investments

Si 30% des actifs en portefeuille sont ainsi investis selon des critères de durabilité, les obligations déclaratives qui en découlent sont du même acabit que pour les fonds de type «Article 9». «Nous devons montrer patte blanche en détail sur les objectifs de durabilité de ces titres, sur ce que nous voulons en faire, sur la façon dont nous définissons un actif durable, et bien d’autres», explique Thierry Feltgen, avant d’ajouter: «Les fonds qui font la promotion des facteurs de durabilité et qui s’engagent en même temps à investir une partie de leur portefeuille en actifs durables constituent en quelque sorte l’antichambre des fonds Article 9.»


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Davantage de fonds «Article 9»?

Les besoins en termes de transparence dans les annexes aux prospectus vont même encore plus loin pour les gestionnaires d’actifs qui font le choix des fonds «Article 8 plus». Outre les informations relatives à la stratégie d’investissement promouvant la durabilité, «il faut renseigner si les actifs classés comme durables sont conformes à la taxonomie européenne et s’il s’agit d’actifs durables avec un objectif environnemental, ou encore social», précise Thierry Feltgen.

Même si BLI crée actuellement deux fonds de type «Article 9», le gestionnaire d’actifs observe que la tendance du marché n’est pas d’aller naturellement vers une majorité de fonds classés comme tels. D’une part, de nombreux clients souhaitent préserver une neutralité dans leurs choix d’investissements. D’autre part, investir uniquement dans des actifs durables réduit fortement le champ d’investissement.

Ainsi, afin de construire des portefeuilles permettant de réunir performance financière et extra financier, des gestionnaires de produits «Article 9» devront fortement élargir leurs capacités d’analyse. Ce qui, bien sûr, n’est pas envisageable sans le recrutement de nouveaux talents.

Cet article est issu de la newsletter Paperjam + Delano Finance, le rendez-vous hebdomadaire pour suivre l’actualité financière au Luxembourg.