Denis Weinquin, 32 ans, a pris, le 15 septembre dernier, la succession de Philippe Sylvestre à la présidence du Jeune Barreau. Associé avec Christian Hansen au sein de l’étude Hansen & Weinquin depuis 2017, il devient le premier président issu du Barreau de Diekirch (qui réunit une cinquantaine d’avocats, contre 3.100 pour le Barreau de Luxembourg).
Le nouveau président et le président sortant reviennent, dans une interview croisée accordée à Paperjam, sur le rôle du Jeune Barreau, les accomplissements de l’année passée et les défis de celle à venir.
Qu’est-ce qui vous a poussé à vous investir au sein du Jeune Barreau?
Denis Weinquin. – «Mais la défense des jeunes confrères! J’ai toujours été engagé, déjà pour les étudiants, puis en tant que représentant au sein du Barreau de Diekirch. Donc cela en constitue la suite logique.
Quel est votre rôle?
D. W. «Le président du Jeune Barreau est un peu l’équivalent du bâtonnier au niveau du Conseil de l’Ordre. Et le Jeune Barreau a pour rôle de représenter les jeunes avocats. Les avocats ne sont d’ailleurs pas considérés comme ‘jeunes’ selon l’âge, mais selon l’année d’assermentation – et ils le restent jusqu’à la 11e année après l’assermentation.
Nous sommes là pour défendre les intérêts des jeunes au sein du Conseil de l’Ordre – car le Conseil représente les jeunes comme les plus âgés, les employeurs comme les employés, donc des conflits d’intérêts sont possibles.
Philippe Sylvestre. – «Nous organisons aussi des événements, comme le pot de bienvenue en septembre, ou des événements sportifs. Il s’agit de faire du team building, de créer une dynamique.
En outre, le Barreau vous a désormais délégué la formation continue…
P. S. «Ce qui représente de 23 à 25 conférences et formations continues par an. Le contenu des conférences se fait en concertation avec le Barreau et nous nous occupons de l’organisation – nous avons une machine rodée qui fonctionne bien. En contrepartie, le Barreau met à notre disposition du personnel et sa plateforme informatique – car le comité du Jeune Barreau n’a pas d’infrastructure. Pour les locaux, nous avons ainsi accès à ceux de la Maison de l’avocat.
Comment se déroule votre travail avec le Conseil de l’Ordre?
P. S. «Nous travaillons ensemble, main dans la main. Même si nos directions sont parfois différentes lorsque la leur ne va pas dans le sens de l’intérêt des jeunes. Mais cela n’est jamais conflictuel.
D. W. «Tout à fait, l’un ne peut pas fonctionner sans l’autre. Encore plus depuis l’année dernière et la délégation des formations continues.
Mais vous avez bien parfois des positions différentes?
D. W. «Oui, nous avons différents points de vue sur certains sujets. C’est le cas avec la question du revenu: nous voulons qu’un revenu minimum soit instauré. Un questionnaire avait été organisé sur les conditions de travail: revenu, exploitation, harcèlement…
P. S. «Pris dans leur ensemble, les résultats étaient satisfaisants. Mais, en les filtrant, c’était moins le cas. Dans les petits cabinets (jusqu’à 20 avocats, ndlr), 25% des collaborateurs stagiaires touchent moins que le revenu minimum. Ce sont les grands cabinets qui font remonter la moyenne.
D. W. «Mais un revenu minimum est loin de faire l’unanimité au sein du Barreau. Un patron de stage ne veut pas forcément qu’un revenu minimum soit instauré… Or, c’est au Barreau de préparer un règlement intérieur. Et à nous d’agir pour faire bouger les choses en ce sens.
Parfois, les changements mettent un peu trop de temps. Nous avons dû avoir le Covid pour obtenir une digitalisation de la justice – en une nuit.
Quels sont, à votre avis, les points forts – et moins forts – pour le métier au Luxembourg?
D. W. «Il y a, selon moi, deux points forts: une très grande richesse linguistique, ce qui nous procure une clientèle internationale. Et nous avons un fort ‘know-how’ dans des domaines comme le droit des sociétés ou le droit fiscal.
P. S. «En outre, les adaptations sont très rapides dans le pays, notamment dans le cadre de la transposition des directives. Et les chemins sont courts: lorsqu’un problème survient, il est très vite possible de parler à la personne appropriée pour trouver une solution.
Les efforts de digitalisation et de modernisation vous paraissent-ils suffisants?
D. W. «Parfois, les changements mettent un peu trop de temps. Nous avons dû avoir le Covid pour obtenir une digitalisation de la justice – en une nuit. Il reste encore de l’espace pour la modernisation, mais c’est en cours et en bon chemin.
L’arriéré judiciaire ne pose-t-il pas problème?
D. W. «Cela peut poser problème dans certains domaines. Par exemple, dans le civil: en première instance, il faut une année voire davantage pour présenter son affaire, puis plus d’un an pour que le jugement ait lieu, donc il faut parfois jusqu’à trois ans en tout. Pour le justiciable, c’est très long…
Un grand défi actuel du métier?
P. S. «La bureaucratisation: les procédures deviennent compliquées. Ce sont beaucoup de contraintes qui coûtent.
D. W. «Oui, il y a plus de lois, plus de directives, plus d’obligations anti-blanchiment, etc. Le métier est relativement contraignant. Cela reste un métier qui attire, mais qui est difficile…
P. S. «Cela dit, la réforme de la procédure civile est là pour simplifier. Mais c’est tout neuf, nous n’en avons pas encore vu les conséquences.
Quel est le bilan de l’année passée pour le Jeune Barreau?
P. S. «Il fallait reprendre le train du Covid qui était déjà en route, et s’adapter, notamment avec les conférences en Webex – avec 250 à 300 participants en digital –, les livraisons de kits de dégustation pour les événements…
Nous avons surtout fait du ‘house keeping’, en professionnalisant nos conférences. Il y a aussi eu le succès du concours d’éloquence. Et la mise en place d’un nouveau site web – l’ancien datait d’il y a dix ans.
De manière générale, nous avons montré que nous étions là sur le fond, et pas que sur la forme, notamment avec l’augmentation du nombre de conférences – nous avions la réputation de n’être là que pour organiser les fêtes…
Et les enjeux de l’année à venir?
D. W. «C’est vraiment la reprise. Avec le Covid, il s’agissait de s’adapter et de travailler sur les aspects académiques. Mais nous sommes aussi là pour le networking: nous voulons que les gens se revoient, créent des liens, car cela facilite aussi leur travail. Il y a aussi tout le volet de la représentation à l’étranger vis-à-vis des autres Barreaux. Et nous allons fêter les 25 ans des juridictions administratives, le 4 février à la BNL.
Les femmes sont très présentes dans les professions juridiques. Mais il y a seulement eu deux femmes ces 10 dernières années à la présidence du Jeune Barreau. Comment l’expliquez-vous?
P. S. «Le comité du Jeune Barreau, qui est composé de 14 membres, est à parité, avec 50% de femmes. Mais il est parfois plus difficile de devenir vice-président: il faut avoir été membre du comité, avoir de l’ancienneté… Or, de plus en plus de femmes deviennent magistrates entre-temps.
D. W. «L’année prochaine, la présidente, Géraldine Mersch, sera une femme. Ce n’est d’ailleurs pas parce qu’elle est une femme qu’elle a été élue. Nous défendons l’égalité, mais pas la discrimination positive.
Mais le sexisme existe. Comment le combattez-vous?
D. W. «Par exemple, pour la Journée internationale du droit des femmes, nous organisons une conférence le 25 novembre, avec l’asbl Passerelle.
P. S. «Mais ce n’est pas le seul problème au niveau de la représentativité. Nous cherchons à avoir un comité mixte du point de vue du genre, mais aussi de la nationalité. Au Barreau de Luxembourg, nous sommes approximativement 25% de Luxembourgeois. Or, nous n’avons que 30% d’étrangers au comité. Il reste difficile de trouver des non-Luxembourgeois qui veulent intégrer le Jeune Barreau…»