Avec des effets de tension sur le marché du fret aérien, les prix tournent autour de 5 euros le kilo transporté. Il y a encore quatre ans, les prix oscillaient entre 0,30 et 0,60 euro le kilo dans le fret aérien. (Photo: Sebastien Goossens/Archives)

Avec des effets de tension sur le marché du fret aérien, les prix tournent autour de 5 euros le kilo transporté. Il y a encore quatre ans, les prix oscillaient entre 0,30 et 0,60 euro le kilo dans le fret aérien. (Photo: Sebastien Goossens/Archives)

Le fret aérien est sous tension et accuse un manque de capacité. Résultat: les tarifs explosent et tournent autour de 5 euros le kilo transporté, contre 0,60 centime avant la crise sanitaire.

Manque de capacité, routes aériennes plus longues, kérosène plus cher, besoin accru en équipage. Le secteur du fret aérien est obligé de s’adapter à de nombreuses nouvelles contraintes, avec pour conséquence l’augmentation de ses propres prix, qui sera in fine supportée par le consommateur final.

«Les facteurs sont multiples pour expliquer la tension sur le marché du fret aérien», lance Nicolas Simons, CEO de EZ Cargo, broker en fret aérien basé à l’aéroport de Liège. Le plus important réside dans le manque de capacité des compagnies aériennes. «AirBridgeCargo, une compagnie aérienne de fret russe, ne peut plus voler en Europe. Elle avait des capacités importantes en sortie de Francfort, Paris ou encore Liège. Il faut donc, dans un premier temps, trouver de la place chez d’autres compagnies aériennes pour transporter les marchandises qu’AirBridgeCargo devait acheminer, alors que le marché est déjà à flux tendu», souligne-t-il.

Les compagnies consomment davantage et elles doivent charger plus de carburant. Elles disposent donc de moins de poids pour les marchandises.
Nicolas Simons

Nicolas SimonsCEOEZ Cargo

D’autant plus que la période est assez chargée dans le secteur du fret. En février, traditionnellement, les infrastructures de fret chinoises sont au ralenti pendant 8 à 10 jours en raison du Nouvel An chinois, avant de connaître une cadence importante les jours suivants pour rattraper le retard sur le transport des marchandises.

Autre difficulté: la fermeture de l’espace aérien russe pour les compagnies aériennes occidentales. Pour relier la Chine, le ciel russe est le chemin le plus court. Désormais, les compagnies doivent contourner la Russie et brûler plus de kérosène.

Selon Eurocontrol, un avion doit parcourir 1.582 kilomètres en plus (855 miles nautiques) pour relier Amsterdam à Pékin sans passer par la Russie. Soit 105 minutes supplémentaires. Une route et un temps de vol plus longs sont synonymes d’une plus grande consommation de kérosène. Un carburant qui, lui aussi, connaît une flambée des prix, comme l’ensemble des produits pétroliers. «Les compagnies aériennes prennent la route du sud, par Bakou et Dubaï selon les prix du kérosène, pour rejoindre la Chine. Ce n’est pas la route la plus courte. Donc les compagnies consomment davantage et elles doivent charger plus de carburant. Elles disposent donc de moins de poids pour les marchandises. Alors que justement, il y a une très forte demande en volume», explique Nicolas Simons.

Aujourd’hui, il faut compter autour des 5 euros le kilo.
Nicolas Simons

Nicolas SimonsCEOEZ Cargo

Pour ajouter encore un peu plus de complexité à la situation, la Chine impose toujours d’importantes restrictions sanitaires aux équipages des avions-cargos. Ce qui oblige les compagnies à s’adapter en conséquence. «La Chine est toujours en alerte assez haute en matière de Covid-19. Avant, les compagnies aériennes faisaient un arrêt à l’aéroport russe de Novossibirsk pour faire un changement d’équipage, respecter les temps de vol et éviter les quarantaines dans les aéroports chinois. Aujourd’hui, ce n’est plus possible et les compagnies aériennes doivent adapter les routes, les vols, ou même parfois avoir un double équipage à bord. Mais le marché de l’aérien éprouve déjà des difficultés à trouver des équipages. La planification aérienne est donc devenue compliquée depuis quelques jours», détaille Nicolas Simons.

Au final, l’ensemble de ces contraintes pèsent sur le prix du transport. «À l’annonce de la fermeture de l’espace aérien russe, le prix a été multiplié par deux, et même par trois», lance le broker basé à Liège. «Avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les prix tournaient autour de 2,5 euros le kilo sur du vol direct depuis la Chine. En passant par de plus petits aéroports en Chine, on pouvait trouver du 1,30 euro le kilo», souligne Nicolas Simons, avant d’ajouter: «Aujourd’hui, il faut compter autour des 5 euros le kilo.» Il y a encore quatre ans, le kilo était entre 0,30 et 0,60 euro dans le fret aérien.


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Une demande forte

«Il y a une reprise économique et la demande est forte. Le marché est sous haute tension avec une loi de l’offre et de la demande qui est finalement très simple. Celui qui paie voit sa marchandise être embarquée dans l’avion. Ce n’est pas toujours simple, car pour le client qui a un budget de 10.000 euros pour le transport de sa marchandise et qui doit finalement payer 25.000 euros, sa marchandise n’a pas changé de valeur. Donc ce client va répercuter ce prix par la suite, et c’est bien souvent le consommateur final qui va en supporter la charge», concède Nicolas Simons.

Au niveau des marchandises, les articles les plus répandus dans le fret sont les produits périssables et les produits pharmaceutiques. «Pour ce type de produits, il n’y a pas d’autre alternative que l’avion. Pour les produits industriels, le choix va se faire en fonction des amendes de retard à l’arrivée. Le client va calculer le montant de l’astreinte si sa marchandise est transportée par bateau et arrive avec un mois de retard. Si c’est plus avantageux, la marchandise ira dans un conteneur. Dans le cas contraire, dans un avion-cargo», termine le broker.

Mais là encore, les bateaux et les conteneurs sont également sous tension et les temps de dépotage sont très longs. Du côté du rail, le train reliant l’Europe à l’Asie passe par la Biélorussie.

Le kérosène: 25,6% des coûts de Cargolux

Au Luxembourg, une société comme Cargolux n’échappe pas aux perturbations dans le domaine du fret aérien. D’autant plus que la compagnie aérienne luxembourgeoise assure régulièrement des vols vers Zhengzhou, en Chine. On peut d’ailleurs constater que les Boeing 747 passent au sud de la Russie, au niveau de Bakou ou de Dubaï, pour rallier l’Asie.

Interrogée sur les conséquences de l’ensemble sur son activité, Cargolux a uniquement souligné «prendre les mesures nécessaires pour se conformer aux restrictions imposées».

Dans son rapport annuel de 2020, on peut lire que la dépense en kérosène a représenté 25,6% des coûts opérationnels.