Les initiatives pour un passeport vert se multiplient pour relâcher la pression sur les citoyens en attendant que le taux de vaccination progresse. (Photo: Shutterstock)

Les initiatives pour un passeport vert se multiplient pour relâcher la pression sur les citoyens en attendant que le taux de vaccination progresse. (Photo: Shutterstock)

Brandir un exemplaire du «certificat vert numérique» de l’Union européenne à la veille de sa présentation officielle a traduit une certaine fébrilité. Car l’OMS prépare un certificat universel… avec l’aide d’Incert et des technologies luxembourgeoises.

Dimanche 14 mars. Le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, est invité au Grand Rendez-vous Europe 1-CNews-Les Echos. L’ex-CEO d’Atos brandit un exemplaire fictif du «certificat vert numérique» (CVN) que la Commission européenne présentera trois jours plus tard.

Disponible en version papier ou en version électronique – pour les réfractaires au tout-numérique –, ce document, disponible dans toutes les langues de l’UE, permettra à tout Européen, ou résident en Europe lié avec un Européen, de montrer qu’il a été vacciné avec un des vaccins autorisés par l’Agence européenne du médicament (EMA), qu’il est guéri après avoir été infecté ou qu’il a effectué un test, révélé positif, pour lui permettre de voyager plus librement, pour l’instant dans l’Union européenne. Soit presque aucune valeur ajoutée par rapport à la situation actuelle.

Selon M. Breton, il s’agit, pour l’Union européenne, de lancer ce CVN avant l’été pour éviter que l’industrie européenne du tourisme – la principale activité dans l’UE avec 5% du PIB et 6% de l’emploi – ne fasse une nouvelle saison blanche.

Le fâcheux précédent StopCovid

Fallait-il vraiment se presser d’évoquer cette initiative, dans les cartons européens depuis près d’un an? M. Breton n’a pas voulu commenter cela pour Paperjam. Non seulement tout le monde n’a pas accès au vaccin, mais certains États membres ont commencé à vacciner avec des vaccins non reconnus par l’EMA, et il n’apportera rien de plus à ceux qui veulent quitter l’UE que les mesures déjà en place dans certains pays (preuve de vaccination, de test ou de quarantaine). Pour , trois points posent problème: l’efficacité des vaccins n’est pas encore démontrée durablement, on ignore encore à peu près tout de l’immunité acquise par l’infection, et les responsables politiques devront verrouiller juridiquement le dispositif.

Car le mécanisme imaginé par les Européens prévoit «un portail qui permette de vérifier les signatures électroniques» des CVN, mais sans stocker aucune donnée personnelle et en assurant l’interopérabilité des différentes infrastructures nationales de santé, puisque c’est là que se trouvent, la plupart du temps, les données des patients. Pour qui se souvient du fiasco de la mise en place de l’application de tracking au niveau européen, cela peut laisser rêveur.

Le système, dit encore la présentation officielle, n’est que temporaire. Jusqu’à ce que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) délivre un «smart vaccination certificate». Car à Lausanne se joue une autre discrète bataille. Une guerre d’influence non seulement entre États, mais aussi entre promoteurs de technologies.

«Les Européens ont voulu aller plus vite en émettant un passeport vert qui, en l’état actuel, va rester en place un an, un an et demi, jusqu’à ce que le carnet de vaccination puisse reprendre la main et que toutes les personnes soient vaccinées. Après, cela rentrera dans le carnet de vaccination digital», explique le CEO d’Incert, Benoit Poletti.

Les promoteurs pressés de la blockchain

L’Europe impatiente n’a pas attendu, alors que pour réfléchir à la manière d’accélérer la digitalisation du fameux carnet de vaccination. Dont les Luxembourgeois du groupement d’intérêt économique créé en 2012 et qui gère l’infrastructure luxembourgeoise sur les documents de voyage.

«En tant qu’experts de l’Organisation internationale de l’aviation civile, nous avons été consultés parce que la technologie des passeports est en place depuis une quinzaine d’années, et le principe est le même: pouvoir s’assurer de l’authenticité d’un document virtuel au niveau des zones de circulation.»

«Si je remonte historiquement», se souvient M. Poletti, intégré au travail de l’OMS, «la pandémie n’a fait qu’accélérer la digitalisation du carnet de vaccination classique. Le SVC a été conçu pour tous types de vaccins. L’OMS a édicté des règles, des spécifications techniques par rapport à ce carnet de vaccination digital. Ces spécifications ont été écrites pour répondre au Covid, cela a été un changement. Mais la différence avec le passeport vert, c’est qu’il va rassembler seulement les données du vaccin contre le Covid-19. Ce sera un carnet de vaccination mais digital. Ce sera un carnet de vaccination mais digital.»

«Ce qui intéressant, au niveau du choix des technologies», ajoute-t-il, «ce sont les nombreux débats que nous avons eus, très houleux, parce que l’OMS ne savait pas trop quelle technologie adopter. Ceux qui sont venus en premier sont les promoteurs de la blockchain. Mais si on doit être en mesure de vérifier l’authenticité d’un certificat, ça commence à être compliqué… Le passeport vert et le SVC se basent sur la même technologie, la signature électronique et le partage des certificats de la signature électronique qui ont été utilisés. Notre idée est d’utiliser les mêmes certificats pour l’émission des passeports. Ainsi, on aurait beaucoup moins de changements à faire. Alors que si on met en place une technologie blockchain, cela sous-entend des ressources financières, du temps, et de ne pas utiliser l’existant. Personne ne dit que la technologie blockchain n’est pas bonne. Mais compte tenu de l’urgence à mettre en place une solution qui puisse fonctionner en mode ‘standalone’, c’était la technologie PKI qui correspondait le plus aux besoins.»

PKI, pour «public key infrastructure», ou , qui présente les meilleures garanties de sécurité et de protection individuelle et est déjà en partie en place au niveau mondial.

Parmi les fervents supporters de la blockchain, les Estoniens, qui ont établi leur quartier général de … à Lausanne, où siège l’OMS. Cette semaine, ils ont confirmé que leur technologie serait prête pour la fin du mois d’avril et qu’ils adopteraient le mécanisme imaginé par l’Union européenne dès qu’il serait prêt. La Lituanie a créé sa propre solution en attendant que le système PKI soit opérationnel, et la Finlande, une quatrième afin de compenser l’impossibilité, pour ceux qui doivent voyager, d’effectuer un test, d’avoir son résultat et d’obtenir un certificat dans les 72 heures imposées par ses voisins.

Le Danemark va utiliser son NemID pour pouvoir donner un accès plus large à toute une palette de commerces et de services à ceux qui ne présentent pas ou plus de risques. Et la Suède envisage d’en faire autant.

Israël, une première contestée

Israël, très en avance sur la vaccination pour avoir échangé ses données de santé contre les vaccins, a mis en place, dès le 17 février, un pass vert, valable pour six mois une fois qu’une semaine s’est écoulée depuis la deuxième dose de vaccin, ou jusqu’au 30 juin pour ceux qui ont été infectés puis débarrassés du virus.

: un certificat de vaccination qui permet, selon le site internet du ministère israélien de la Santé, de voyager à l’international; un certificat de guérison; et un pass vert comme un moyen d’accès à une série de lieux désignés par l’État.

La portée est assez limitée au niveau international, ce qui oblige les Affaires étrangères israéliennes à négocier en bilatéral. La Grèce et Chypre sont, pour l’instant, les seuls États à avoir accepté l’entrée de ressortissants israéliens munis d’un pass vert.

Mais le système a de nombreux détracteurs sur le respect de la vie privée.

17 initiatives aux États-Unis

L’administration de Joe Biden est confrontée à un double problème: adopter une solution pour faciliter la vie de millions d’Américains en préservant à la fois la vie privée et la sécurité du dispositif.

Du projet gouvernemental, via les agences qui doivent être mises au diapason, au projet d’IBM dans la ville de New York, 17 projets coexistent pour l’instant.

New York, c’est aussi là qu’a eu lieu une expérience qui risque de mettre nombre de dispositifs en péril: un QR code contenant une injection de code Android, simplement apposé à un pylône, a été scanné 10.000 fois en une demi-journée. Une porte d’entrée vers le contrôle du smartphone.

Là encore, Incert finalise une solution, développée par un de ses 25 experts réunis à Leudelange.

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