Daniela Clara Moraru est la fondatrice de Languages.lu. (Montage: Maison Moderne)

Daniela Clara Moraru est la fondatrice de Languages.lu. (Montage: Maison Moderne)

Daniela Clara Moraru a créé Languages.lu. Dans le cadre du dossier «Female Founders» de Paperjam, elle revient sur son parcours et son expérience en tant que fondatrice.

Daniela Clara Moraru a fondé Languages.lu en 2004. La Romano-Luxembourgeoise est aujourd’hui directrice de la société qui œuvre dans le domaine de la formation, la traduction et l’édition.

Pourquoi avoir décidé de vous lancer et de fonder votre entreprise?

«L’accès au marché du travail en tant qu’employée n’était pas facile en 2003, car j’avais besoin d’un permis de travail (en plus du fait que j’étais apparemment trop qualifiée pour mon âge). Gérer mon entreprise en tant qu’indépendante n’a pas été facile non plus avant l’entrée de la Roumanie dans l’UE, car on me disait que mon entreprise n’avait pas besoin de moi pour fonctionner, c’est-à-dire pas de permis de séjour seulement pour moi,  parce que j’avais une entreprise et des employés. Deux autres raisons: 1) j’étais la seule interprète de conférence pour mes combinaisons linguistiques qui habitait au Grand-Duché; et 2) il n’y avait personne à cette époque-là sur le marché de la formation qui s’intéressait aux besoins de la communauté anglophone ou qui proposait des cours en ligne, ce que j’ai tout de suite fait en 2004.

Quelles sont les qualités nécessaires pour fonder une entreprise?

«À mon avis, fonder une entreprise, c’est assez facile. Par contre, ce qui est difficile, c’est de la maintenir et de rester compétitif dans le temps. Les qualités nécessaires sont: la confiance en soi et en son idée/projet, la résilience, la créativité et la capacité d’apprendre en permanence; comme l’indépendant doit (surtout au début) tout faire – de la femme de ménage au CEO, en passant par le gestionnaire des ressources financières et humaines –, la formation continue est essentielle à mes yeux pour le succès de tout indépendant ou entrepreneur. 

Est-ce que le fait d’être une femme a impacté ou impacte encore votre expérience en tant que fondatrice?

«Oui, les premières années j’entendais souvent des commentaires concernant l’utilisation par les femmes jeunes de leur apparence pour obtenir des contrats, par exemple en mettant des jupes courtes et moulantes. Aussi, pour éviter que je sois visée, j’ai commencé à cacher mon physique et à m’habiller comme une grand-mère; je ne saurais pas vous dire si je l’ai fait consciemment ou inconsciemment. Petite anecdote, le responsable d’une chambre professionnelle importante m’a même demandé si je n’avais pas un ‘sugar daddy’ à Londres, car apparemment ‘je semblais trop confiante’ à beaucoup de personnes.

Pouvez-vous citer un événement ou une date marquante pour votre entreprise?

«En 2009, j’ai décidé que c’était plus important pour moi d’avoir un impact dans la communauté, plutôt que de me payer des dividendes. Aussi, j’ai décidé d’investir les bénéfices de l’entreprise dans l’initiative sociale Inspiring Wo-Men et j’y ai consacré la plupart de mon temps pendant sept ans. Cela m’a permis de mettre en place des projets à haut impact sociétal, en mettant en valeur des modèles féminins de réussite afin d’inspirer d’autres femmes à s’affirmer davantage dans leurs entreprises respectives.

Quelle est votre devise ou quel est le meilleur conseil qu’on vous ait donné?

«Mens sana in corpore sano – c’est important pour moi de régulièrement recharger mes batteries et je suis étonnée par le nombre de personnes dans des fonctions de leadership qui ne savent pas (plus?) le faire. Si je devais choisir un seul conseil, ce serait celui que ma mentor, Erna Hennicot, m’a donné: ‘La crédibilité, c’est comme la virginité, on ne la perd qu’une fois.’

Qu’avez-vous découvert sur le monde du business, ou de manière générale, en devenant fondatrice?

«J’ai créé quatre entreprises dans trois pays différents dans des domaines d’activité divers (tourisme, restauration, etc.) et j’ai beaucoup appris à chaque fois. Si je dois choisir une seule chose: la gestion des ressources humaines et financières est le défi auquel un fondateur se confronte dans n’importe quel domaine d’activité et n’importe quel pays dans lequel il choisit de créer son entreprise/organisation. 

Avez-vous une autre activité en parallèle de votre entreprise?

«Je suis en train de faire un doctorat sur un thème lié aux travailleurs indépendants du Luxembourg; en même temps, je suis secrétaire du club Rotary Luxembourg-Kiem, membre du CA de l’asbl Actioun Letzebuergesch, eis Sprooch et présidente de la nouvelle asbl Union des indépendants. J’anime également un groupe (pour l’instant informel), Politics for all, qui milite pour une meilleure représentativité dans la politique.

Quels sont vos projets et vos ambitions pour l’avenir?

«En 2020, je préparais la vente de Languages.lu à quatre de mes collaborateurs. La pandémie a changé complètement la situation et je n’ai pas pu finaliser la transmission de l’entreprise. Ce serait cela mon ambition, de pouvoir la transmettre à quelqu’un d’aussi passionné que moi par l’éducation. Cette année, Languages.lu fête ses 20 ans. Comme j’adore innover, mettre en place de nouveaux projets, imaginer et implémenter la stratégie de développement de A à Z, je gère toujours des projets, même si je préfère la partie stratégique à la partie exécution. Cette année, nous allons lancer une nouvelle application mobile dont le contenu sera développé par nos formateurs et apprenants adultes sur le thème de l’identité et des valeurs européennes. Cela fait partie d’un projet de deux ans cofinancé par l’Union européenne dans le cadre duquel nous avons comme partenaire le centre Europe Direct de Rome, en Italie. En complément de l’application, qui est axée sur la compréhension orale et écrite des langues, nous allons organiser 15 événements pour permettre aussi à nos apprenants d’avoir des interactions orales. Par exemple, le 18 janvier, nous organisons avec l’asbl d’Bréck une table ronde intitulée ‘Le multilinguisme dans la politique au Luxembourg et en Europe’, qui sera suivie par une soirée vin et fromage.»

Cet article a été rédigé pour l’édition magazine de Paperjam paru le 28 février 2024. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.  

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