Rebranding bouclé et nouveau modèle d’entreprise intégré, Damien Chasseur souhaite maintenant ouvrir la notoriété du groupe Collaboration Betters the World (CBTW) au grand public. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Rebranding bouclé et nouveau modèle d’entreprise intégré, Damien Chasseur souhaite maintenant ouvrir la notoriété du groupe Collaboration Betters the World (CBTW) au grand public. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Fondateur et partner de CBTW, Damien Chasseur s’est lancé un peu par hasard dans la tech il y a une dizaine d’années. Le voici aux commandes d’un groupe mondial de 3.000 collaborateurs, générant 300 millions d’euros de revenus.

Puisque ça nous démange, on commence par là… Pourquoi ce nom, Collaboration Betters the World (CBTW)? De prime abord, c’est une appellation qui peut dérouter!

. – «Vous trouvez? Il s’agit, depuis des années, de la baseline du groupe. Alors quand s’est posée la question d’un changement de nom, lors du rebranding opéré fin 2022, cela a été facile. Car le nom, on l’avait. La collaboration améliore le monde, c’est une conviction chez nous. On a donc gardé cet élément, le why. Et puis… LVMH, qui sait ce que cela signifie? On n’a pas la prétention de devenir aussi connus, bien sûr, mais si on se souvient de notre nom, CBTW, et que le public comprend ce que l’on fait dans la tech – c’est-à-dire du cloud, de la cybersécurité, du développement, de l’application, de la gouvernance, etc. –, on sera sur le bon chemin. 

Retraçons vos débuts. Vous rapportez que tout a démarré au Kirchberg dans un bureau isolé, sans âme ni fenêtre. Légende ou réalité?

«Au lancement de CBTW, fin 2014, chacun des trois associés a apporté son histoire. Moi, cela a été avec une société du nom d’Adneom, fondée en 2011. J’ai démarré seul dans un espace partagé, avec un bureau sans fenêtre, en effet. Il y a plein d’anecdotes… On est arrivé avec notre imprimante, notre cafetière, et pour ne pas avoir à régler les 50 euros que coûtait une salle de réunion, on avait trouvé une parade autour d’une petite table installée dans un couloir. Comme d’autres boîtes ont commencé à nous imiter, on s’est fait virer. Et il a fallu trouver un autre bureau. Boulevard Prince Henri. Cent mètres carrés. Formidable. La boîte prenait forme.

Quand on se lance ainsi, qu’est-ce qui compte le plus? Le premier client ou le fait que la boîte «prenne forme», comme vous dites?

«Je peux vous dire que je me souviens parfaitement du premier client. Du premier salarié recruté. Et de ce que je lui avais raconté…

Et vous lui aviez raconté quoi?

«Lorsque tu es entrepreneur, tu veux toujours faire croire que tu es plus gros que tu ne l’es en réalité. Je me disais: «Est-ce que, vraiment, il va me suivre s’il sait que je suis tout seul?» Bon, finalement il m’a suivi. J’ai seulement contourné la réalité, ce n’était pas un gros mensonge. Ce collaborateur est toujours présent dans le groupe, d’ailleurs.

À l’époque, quel était le périmètre d’Adneom?

«C’était une société tech, déjà: les clients ont besoin d’être sur leur projet, ils ont un pic d’activité, ils n’ont pas envie de recruter, on leur met la compétence spécifique à disposition… Le modèle de beaucoup de sociétés dans la tech, en fait. On n’avait absolument rien inventé. Pour se différencier, il y avait le côté feel good, transparence et proximité avec les consultants… J’avais 28 ans, cette envie de créer. Une entreprise. De la valeur. Je n’ai pas eu peur, je n’ai jamais paniqué.

«J’ai démarré seul dans un espace partagé, avec un bureau sans fenêtre. 
Damien Chasseur

Damien Chasseurfondateur et partnerCBTW

Parce que vous étiez fait pour ça?

«Va chercher tes clients, recrute les profils que tu as envie d’avoir dans ta business unit… Je n’aime pas le terme d’«entrepreneur», il est galvaudé. Mais j’étais séduit par cette idée de liberté et par le fait d’avoir plusieurs casquettes. J’avais envie d’essayer. Ce que j’ai fait. Et cela a marché.

Pourquoi l’option de la tech?

«Complètement par hasard. Je sortais de l’ICN Business School, à Nancy. On m’a recruté dans une entreprise française, Altran, et il s’est avéré que non seulement je n’étais pas mauvais, mais qu’en plus, cela me plaisait.

Votre groupe pèse aujourd’hui 300 millions d’euros de chiffre d’affaires et environ 3.000 salariés dans une vingtaine de pays à travers le monde. C’est allé vite, non?

«C’est allé vite, oui. Notre vraie chance, c’est que notre trio est très complémentaire. Moi, par exemple, je ne regarde jamais derrière. Je n’oublie pas le passé, mais je l’efface. Pourtant, cela fait du bien de se retourner de temps en temps. Sans quoi, on en veut toujours plus, on est vite grisés. On a connu des années où tu fais fois 2, fois 3, ou fois 4, et cela paraît normal. Alors que pas du tout. C’est bien de s’en rendre compte. Ne serait-ce qu’en prévision des moments où cela se passerait moins bien.

Damien Chasseur: «Notre empreinte est aujourd’hui globale, il y a de la fierté à être un groupe mondial indépendant. Et je suis également assez fier, oui, de dire à l’extérieur que le groupe a démarré au Belux.» (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Damien Chasseur: «Notre empreinte est aujourd’hui globale, il y a de la fierté à être un groupe mondial indépendant. Et je suis également assez fier, oui, de dire à l’extérieur que le groupe a démarré au Belux.» (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

À quoi ressemble votre trio?

«Moi, je suis la personne exigeante, celui qui met en place le modèle auquel on a réfléchi ensemble, mais qui ne vient pas forcément de moi. Je comprends rapidement ce que l’on m’explique et, une fois que j’ai adhéré, ça déroule encore plus vite que chez celui qui a eu l’idée. Je peux râler. Beaucoup. Mais c’est mon caractère, il n’y a rien de méchant. Et j’essaie de moins râler. Jeremy Jacquet, le CEO, a davantage une vision de groupe. Quant à Yann Louise, il intervient sur d’autres aspects, avec une implication sur la partie sustainability. Un sujet à plein temps. Deux associés nous ont rejoints l’année dernière: un country leader pour la zone Asie-Pacifique, un autre pour la zone Amérique.

Comment se prennent les décisions entre vous?

«Cela va très vite, là aussi. Chaque mois, on a un board sur l’opérationnel. Je n’ai pas souvenir de gros points de désaccord. Pendant 10 ans, je me suis demandé si c’était possible. Maintenant, honnêtement, je dors super tranquille. On est amis, je ne vois pas pourquoi cela changerait.

Vous avez opéré un rebranding, à la fin de l’année 2022. Qu’est-ce que vous recherchiez?

«Comme je l’ai dit, on s’est développés très vite, de matière organique, en réinvestissant tout ce que l’on a gagné. On ne s’est jamais versé de dividendes. En a résulté beaucoup de cash, ce qui nous a permis de faire de la croissance externe. Les premières acquisitions ont été rock’n’roll. Tout cela a fait que l’on en était arrivés à 19 marques différentes. On s’est pris pour des autres… même nous, on s’emmêlait les pinceaux! Décision a été prise de simplifier, en passant à six marques, avec la création de Positive Thinking Company. Une étape très importante.

Sur le modèle de Coca-Cola, avec la société mère et la société fille portant le même nom. Mais même là, on s’est rendu compte que ce n’était pas lisible, il y avait des silos. CBTW est né ainsi. Un travail de titans, guidé par cette question: «On est bourrés de bonnes ressources, mais les utilise-t-on toutes à bon escient?» Depuis la création de CBTW, on prêche la bonne parole, à l’extérieur et en interne. Tout le monde dans la tech nous identifie, mais j’aimerais bien vulgariser et expliquer de manière super simple ce que l’on fait.

On a connu des années où tu fais fois 2, fois 3, ou fois 4, et cela paraît normal. Alors que pas du tout.
Damien Chasseur

Damien Chasseurfondateur et partnerCBTW

Comment vous présentez-vous à l’international? Vous revendiquez vos racines luxembourgeoises?

«Notre empreinte est aujourd’hui globale, il y a de la fierté à être un groupe mondial indépendant. Et je suis également assez fier, oui, de dire à l’extérieur que le groupe a démarré au Belux. Après, on peut préciser qu’il y a une holding au Luxembourg, mais cela biaiserait le regard des gens. On a commencé la substance et le business ici, avant qu’existe cette holding.

Était-ce seulement imaginable, en 2011, depuis votre petit bureau borgne sans table de réunion du Kirchberg, d’être un jour actif dans une vingtaine de pays?

«Je ne sais pas si ça l’était. Sur le moment, on regardait davantage au plan local et européen. C’est d’ailleurs ce qui a fait la force du groupe: tout en ayant une empreinte mondiale, on dispose d’un authentique ancrage local. On compte 150 salariés au Luxembourg, mine de rien. Cela fait de nous un acteur du marché de l’emploi.

Ancrage que vous dupliquez partout où s’implante CBTW?

«On a tendance à l’oublier, mais notre métier est fondé sur l’humain. Donc il faut être au contact de ses employés et de ses clients.

Comment sont organisées vos équipes?

Ce sont des tech. CBTW compte aujourd’hui neuf service lines. On crée, on développe, et on vend des solutions tech et business. Trois leviers pour ce faire. Un: les partenariats, et c’est passionnant de découvrir ce métier d’intégrateur. Deux: l’ensemble des solutions développées en interne au fil des projets qui ont été les nôtres, packagées pour nos clients. Trois: la partie consulting, pour les clients ne souhaitant pas une solution existante, mais qui demandent que l’on tune ce qu’ils ont déjà, et à qui on met à disposition des équipes avec des engagements de résultats.

Damien Chasseur: «En vérité, on fonctionne de manière «opportunistique». Il y a un calcul à faire entre le temps passé sur un appel d’offres et le retour sur investissement.» (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Damien Chasseur: «En vérité, on fonctionne de manière «opportunistique». Il y a un calcul à faire entre le temps passé sur un appel d’offres et le retour sur investissement.» (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Quid de la commande publique?

«On travaille avec l’État luxembourgeois, avec de belles références. Mais pas avec les institutions européennes pour le moment. Un business à part, qu’il faut connaître. Cela a été un choix au début. Je n’avais pas le temps de m’y consacrer, je suis allé au plus efficace. En vérité, on fonctionne de manière ‘opportunistique’. Il y a un calcul à faire entre le temps passé sur un appel d’offres et le retour sur investissement.

Au Luxembourg, Accenture qui rachète Arhs Group, c’est un concurrent pour vous…

«Ce n’est pas un secret, les Big Four, les gros cabinets comme Accenture ou les fonds d’investissement ont plein d’argent en ce moment. Ce qu’il y a de bien pour nous, c’est que l’on se situe dans un moment où l’on a tout ce que certains fonds recherchent: un nom, la présence internationale, etc. Mais aujourd’hui, il n’y a rien de concret.

Vous regardez ce qu’il se passe?

«Nous, on ne regarde pas. En revanche, on nous regarde.

Cela revient à dire que vous avez déjà eu des approches?

«On est un acteur qui commence à devenir important. Pourquoi pas…

L’intelligence artificielle, c’est un enjeu?

«Le Luxembourg ne sera pas précurseur dans ce domaine, et c’est tant mieux. Comme d’habitude, le pays va attendre de voir ce qu’il se passe, avant de s’adapter. L’IA est un moyen de faire parler de soi, mais je ne sais pas si tu te différencies en te positionnant dans le lot de tous ceux qui proposent quelque chose en ce moment.

Comment s’articule votre stratégie ESG?

«C’est un métier à plein temps. Pour travailler sur les véhicules, les trajets, la sensibilisation… Mais je ne suis pas la meilleure personne pour en parler. J’ai un petit côté rebelle qui fait qu’à chaque fois que l’on m’impose quelque chose, j’ai du mal à l’appliquer. Je laisse gérer ça. J’ai besoin de comprendre la logique des choses pour les mettre en place, et aujourd’hui j’ai l’impression que c’est un nice to have.

Qu’en est-il du «toujours plus» que vous avez évoqué tout à l’heure, en matière d’expansion à l’international?

«Ce «toujours plus «a changé. On a cons­cience de notre potentiel désormais et, en matière de communication externe, on est plus sûrs de ce que l’on sait faire. Le «toujours plus», aujourd’hui, porte donc davantage sur la manière de collaborer avec les clients. La course à l’affichage de 20 ou 25 pays de présence à travers le monde n’a plus lieu d’être. On va moins chercher à tout prix à obtenir un plus grand nombre de clients, plutôt à développer les existants. En résumé: faire un peu mieux avec un peu moins de clients.

Le marché américain constitue-t-il un graal?

«On y est présents. Mais ce n’est pas un rêve. Honnêtement, non. En revanche, il faut y être. Comme il faut être en Asie. Quand on souhaite avoir une empreinte globale telle que la nôtre, c’est indispensable. Sans cela, on n’est pas considérés.

À titre personnel, vous êtes-vous déjà fixé une deadline? Au vu de votre tempérament, on peine à imaginer que vous allez rester dans ce business éternellement…

«C’est sûr, l’humain n’est pas ce qu’il y a de plus reposant, il y a beaucoup de service après-vente. Mais ce qui me comble, c’est ce que j’ai appris. Si je n’avais pas été aux côtés de mes associés et amis, j’aurais peut-être abandonné avant. Dans les coups durs, on s’est épaulés. Je ne sais pas si je ferai ça toute ma vie, j’aime avoir des petits trucs à côté. L’hôtellerie m’intéresse, par exemple. Mais mon métier premier est CBTW. Et l’on a encore des choses à accomplir.»

Unusual?

C’est sa toute première interview dans un média national. Groupe mondial d’environ 3.000 salariés, CBTW s’appuie sur un nouveau modèle conçu autour d’un pool de marques réduit pour davantage de lisibilité. «Un travail de titan», résume le dirigeant, toujours en prise avec l’opérationnel puisqu’il a en charge les marchés luxembourgeois et allemand. Ambition de cette mue: gagner encore en rentabilité, en augmentant les marges, ainsi qu’en notoriété aux yeux du grand public.

CBTW monte au filet

Passionné de sport, Damien Chasseur l’est plus particulièrement de tennis, qu’il pratique à un respectable niveau. Avec une préférence pour les gauchers, apparemment. Un immense portrait du fantasque John McEnroe orne son bureau du centre-ville de la capitale, et l’ancien n°5 mondial Henri Leconte compte au nombre de ses amis chers.

Récemment, CBTW a d’ailleurs posé une première semelle sur les courts en développant l’appli mobile du tournoi de Paris-Bercy, une épreuve classée dans la catégorie des Masters 1000, la plus prestigieuse après les quatre levées du Grand Chelem. Prochaine étape, Roland-Garros? «Le vrai kiff, c’est d’allier ses passions et notre activité. Je suis très proche de la Fédération française de tennis. Il y a d’autres tournois qui nous ont sollicités. On n’a pas vocation à être B2C, mais quand même… J’aimerais bien étendre ce que l’on a fait à d’autres rendez-vous», répond celui qui nourrit également le projet d’aider à la reconversion de sportifs à l’issue de leur carrière.

Cet article a été rédigé pour l’édition magazine de Paperjam paru le 24 avril 2024. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.  

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