Marie Thibout est senior economist & strategist chez Mirabaud Asset Management (Suisse) SA et Bertrand Schmeler est head of wealth management pour Mirabaud & Cie Luxembourg. (Montage: Maison Moderne)

Marie Thibout est senior economist & strategist chez Mirabaud Asset Management (Suisse) SA et Bertrand Schmeler est head of wealth management pour Mirabaud & Cie Luxembourg. (Montage: Maison Moderne)

Les élections américaines introduisent des éléments d’incertitudes sur le court terme, mais une reprise cyclique qui favoriserait les actifs risqués reste le scénario le plus probable à moyen terme.

Le ralentissement est à l’œuvre

Le ralentissement de l’économie américaine se matérialise après un début d’année très résilient, l’économie européenne est en pleine stagnation. Les inquiétudes des banquiers centraux se déplacent de l’inflation vers l’emploi, avec la modération des pressions inflationnistes qui se fait de plus en plus visible. En zone euro, l’inflation est même repassée en dessous de l’objectif de la banque centrale européenne (BCE) pour la première fois depuis plus de trois ans. Aux États-Unis, l’inflation est très proche de l’objectif de la Réserve fédérale (Fed). Ces éléments permettent aux banquiers centraux de pouvoir adapter leurs discours et leur laissent de la marge pour baisser leurs taux directeurs.

En effet, malgré le pivot monétaire déjà entamé dans la plupart des pays développés, le niveau des taux directeurs reste élevé et largement au-dessus de leurs niveaux neutres qui permettent en théorie à l’activité de croître à son potentiel, sans pression inflationniste. Les banques centrales ont donc une marge de manœuvre importante avant d’atteindre ces niveaux neutres, et les baisses de taux à attendre d’ici la fin d’année 2025 restent conséquentes. 

Un rebond cyclique reste le scénario le plus probable à moyen terme

Alors que le cycle manufacturier mondial continue de se contracter, le retour des taux directeurs sur leur niveau neutre, voire en dessous pour l’Europe, permettra de relancer le crédit et l’investissement dans le secteur dès le milieu d’année prochaine. Ce rebond du cycle manufacturier aura un effet d’entrainement sur le secteur des services et permettra d’entretenir un nouveau cycle économique porteur. Les pressions inflationnistes devraient continuer de se modérer jusqu’à la mise en place de la reprise économique.

Cet environnement sera vraisemblablement porteur pour les actifs risqués à moyen terme. En premier lieu pour les actions, à travers une amélioration des bénéfices. Les secteurs cycliques et les titres décotés devraient en particulier tirer leur épingle du jeu. Les petites et moyennes capitalisations également, très sensibles au cycle mondial et bénéficiant d’un potentiel de rattrapage important.

L’activité économique sera également un élément de soutien pour les matières premières énergétiques, ainsi que pour les métaux industriels dans le cas où la relance fiscale chinoise permettrait en parallèle de stopper la contraction de l’investissement immobilier. L’or devrait continuer de profiter de la baisse des taux réels et d’une demande des banques centrales émergentes qui restera importante du fait des tensions géopolitiques mondiales.

Au sein de la poche obligataire, le ralentissement actuel couplé à la désinflation est favorable aux actifs souverains, mais à moyen terme, la reprise de la croissance pénalisera cette classe d’actifs. A contrario, un tel environnement serait plus profitable pour le crédit de qualité et le haut rendement, bien que les écarts de crédit soient sur des niveaux déjà faibles.

Risques liés au scénario et potentiels impacts des élections américaines

Des risques par rapport à ce scénario central ne peuvent être totalement écartés: un atterrissage brutal de l’économie américaine après le maintien des taux directeur de la Fed sur des niveaux élevés par exemple, ou encore un scénario de reprise forte des pressions inflationnistes dans le cas où le conflit au Moyen-Orient s’amplifierait et entraînerait une hausse du prix du pétrole. Enfin, les élections américaines en novembre rendent certains éléments incertains.

Ainsi, une victoire de D. Trump à la présidentielle et un contrôle des deux chambres du Congrès par les républicains pourraient relancer les pressions inflationnistes avec une hausse du déficit public et une hausse des droits de douane. Ces éléments pourraient peser sur les actifs émergents mais potentiellement aussi sur l’Europe en cas d’extension des tensions commerciales à l’Union européenne. La reprise des pressions inflationnistes serait également négative pour les obligations souveraines américaines et pourrait contraindre le mouvement de baisse de taux de la Fed. Ces dernières souffrent d’ailleurs déjà en amont des élections, depuis la forte hausse des probabilités associées à ce scénario de balayage républicain selon les pronostics des plateformes de paris. Une victoire de K. Harris couplée à un contrôle du Congrès par les démocrates (scénario relativement peu probable) pourrait plutôt peser sur les actions américaines en cas de hausse des taux d’imposition sur les sociétés, mais serait à contrario un soulagement pour les actifs émergents.

En cas de division au Congrès américain entre républicains et démocrates, les impacts des élections américaines sur l’activité et les marchés financiers seraient limités, ce qui permettrait la mise en place du scénario de reprise cyclique à moyen terme tel qu’évoqué ci-dessus.