Les sourires des militaires se sont figés. Il restait une minute du premier exercice dans le cadre de l’inauguration de la Cyber Range de la Défense luxembourgeoise. Par les vitres du Cybersecurity Competence Center – le C3 –, la pluie tombe. Sur l’écran, l’équipe du GovCert vient damer le pion à une équipe mixte de militaires et de civils, venus de l’Otan, de la Commission européenne et d’Excellium (une société luxembourgeoise du domaine de la cybersécurité).
L’issue rappelle qu’en matière de cyberguerre – comme dans le monde sportif –, rien n’est joué tant que le match n’est pas terminé. Assis au premier rang, le général Steve Thull, chef d’état-major de l’armée, fait contre «mauvaise» fortune bon cœur. «Une jeune femme pour qui nous avons fait tout ce que nous pouvions pour l’accueillir à Diekirch afin d’effectuer son master a rejoint l’équipe du GovCert, symbole que les militaires et les civils collaborent parfaitement dans le domaine de la cybersécurité.»
La jeune femme, bien rodée aux codes, refuse toute interview. Même si les équipes acceptent qu’on les photographie, pas question de prendre les noms. Cela les désigne automatiquement comme des cibles, souffle un expert.
Une technologie estonienne
Car l’entraînement qui sera dispensé de plus en plus régulièrement aux militaires en termes de cybersécurité et de cyberdéfense s’adresse à des gens pointus, de mieux en mieux formés et aux profils rares. L’armée en a trois dans sa cellule de cyberdéfense à Diekirch, deux autres dans le GovCert, l’institution en charge de la cybersécurité des installations critiques et des administrations de l’État. Et elle en cherche déjà trois autres pour monter en puissance progressivement.
La quinzaine de personnes – dont une seule femme – qui a pris part à ce premier exercice au Luxembourg a dû répondre à une série de challenges en trois phases. Chaque résolution de problème apporte ses points. Le vainqueur gagne, les perdants apprennent. Comme l’explique l’expert du ministère en matière de cyberdéfense, Ben Fetler, «ils ont dû par exemple retrouver le code d’un logiciel malveillant dans un code» informatique. Une version moderne de l’aiguille dans la botte de foin.
Le ministre, lui, rappelle que ce nouveau dispositif d’entraînement à la cyberguerre s’inscrit dans et avait été annoncé l’an dernier. «La société est de plus en plus digitalisée, ce qui a beaucoup d’avantages mais présente aussi de plus en plus de risques. Il nous faut former ces experts qui sauront comment nous protéger. La Cyber Range, c’est un peu comme un simulateur de vol pour les pilotes. Ça aide à l’entraînement, à s’habituer à faire face à tous les scénarios et à tester les processus de défense déjà en place.»
La plateforme s’appuie sur la technologie des Estoniens de Cybexer «parce qu’ils ont remporté l’appel d’offres de la NATO Support and Procurement Organisation», explique le ministre.
Pour le chef d’état-major de l’armée, , «il s’agit de gagner la guerre avant la guerre». Les militaires sont-ils plus forts que les civils parce qu’entraînés à affronter des situations de stress extrême? «Il faut travailler la résilience, mettre les équipes et les systèmes au niveau. Mais cela va bien plus loin que la dimension cinétique, dans les équipes tactiques, il y a d’autres fonctions. Par exemple, si une attaque porte sur une structure médicale, que cela pose un problème de santé publique, des problèmes à des patients, il faut pouvoir y faire face avec autorité et organisation, en collaboration avec nos voisins. Dans le calme. Planifier sans stress.»