Solenne Laurent, Avocate, Junior Associate au sein de CASTEGNARO-Ius Laboris Luxembourg (Photo: CASTEGNARO-Ius Laboris Luxembourg)

Solenne Laurent, Avocate, Junior Associate au sein de CASTEGNARO-Ius Laboris Luxembourg (Photo: CASTEGNARO-Ius Laboris Luxembourg)

Dans le cadre de l’appréciation d’un licenciement motivé, entre autres, par un cumul d’emplois, la Cour d’appel a récemment rappelé les règles relatives à l’exercice d’une activité accessoire par le salarié à côté de son activité principale.

L’affaire jugée concerne un ouvrier communal licencié avec préavis en date du 2 août 2017 pour différentes fautes, dont notamment celle d’avoir exercé une activité accessoire auprès d’une entreprise de transport par autobus, alors même que la demande y afférente lui avait été refusée à deux reprises par son employeur.

Le salarié a saisi le Tribunal du travail car il estimait que le licenciement devait être considéré comme abusif et qu’il avait droit au paiement d’arriérés de salaire pour la période correspondant à son préavis de quatre mois, dont il avait été dispensé d’exécution.

Le Tribunal du travail ayant rejeté ses demandes, l’affaire a été portée devant la Cour d’appel.

Quant à la validité du licenciement pour cumul d’emplois non autorisé

La Cour d’appel a (i) confirmé le caractère justifié du licenciement, (ii) affirmé, contrairement au Tribunal du Travail, que l’employeur peut invoquer comme motif à la base du licenciement un fait avoué par le salarié au cours de l’entretien préalable, et (iii) précisé sous quelles conditions le cumul d’emplois doit être notifié à l’Inspection du travail et des mines (ITM).

(i)  En l’espèce, le salarié s’était vu refuser par son employeur l’exercice d’une activité accessoire à hauteur de 10 heures par semaine à côté de son activité principale, au motif qu’il était engagé à raison de 40 heures par semaine, et que dans le cadre du plan d’organisation du travail mis en place, il travaillait à des horaires irréguliers et qu’il n’était pas exclu qu’il doive prester des heures supplémentaires. L’employeur estimait donc que les horaires de travail du salarié seraient devenus ingérables avec une activité parallèle.

Dans ces circonstances, la Cour a considéré que le cumul d’emplois exercé par le salarié malgré le refus de l’employeur réitéré à deux reprises était un motif valable de licenciement.

(ii) Selon la Cour, ce motif pouvait valablement être invoqué par l’employeur malgré le fait que ce dernier l’ait découvert au cours de l’entretien préalable, étant donné qu’en l’espèce, «la question de l’activité accessoire a été débattue lors de l’entretien préalable, que le salarié a eu la possibilité de s’exprimer et qu’il a avoué avoir accepté un deuxième travail, nonobstant le refus [de l’employeur. Ce dernier] était ainsi en droit d’invoquer ce motif à la base du licenciement

(iii) Enfin, la Cour a rappelé dans cet arrêt que le salarié cumulant son emploi salarié avec un ou plusieurs emplois salariés est obligé de notifier à l’ITM les emplois occupés, lorsque sa durée normale de travail excède 40 heures par semaine du fait de ce cumul. Or en l’espèce, du fait du cumul, la durée normale de travail du salarié excédait 50 heures par semaine. Pour autant, la Cour a relevé que le salarié n’avait pas notifié les emplois occupés à l’ITM.

Si le cumul d’emplois salariés est possible, il est donc toutefois nécessaire que le salarié concerné respecte les conditions suivantes:

-       exécuter loyalement le contrat de travail. En l’espèce, l’arrêt ne précise pas si une clause d’exclusivité interdisant tout autre emploi était prévue ou non au contrat de travail, c’est le fait d’avoir exercé l’activité parallèle malgré le refus réitéré de l’employeur qui a été retenu (entre autres) comme motif de licenciement;

-       notifier le cumul d’emploi à l’ITM si la durée normale de travail dépasse alors 40 heures par semaine. À ce titre, le salarié qui ne respecte pas cette obligation s’expose à une amende de 251 à 5.000 euros.

Quant à l’impact du cumul d’emplois sur la rémunération du salarié pendant le préavis

Le salarié réclamait également à l’employeur le droit au paiement d’arriérés de salaire pendant son préavis, dont il avait été dispensé d’exécution, alors que l’employeur considérait ne lui devoir que l’éventuel complément différentiel entre son ancien salaire et celui touché auprès du nouvel employeur.

En effet, l’article L.124-9 alinéa 3 du Code du travail prévoit notamment que : « le salarié bénéficiaire de la dispense de travailler est autorisé à reprendre un emploi salarié auprès d’un nouvel employeur ; en cas de reprise d’un nouvel emploi, l’employeur est obligé, s’il y a lieu, de verser au salarié, chaque mois pour la durée de préavis restant à courir, le complément différentiel entre le salaire par lui versé au salarié avant son reclassement et celui qu’il touche après son reclassement (…) ».

Or, en l’espèce, de l’aveu-même du salarié, ce dernier avait exercé une activité pour le compte d’un autre employeur pendant toute la durée de son préavis, et l’avait même débutée avant le commencement du préavis, puis continuée au-delà.

Dans ces conditions, et après avoir constaté que le salarié ne rapportait la preuve ni de l’accord de son employeur ni de la notification de ce cumul d’emplois à l’ITM conformément à son obligation légale, la Cour a considéré que le travail accessoire exercé par le salarié pendant le préavis était « à considérer comme la reprise d’un emploi pour un nouvel employeur ».

Par conséquent, la Cour d’appel a non seulement refusé au salarié le paiement d’arriérés de salaire pendant le préavis par son ancien employeur, mais a également fait droit à la demande reconventionnelle de ce dernier de se voir rembourser par le salarié les salaires payés en trop pendant le préavis.

A cet égard, la Cour rappelle que le but poursuivi par l’article L.124-9 du Code du travail « est de ne pas entraîner, pendant la durée du préavis assorti de la dispense de travail, de diminution de salaires ou autres avantages, auxquels le salarié licencié aurait pu prétendre s’il avait travaillé.  Il ne lui est toutefois pas interdit de reprendre un emploi auprès d’un nouvel employeur ou de travailler pour un autre employeur. »

Par cet arrêt, la Cour précise un peu plus les contours de la notion de « nouvel employeur », dans le cadre de la reprise d’un nouvel emploi pendant le préavis.

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Cour d’appel, arrêt du 29 avril 2021 n° CAL-2020-00347 du rôle

Article L.213-1 du Code du travail

Article L.213-2 paragraphe (1) du Code du travail