Même si aucune institution culturelle n’a encore fait de communication officielle à ce sujet, les préoccupations énergétiques sont bien une réalité pour chacune d’entre elles. Au même titre que les entreprises ou les particuliers, les institutions culturelles doivent également faire face à l’augmentation des prix de l’énergie, ce qui n’est pas sans interpeller ces structures. Un enjeu d’autant plus important que toutes les institutions culturelles ne sont pas logées dans des bâtiments neufs et doivent souvent conjuguer avec des bâtiments moins isolés et aux volumes importants.
Pour autant, chacun est appelé à mettre en place des mesures pour répondre à la stratégie nationale de réduction de la demande d’énergie. Mais ceci participe également à une démarche plus large de responsabilité environnementale des institutions culturelles, qui ne sont pas nécessairement les bons élèves en la matière. La question du patrimoine et du développement durable est d’ailleurs le sujet des .
Le challenge des bâtiments anciens
À la Kulturfabrik, qui sont d’anciens abattoirs, les frais d’énergie avaient déjà bondi de 48% entre 2020 et 2021, passant de 47.391€ à 70.942€. Les frais de gaz ont augmenté de 20.533€ (66.145Nm3/h) en 2020 à 43.835€ (84.341Nm3/h) en 2021. Et les premières factures en 2022 s’élevaient à des sommes records: 14.013€ en janvier et 13.251€ en février. Un constat qui montre bien qu’il faut agir rapidement. Pourtant, l’institution met déjà en œuvre plusieurs mesures prévues dans et un groupe de travail interne s’occupe à veiller à son application et à sa pertinence au quotidien. Toutefois, des mesures supplémentaires sont d’ores et déjà décidées: pas de chauffage radiant sur la terrasse du Ratelach, tous les radiateurs au maximum sur 2, pas de chauffage dans les zones de passage, plus d’éclairage coloré en LED dans la cour après 1h et installation de détecteurs de mouvement pour la lumière dans les couloirs, la cave et les toilettes.
Aux Rotondes, la plus grande consommation en énergie concerne le chauffage de la Rotonde 1, qui est chauffée par le sol, et donc avec un important temps de latence. «La solution d’éteindre ponctuellement le chauffage par exemple, comme cela a été proposé dans des structures à l’étranger, ne fait ici pas de sens d’autant plus que les événements sont répartis tous les jours», explique Arnaud Mouriamé, responsable de la communication. Ils veilleront donc à chauffer de manière raisonnée et invitent le personnel à se vêtir chaudement. «Le pull scandinave sera remis à la mode cet hiver aux Rotondes», écrit non sans humour Arnaud Mouriamé. De plus, les radiateurs seront mis en veille dans les espaces communs après leur utilisation, une surveillance de la température générale via des thermomètres sera appliquée et l’extinction systématique des ordinateurs en dehors des heures de bureau de rigueur.
Le Casino Luxembourg, quant à lui, a réfléchi à un ensemble de mesures qui sont applicables sur le court et le long terme. Logée dans un bâtiment historique peu isolé, l’équipe du centre d’art a sollicité l’Administration des bâtiments publics pour les aider à trouver une solution adaptée. Une température constante sera toutefois appliquée à l’ensemble du bâtiment. En ce qui concerne l’électricité, des investissements en éclairage LED ont déjà été réalisés en 2020-2021 dans les espaces d’accueil et d’exposition. Dans les bureaux, c’est une utilisation responsable et raisonnable des éclairages et des outils informatiques qu’il est demandé de pratiquer. Un dernier point d’attention porte sur l’encouragement aux équipes d’utiliser le plus possible les transports en commun et la mobilité douce pour leurs déplacements. Toutefois, le Casino assure que ces mesures pourront être évolutives et dépendront de la stratégie nationale mise en place dans ce contexte.
La Ville de Luxembourg a annoncé les mesures à suivre pour les établissements placés sous sa responsabilité (Villa Vauban, Lëtzebuerg City Museum, Cercle Cité, Grand Théâtre, Théâtre des Capucins, Cinémathèque – tous logés dans d’anciens bâtiments restaurés). Dans les théâtres, la température habituellement de 19°C passera à 18°C (économie de 6%) et elle ne sera que de 17°C dans les musées et les centres d’art (économie de 12%). Des mesures qui doivent toutefois être sous surveillance et corrélées avec le taux d’humidité pour que les œuvres d’art ne s’endommagent pas. Dans les salles d’exposition, les éclairages LED sont aussi généralement adoptés.
Pour les bâtiments neufs ou restaurés
Le Mudam est logé dans un bâtiment neuf, mais les frais de chauffage ont déjà, à plusieurs reprises, été pointés du doigt. D’une manière générale, le musée travaille à équiper progressivement le bâtiment de systèmes à faible consommation. Grâce à un travail mené avec l’Administration des bâtiments publics, le réglage du taux de renouvellement de l’air, la modification des horaires de nuit ainsi que l’installation de moteurs plus économiques ont permis de rationaliser la consommation au niveau du système de ventilation. Depuis le printemps, ils poursuivent une analyse du système de climatisation du musée toujours avec l’objectif de réduire au maximum la consommation énergétique. C’est ainsi qu’aujourd’hui, le musée enregistre une réduction d’énergie de 15%. Par ailleurs, la modernisation des installations sanitaires a permis de réduire la consommation d’eau. Comme ailleurs, l’éclairage est progressivement en LED et réduit au maximum pendant la nuit, et les membres de l’équipe sont appelés à adopter les bons gestes au quotidien.
Le Kinneksbond, centre culturel de Mamer, logé dans un bâtiment communal, suivra les recommandations de sa municipalité (température à 20°C, limite des éclairages des bâtiments au minimum de sécurité) en y ajoutant une gestion quotidienne écoresponsable, notamment pour l’extinction du parc informatique, l’utilisation de LED, en empruntant les transports publics, consolidant les tournées et évitant les dates isolées…
À la Philharmonie, les conditions sont plus spécifiques: «À cause de la présence des instruments, notamment de l’orgue dans la grande salle, nous devons garder une température et un niveau d’humidité fixes», explique Laurent Watgen, responsable du service technique. C’est ainsi que les salles de spectacles doivent être à 21,5°C et avec un taux d’humidité allant de 50 à 60%. «Toutefois, la gestion des énergies est un sujet qui nous préoccupe depuis plusieurs années, explique Laurent Watgen. Nous avons deux gros postes pour l’énergie, à savoir la ventilation et climatisation des salles d’une part, et l’éclairage scénique d’autre part. L’éclairage dans les bureaux ou l’électricité pour les postes informatiques comptent aussi, bien entendu, mais sans commune mesure par rapport à ces autres besoins.» Pour optimiser au mieux sa consommation, l’équipe de la Philharmonie peut compter sur un système intelligent qui lie la centrale de climatisation au logiciel d’occupation des salles. Ainsi, le niveau de climatisation est au maximum en cas de spectacle, réduit de 50% quand le public n’est pas présent, et sur une position minimum quand il n’y a plus d’activité dans la salle.
Pour l’éclairage, le plus gros challenge réside dans l’éclairage scénique. «Depuis trois ans, nous avons entamé un programme qui s’achève cette année pour changer tout notre éclairage architectural en LED. Mais pour l’éclairage scénique, la technique LED n’est pas encore toujours à la hauteur de nos besoins. Pour autant, nous avons lancé un nouveau projet avec un bureau d’études pour essayer d’accélérer la transition. Cela devrait permettre d’avoir un gain considérable, car cet éclairage scénique est nécessaire généralement cinq à six heures par jour pour les répétitions, plus au moment des concerts. Aussi, tout notre personnel est très sensibilisé à éteindre cet éclairage dès que cela est possible, car en plus de consommer de l’électricité, il produit de la chaleur et nous oblige donc à faire intervenir la climatisation.»
Des consommations qu’il faut surveiller de près, car les factures de ces derniers mois étaient très salées. «Habituellement, nous avons un budget d’environ 100.000€ pour l’électricité, 100.000€ pour le froid et 100.000€ pour le chaud. Mais en 2022, nous sommes déjà à 700.000€ rien que pour l’électricité. Cette augmentation est toutefois à nuancer, car nous tombons en plein dans un moment où le marché public a dû être renégocié et n’était pas en notre faveur…» Pour la fourniture en eau froide et eau chaude, ils peuvent compter sur la centrale urbaine de LuxEnergie qui approvisionne une partie du Kirchberg. «Mais là aussi, nous avons déjà atteint notre budget annuel dès le mois de juillet, à cause d’un hiver chaud qui nous a obligés à beaucoup déshumidifier.»