La direction de la CSSF a présenté, ce jeudi, son rapport annuel pour l’année 2018. De gauche à droite: Françoise Kauthen, Jean-Pierre Faber, Claude Marx, Marco Zwick et Claude Wampach. (Photo: Nader Ghavami)

La direction de la CSSF a présenté, ce jeudi, son rapport annuel pour l’année 2018. De gauche à droite: Françoise Kauthen, Jean-Pierre Faber, Claude Marx, Marco Zwick et Claude Wampach. (Photo: Nader Ghavami)

Brexit, digitalisation, défi climatique, recherche de talents…, la Commission de surveillance du secteur financier a vécu l’année 2018 sous les mêmes auspices que les acteurs de la Place qui emploie 50.000 personnes en direct. Et reste attractive.

Le secteur financier évolue, la CSSF aussi. La Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) , lors d’une conférence de presse menée par la direction réunie au complet. Un exercice inédit.

En première ligne pour recevoir les demandes d’agrément dans différents métiers ou sous différents statuts, la CSSF a senti les effets d’un Brexit qui était d’abord attendu pour mars dernier.

«39 demandes d’agrément ont été formulées en raison du Brexit, 37 ont été approuvées», a déclaré , directeur en charge de la surveillance de l’industrie des fonds et des professionnels du secteur financier spécialisés. «En 2019, nous avons reçu trois demandes.»

Attractive sous l’effet du Brexit, la Place l’est aussi en raison de sa réputation de longue date à l’étranger à en croire les chiffres avancés par les responsables de la CSSF.

Le Luxembourg garde ainsi une position confortable de leader européen dans le domaine des fonds et de deuxième sur le plan mondial, même si le patrimoine net des OPC a baissé de 2,3% en raison d’un effet de marché pour s’établir à 4.065 milliards d’euros.

Du côté des banques, une demi-douzaine de dossiers ont été présentés à la CSSF en vue d’une arrivée potentielle.

Attention à la rentabilité

Dans une situation prudentielle jugée «confortable», notamment en raison du coussin de fonds propres constitué en cas de crise, le secteur bancaire est toutefois en pleine (r)évolution.

Si la somme de bilan a augmenté de 3% l’an dernier, leur résultat net a connu une baisse de 3,2%. La faute à une perte de rentabilité en raison des frais généraux et des nécessaires investissements technologiques. Sans oublier la «pression réglementaire accrue à laquelle les banques doivent se conformer», pointe la CSSF.

«Une banque sur six a un ratio coûts/revenus supérieur à 100%», pointe Claude Wampach, directeur en charge de la surveillance du domaine bancaire. Gageons que les autres banques passeront par cette phase transitoire qu’est celle de l’investissement technologique si elles veulent perdurer.

Le nombre de banques a légèrement baissé en 2018 (-4) pour s’établir à 135 entités. À noter que de plus en plus de banques sont transformées en succursales, ce qui leur permet de réaliser des économies.

Le secteur immobilier à la loupe

Sujet de préoccupation pour de nombreux ménages et pour les candidats à la résidence au Grand-Duché, les prix de l’immobilier sont scrutés en permanence par la CSSF.

Depuis la publication, fin 2018, de la circulaire 18/703, les prêteurs dans l’immobilier résidentiel doivent déclarer les indicateurs de risque se rapportant à l’emprunteur. La CSSF «prévoit de publier un bulletin d’information régulier concernant les évolutions du secteur de l’immobilier dans le courant de l’année 2019», mentionne son rapport annuel. Car la hausse de l’endettement des ménages combinée à des taux historiquement bas présente un risque systémique potentiel.

Surveiller, mais pas sanctionner

Confrontée, bien malgré elle, à , la CSSF en tire quelques enseignements généraux. Sans commenter ce cas.

«C’est un rappel que tout ce que nous faisons, nous devons le faire avec une approche basée sur le risque», note le directeur général . Qui ajoute que le «système d’indemnisation des déposants a bien fonctionné et dans de brefs délais».

Entraînée depuis les États-Unis sur base d’un soupçon des autorités, la chute de la banque laisse dire à Claude Wampach que le «modèle d’intermédiation reste fragile et basé sur la confiance, qui peut s’évaporer en quelques instants».

Notre ambition est d’avoir 0 euro d’amende.
Claude Marx

Claude Marxdirecteur généralCommission de surveillance du secteur financier (CSSF)

Quant à son pouvoir de sanction financière en cas de défaillance à l’égard de la réglementation, la CSSF a prononcé en 2018 des amendes à hauteur de 5,8 millions d’euros contre 17,5 un an plus tôt. Une seule amende peut parfois faire gonfler ce chiffre.

«Notre ambition est d’avoir 0 euro d’amende», tempère Claude Marx. «Nous ne sommes pas là pour récupérer des amendes, mais pour nous assurer que les gens travaillent convenablement.»

La CSSF et son directeur général pointent deux transitions inéluctables pour le premier secteur du pays qui emploie 50.000 personnes en direct: le numérique et l’écologie.  (Photo: Nader Ghavami)

La CSSF et son directeur général pointent deux transitions inéluctables pour le premier secteur du pays qui emploie 50.000 personnes en direct: le numérique et l’écologie.  (Photo: Nader Ghavami)

Digital et défis climatiques à l’agenda

Confrontés, au même titre que les acteurs du secteur, à des (r)évolutions, la CSSF et son directeur général pointent deux transitions inéluctables pour le premier secteur du pays qui emploie 50.000 personnes en direct: le numérique et l’écologie.

«Concernant la transition numérique ou digitalisation, il y a deux certitudes. La première est que même si les échéances et le rythme sont difficiles à estimer, il y a aura une transformation profonde des divers métiers du secteur financier luxembourgeois. La deuxième est que les ordinateurs ne remplaceront pas l’être humain», écrit Claude Marx dans la préface du rapport annuel.

Une bonne utilisation des nouvelles technologies contribuera aussi à un système financier plus efficace, moins cher, moins vulnérable et plus inclusif.
Claude Marx

Claude Marxdirecteur généralCommission de surveillance du secteur financier (CSSF)

«L’avenir appartiendra aux professionnels qui combineront (i) le savoir-faire des spécialistes de la finance, (ii) diverses nouvelles technologies utilisées conjointement, et (iii) des processus de travail optimisés. Une bonne utilisation des nouvelles technologies contribuera aussi à un système financier plus efficace, moins cher, moins vulnérable et plus inclusif.»

L’évolution technologique entraîne d’ores et déjà de nouveaux services et des modèles opérationnels plus complexes, synonymes d’un besoin de maîtrise de la cybersécurité.

«Les risques liés à ces modèles intègrent également des dangers classiques connus tels que le blanchiment», explique , membre du comité de direction.

Le Grand-Duché devrait devenir un leader dans ce domaine, à l’instar de ce qu’il a fait en matière de fonds d’investissement il y a trente ans.
Claude Marx

Claude Marxdirecteur généralCommission de surveillance du secteur financier (CSSF)

Quant à la transition écologique, elle ne doit pas être négociable selon Claude Marx, qui enjoint les entreprises à en faire un élément compatible avec leur stratégie économique, d’autant plus que leur engagement sociétal au sens large fera partie des critères de sélectivité de base des consommateurs.

«Le Grand-Duché, avec quelque 4.500 milliards d’actifs sous gestion, devrait avoir comme ambition qu’au moins 10% de ces actifs soient investis dans des investissements durables à court terme, et de devenir un leader dans ce domaine, à l’instar de ce qu’il a fait en matière de fonds d’investissement il y a trente ans», mentionne encore Claude Marx dans la préface.

La CSSF 4.0 en marche

Face à ces changements en cours ou annoncés, la CSSF doit aussi adapter son fonctionnement et préparer ses équipes.

Son effectif a augmenté de 200 personnes sur deux ans pour atteindre 845 agents fin 2018, dont 47% de non-Luxembourgeois. Pour doter ses collaborateurs des compétences nécessaires, les plans de formation évoluent vers le haut, avec 15 jours en moyenne l’an dernier. Pour atteindre 25 à terme.

Des profils de plus en plus pointus seront recherchés, à l’image des offres d’emploi ouvertes auprès des acteurs de la Place.

«Le contexte réglementaire change, nous devons nous engager sur la route de la modernisation», indique Jean-Pierre Faber, membre du comité de direction, en charge notamment des processus internes et des ressources humaines. «Nous digitalisons notre maison pour en exploiter les données en interne, mais aussi les restituer à l’industrie.»

Développement d’un portail pour communiquer avec les entités surveillées, état d’avancement des dossiers en temps réel, approche autour de projets plus que d’entités surveillées séparées, nouvelles technologies pour lutter contre le blanchiment d’argent… La CSSF mène plusieurs chantiers de front.

Et pour s’adapter aux (r)évolutions du secteur dont elle a la charge, elle a souhaité profiter de la prise en occupation d’un deuxième bâtiment – le «Moonlight» – adjacent , route d’Arlon, pour revoir sa manière de travailler.

Dans une maison qui ne remet pas en question et rimant avec confidentialité, l’heure est à la fin des silos, à l’état d’esprit collaboratif pour gagner en efficacité et rester un des arguments-clés de promotion de la Place à l’étranger.