La CSL a sorti sa calculette et arrive toujours au même résultat: le salaire social minimum luxembourgeois devrait être revalorisé au regard des seuils tels que fixés par le projet de directive européenne. (Photo: Shutterstock)

La CSL a sorti sa calculette et arrive toujours au même résultat: le salaire social minimum luxembourgeois devrait être revalorisé au regard des seuils tels que fixés par le projet de directive européenne. (Photo: Shutterstock)

Dans sa dernière Econews, la Chambre des salariés examine ce que devrait être le salaire social minimum au Luxembourg au regard de la proposition de directive européenne qui est envisagée en ce domaine. La CSL arrive évidemment à la conclusion qu’il doit être revalorisé.

Il n’y a aucun hasard en ce qui concerne le calendrier. Et la Chambre des salariés a évidemment attendu le début de la négociation tripartite afin de trouver des réponses à la crise pour évoquer à nouveau le salaire social minimum (SSM) au Luxembourg. Insuffisant selon ses conclusions.

C’est le prochain dépôt d’une directive européenne instaurant un mécanisme de salaire minimum au sein de l’UE qui lui offre cette opportunité. «La directive propose de multiples seuils de référence communément utilisés» pour fixer le SSM dans chaque pays de l’Union. La CSL a regardé ce qu’il pourrait en être au Luxembourg.

Selon la répartition salariale

Le seuil le plus souvent évoqué pour fixer un salaire social minimum serait de 60% du salaire médian à temps plein, ce qui est appelé en économie l’indice de Kaitz. Rares sont les pays européens à atteindre ce niveau puisque seuls la France, le Portugal et la Bulgarie dépassent les 60% des indices de Kaitz, selon les données de l’OCDE.

Le Luxembourg ne se situe qu’à la sixième place, avec 57,1%. Pour atteindre le seuil européen en 2020, le SSM brut aurait dû être augmenté de 110 euros.

Selon la situation socio-économique

Une autre version de l’indice de Kaitz rapporte le salaire social minimum au salaire moyen (exprimé en équivalent temps plein). Selon l’UE, il faudrait atteindre les 50%. Ce qu’aucun pays européen ne respecte. Avec un indice de 45,2%, le Luxembourg aurait dû augmenter son SSM brut de 230 euros en 2020 pour être dans les clous. «Cette hausse serait équivalente à une hausse légèrement supérieure à 10% du SSM en 2020», note la Chambre des salariés.

Selon le salaire moyen net

La Commission fixe à 60% le seuil de référence du SSM par rapport au salaire moyen net. Au Luxembourg, selon la CSL, même après introduction du crédit d’impôt salaire social minimum, on n’y parvient pas, en n’atteignant que 50% environ. Pour respecter le souhait européen, le salaire minimum net aurait dû être revalorisé de 365 euros en 2020, ce qui correspond à une huasse de 560 euros du salaire minimum brut.

Selon le risque de pauvreté

Le SSM est fixé au Luxembourg à 60% du revenu disponible des ménages, soit 1.942 euros en 2020 pour un adulte seul, «soit 40 euros au-dessus du salaire net», note la CSL. «Ainsi, ce n’est qu’avec l’appui des prestations sociales (l’allocation de vie chère et la subvention de loyer) que les ménages constitués d’une personne seule émargeant au salaire minimum pouvaient sortir de la pauvreté cette année-là, le seul revenu du travail ne satisfaisant pas à cette condition.»

Selon le coût de la vie

Le budget de référence tel que calculé par le Statec pourrait jouer un rôle de seuil, puisque la future directive européenne stipule que les États pourraient tenir compte du montant nécessaire pour mener une vie décente. 

«La comparaison entre salaire minimum et budget de référence est décevante: le salaire dit ‘social minimum’ est trop faible pour permettre à un adulte seul, tout comme à un monoparental, de vivre décemment. Ainsi, le salaire minimum luxembourgeois n’est pas en mesure d’atteindre ce budget de référence défini comme étant le budget minimal requis pour une vie décente. Alors qu’en considérant le salaire minimum brut, le budget de référence est tout juste atteint, le salaire minimum net ne correspond qu’à 88% du budget pour une personne seule. En effet, le salaire net est 280€ (13,6%) en dessous du budget de référence pour une personne seule, et son niveau brut devrait, par conséquent, être augmenté d’un minimum de 320€ (18,9%), afin de rendre possible un niveau de vie décent avec le salaire minimum net», analyse la CSL.

Qui tire cette conclusion: «Il est donc apparent que le salaire minimum luxembourgeois, qui est dit ‘social’, est en réalité un salaire de subsistance qui ne permet pas aux personnes seules de mener une vie décente.»

Selon la productivité 

Le PIB par habitant peut être utilisé pour évaluer le SSM en fonction de la productivité. Au Luxembourg, il doit être corrigé des effets haussiers en lien avec les frontaliers qui dopent la productivité. Sans cela, «le Luxembourg est le pays avec le plus faible salaire minimum (23% du PIB par habitant)».

Une fois corrigé, le résultat est un peu meilleur: «En le corrigeant de l’impact des frontaliers, la situation luxembourgeoise s’améliore, mais reste, avec 35%, en dessous de la moyenne européenne (40,6%) en ce qui concerne l’équilibre entre productivité et salaire minimum.»

Augmenter de 19% le SSM brut d’une personne seule

La conclusion? Une hausse du SSM ne doit et ne peut pas attendre la mise en application de la directive européenne. «Une hausse de 10% du salaire minimum brut le mettrait en règle avec le seuil de 50% du salaire moyen. Cependant, même une telle hausse du salaire minimum ne suffirait pas pour atteindre le budget de référence après déduction des impôts et des cotisations», note la CSL.

«Pour que le salaire minimum constitue effectivement un minimum social de référence, tel que défini par le Statec pour qu’une personne seule mène une vie décente, il faudrait alors consentir à une hausse du salaire minimum brut de 19% (ou une hausse du salaire net de 13,7%), ce qui équivaudrait alors également à un salaire 13% au-dessus du seuil de pauvreté pour une personne seule!  En dépit de cette progression, le minimum salarial légal resterait néanmoins toujours en décalage avec le niveau général de productivité et de vie du pays.» 

Parmi les plus coûteux en Europe

Et il y a urgence, plaide la Chambre des salariés: «La situation du salaire minimum est en constante dégradation depuis plusieurs années, et la forte inflation actuelle est vraisemblablement d’autant plus désavantageuse. L’inflation, due aux goulets d’étranglement liés à la crise sanitaire et à la guerre en cours, va continuer à grignoter le pouvoir d’achat des salariés, et ceux payés au salaire minimum vont continuer à voir leur possibilité de mener une vie décente s’annihiler.»

Du côté des entreprises, on fera remarquer une autre dimension, évidemment très importante: le salarié luxembourgeois coûte très cher.