«Cryptopia», comme la contraction de crypto et d’utopia, est une question ouverte: l’émergence du bitcoin et la technologie qui lui est associée, la blockchain, favorisent-elles une nouvelle société idéale, ou portent-elles en elles les germes qui rendent impossible tout changement?
Dans son nouveau documentaire financé par l’Australian Screen et 30.000 dollars venus de Kickstarter, cinq ans après son premier ballon d’essai qui a rencontré un beau succès («Bitcoin: the end of money as we know it»), Torsten Hoffmann a de nouveau repris son bâton de pèlerin pour aller défendre son film, salle après salle, dans un mode de distribution très loin des productions d’Hollywood.
Lundi soir, sur invitation de et grâce au soutien de BitFlyer, la plate-forme japonaise (mais installée au Luxembourg pour ses affaires européennes) d’achat et de vente de certaines monnaies cryptées, le diplômé d’Oxford a fait salle comble pour son voyage dans l’univers, parfois secret, du bitcoin.
De l’Asie à l’Argentine, en passant par le nouveau Fort Knox suisse, un des cinq bunkers dans lesquels sont amassées des fortunes en bitcoin, ce résident australien challenge des stars adulées des geeks.
Et très vite, un des deux sens de l’utopie disparaît, celui d’une société sans défaut. Le monde des cryptomonnaies fonctionne selon les mêmes ressorts que l’ancien monde financier, capable de se mobiliser à toute vitesse pour torpiller l’initiative de Facebook sur la Libra, par exemple.
Le film révèle des choix politiques, au sens de partis pris de son auteur. Au cours de la séance de questions-réponses après la diffusion, M. Hoffmann a admis par exemple que la question centrale de la consommation d’électricité des ordinateurs et des centres de données utilisés dans ces développements avait été volontairement laissée de côté, comme d’autres aspects, pour ne pas perdre le spectateur.
Torsten Hoffmann va continuer à voyager () pour présenter ce documentaire passionnant. Seul regret de ce long métrage, qui navigue entre les parties très pédagogiques et celles très expertes: ne pas pouvoir montrer les parties qui concernent les fondamentaux de ces monnaies cryptées ou de la blockchain, mots utilisés chaque jour à tort et à travers… «J’y travaille», confiait le réalisateur allemand.
En attendant que les plates-formes de vidéo à la demande, comme Netflix, décident d’héberger le film. «Dans un an», a-t-il dit aussi. Ce qui pose d’autres questions: trois ans pour tourner les différentes séquences et les monter, un an ou deux à montrer le film à l’occasion de présentations «privées»... tout cela rend-il le film dépassé par la réalité?
«Je ne sais pas, mais j’ai quand même pris soin que les séquences survivent au rythme des développements de ces technologies», disait-il, lundi soir.