Laurent Marochini évoque les perspectives des cryptomonnaies.  (Photo: SG Luxembourg, Shutterstock/Montage: Maison Moderne)

Laurent Marochini évoque les perspectives des cryptomonnaies.  (Photo: SG Luxembourg, Shutterstock/Montage: Maison Moderne)

Malgré la chute de FTX l’an dernier, les crypto-actifs continuent d’éveiller les curiosités et de susciter des développements, notamment réglementaires. L’hiver dans lequel sont plongées ces valeurs depuis novembre 2021 pourrait bientôt laisser place à un printemps radieux…

Le 11 novembre dernier, la plateforme américaine FTX, plateforme d’échange globale dédiée aux cryptomonnaies, se déclarait en faillite, causant un véritable tremblement de terre dans ce secteur. Cet événement majeur n’était toutefois qu’un nouvel épisode dans la longue descente aux enfers des cryptoactifs, entamée en novembre 2021, et baptisée «crypto winter». «À cette époque, la capitalisation totale des cryptomonnaies atteignait plus de 3 trilliards d’euros, un montant absolument colossal, explique Laurent ­Marochini, head of innovation au sein de Société Générale Securities Services (SGSS) Luxembourg. Mais, depuis lors, cette valorisation s’est lentement tassée, entraînée par la défaillance de certaines plateformes dans ce secteur.»

La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si cet épisode hivernal est de nature à refroidir les acteurs qui, il y a quelques mois encore, s’apprêtaient à miser beaucoup sur cette nouvelle catégorie d’actifs. Les cryptos, comme produits d’investissement, sont-elles mortes? «Pas du tout, tranche Laurent Marochini. J’ai eu la chance d’assister au Crypto Summit de Davos il y a quelques jours, au cours duquel l’écosystème semblait convenir que les cryptomonnaies ont un avenir.» Cet avenir passera notamment par des fonds d’investissement dédiés. «Aujourd’hui, on compte environ 800 fonds dans le monde qui investissent dans des cryptomonnaies, surtout les plus liquides, poursuit le head of innovation de SGSS Luxembourg. À côté de ces structures, il existe une série d’autres fonds, qui investissent à la fois dans les cryptomonnaies, mais aussi dans des start-up actives sur le segment de la blockchain. On ne compte toutefois pas encore de fonds régulés de ce genre enregistrés au Luxembourg.»

La clé de voûte blockchain

La blockchain, ce registre distribué sur lequel les transactions peuvent être enregistrées de façon infalsifiable, constitue en effet la clé de voûte du système des cryptoactifs. Et c’est également cette technologie qui attire le plus de convoitises, au-delà des seules cryptomonnaies. «Cette technologie a un vrai potentiel, qui est bien perçu par les différents acteurs, poursuit Laurent Marochini. En 2021, la Banque européenne d’investissement (BEI), en collaboration notamment avec SG Forge, a ainsi lancé sa première obligation numérique sur une blockchain publique. La possibilité de voir émerger un “digi-euro” dans les prochaines années devient, elle aussi, de plus en plus claire.»

La blockchain ouvre également la voie à une tokénisation des actifs, c’est-à-dire à leur division en parties plus réduites, facilitant l’accès à l’investissement.

Je ne crois pas que la réglementation signera l’arrêt de mort des cryptos. Au contraire.
Laurent Marochini

Laurent MarochiniHead of innovationSociété générale securities services (SGSS)

Cela pourrait notamment être le cas pour les investissements immobiliers, comme on le voit déjà au Luxembourg avec un projet comme BlocHome. «Cette initiative permet à des investisseurs d’accéder à des morceaux de propriété d’un immeuble, ce qui est évidemment plus abordable qu’un immeuble entier. Par ailleurs, cela rend aussi cet investissement plus liquide: vous pouvez acheter et revendre facilement vos “parts”, précise Laurent Marochini. Demain, on pourrait même imaginer tokéniser d’autres biens physiques, comme des lingots d’or par exemple.»

Indispensable réglementation

Si les possibilités offertes par les investissements dans les cryptoactifs sont donc séduisantes, l’expérience FTX a bien démontré que le secteur avait besoin de réglementation pour être viable. Mais une lourde panoplie réglementaire ne viendrait-elle pas compromettre la nature de cette industrie? «Je ne crois pas que la réglementation signera l’arrêt de mort des cryptos. Elle pourrait au contraire être bénéfique pour le secteur, pour mieux prévenir les crises, estime l’expert de SGSS. L’arrivée du règlement européen Mica, à la fin de l’année 2024, est en ce sens une bonne nouvelle. Il permettra de donner un cadre à l’ensemble du marché des crypto­actifs et de rassurer les investisseurs. Le régime pilote DLT, qui entrera en vigueur dès la fin mars 2023, clarifie quant à lui les règles concernant la tokénisation des actifs financiers. Ces deux nouveautés réglementaires vont certainement renforcer l’attrait pour les cryptoactifs.»


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Reste à voir si le Luxembourg arrivera à tirer son épingle de ce jeu qui commence à se mettre en place. «Ce qui est sûr, c’est que si on ne le fait pas, cela sera fait ailleurs. La CSSF a déjà commencé à s’intéresser au sujet, et l’écosystème se développe dans ce sens à l’échelle du pays. Il faut aujourd’hui que toutes les forces en présence jouent le jeu intelligemment», conclut Laurent Marochini.

Cet article a été rédigé pour le supplément  de l’édition de  parue le 28 février 2023. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.

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