Plutôt «Strangers in the night», «My way» ou «Fly me to the moon»? Ou plutôt «Everybody love somebody», «Let it snow, let it snow, let it snow» ou «Volare»? Plutôt Frank Sinatra ou Dean Martin? Si, entre les deux, son cœur balance, Damien Chasseur cite spontanément les Pink Martini. Au dernier jour de l’appel à candidature de l’État pour être une des douze radios qui seront retenues dans le multiplex Dab+, le fondateur et partner de CBTW a finalement déposé son dossier pour amener au Luxembourg une «FM» assez bien connue en France: Crooner Radio.
«Mes parents écoutaient la radio, RTL la plupart du temps, je suis devenu un enfant de la radio», confie-t-il dans son bureau baigné de soleil. «Comme beaucoup, je suis de la génération qui a écouté le Doc et Difool.» Dans les années 1990, le tandem réussit un carton d’audience sur Fun Radio avec une émission sans tabou au service des adolescents. À 73 ans, le premier a rouvert son cabinet de pédiatrie dans la commune de Salbris, dans le Loir-et-Cher, et n’exclut pas de revenir à la radio un jour; le second anime toujours le Morning et le 21h-minuit sur Skyrock.
«J’ai toujours été éclectique. Et en postulant, j’ai envie d’amener une nouvelle offre au Luxembourg avec le Dab+ et pas seulement faire un copié-collé», explique celui qui assure aussitôt qu’«il ne s’agit pas d’avoir une danseuse, je ne suis pas assez riche pour cela». Autrement dit que l’objectif de sa nouvelle société, à laquelle il n’entend pas consacrer tout son temps puisqu’il est déjà assez occupé par CBTW et ses 2.900 salariés, est au moins de ne pas perdre d’argent.
Douze projets dans le multiplex
Car les 12 projets (et autant de stations) retenus devront s’acquitter d’environ 4.232 euros par mois lors de la phase de démarrage et de 5.557 euros par mois après l’achèvement du réseau. Soit un bon 60.000 euros par an juste pour les droits d’entrée. Et un bilan sur cinq ans à présenter qui doit tourner autour de 120.000 à 150.000 euros annuels.
«Crooner est une radio développée patiemment par l’oncle de mon épouse et, évidemment, je serai un franchisé», décrypte-t-il. Une phrase qui n’est pas neutre. Crooner a été créée en 2007 par Jean-Baptiste Tuzet, un ancien programmateur et animateur de France Inter, sous la forme d’une webradio. Elle propose de la musique de qualité (les grandes voix jazz des années 1950-1960 accompagnées de cuivres) associée à des saynètes humoristiques, et vise un public CSP+. Si elle a reçu 28 autorisations d’émettre dans les grandes villes françaises, là encore dans le contexte du Dab+, elle n’émet que dans huit villes pour l’instant.
Son modèle ne prévoit pas de ces publicités qui interrompent les programmes musicaux tous les quarts d’heure mais plutôt des partenariats avec de grandes marques ou entreprises, comme des hôtels de luxe, autour de rubriques très ciblées ou d’événements. Et la difficulté se corse encore avec les webradios et les playlists des Spotify et consorts. «Oui, mais la radio, c’est autre chose. J’en aime l’atmosphère, que ce soit lors d’un dîner ou sur la route. Cette absence de pub. Et le Dab+ devrait amener aussi une qualité d’écoute.»
La réception de la radio par internet, en wifi ou via un forfait 3G/4G/5G, ne permet pas un accès gratuit, illimité et anonyme à la radio. Cela ne fonctionne plus au-delà d’un certain nombre d’auditeurs sur la même borne, alors que la réception par les ondes est gratuite, illimitée et anonyme. Si l’on écoute la radio sur son smartphone sans forfait Premium, en quelques heures, l’auditeur vide à la fois son forfait et sa batterie de façon significative (attention donc au hors forfait…), de plus la qualité de réception est aléatoire en fonction de la couverture 3G/4G/5G.