La crise sanitaire que nous traversons aura une influence considérable sur l’économie mondiale. La crise financière qui en découle sera cependant bien différente de celle de 2008 par exemple. Différents scénarios sont aujourd’hui envisagés par les analystes. Pour évoquer le sujet, nous avons rencontré Sanela Kevric, Sales Director chez Fidelity International, société spécialisée en solutions d’investissements.

Le confinement lié au Covid-19 a provoqué une situation jamais vue dans l’histoire de l’économie: un choc simultané sur l’offre et la demande puisque les usines, les magasins étaient fermés, et les consommateurs bloqués à la maison. Un scénario qui s’apparente à celui suivant une catastrophe naturelle. «Dans notre monde globalisé, tous les secteurs ont été impactés, à des degrés divers, certes, mais chaque personne sur terre devra faire face à différentes conséquences à l’avenir», précise notre intervenante.

Comment sortir de cet état de crise? De nombreux paramètres entrent en jeu. Certains sont contrôlables par les acteurs de l’économie ou les gouvernements, d’autres non, comme ceux liés à la pandémie elle-même. Notre capacité à surmonter cette crise dépendra grandement du comportement des consommateurs. Plusieurs questions se posent alors: les gens recommenceront-ils à dépenser ce qu’ils ont épargné «de force» durant deux mois? Effectueront-ils les achats qu’ils avaient prévu de faire avant le confinement ou attendront-ils? En même temps, le chômage augmente rapidement et ce n’est malheureusement que le début. 

Ayant stoppé toute activité durant deux longs mois, voire plus, les entreprises seront nombreuses à faire face à des problèmes de liquidités. On peut donc supposer que les sociétés dont la trésorerie n’est pas solide et qui ne disposent pas de réserves auront du mal à sortir la tête de l’eau, malgré les aides des États. L’impact réel sur l’économie est donc difficile à prévoir avec certitude.

2008 et la crise de la dette dans la zone Euro

Il est impossible de comparer la crise actuelle avec celle que nous avons connue en 2008 qui avait débuté avec la crise des subprimes aux USA, impactant le secteur financier d’abord, pour s’étendre ensuite à l’économie réelle. Les gouvernements avaient alors mis bien plus de temps à réagir qu’ils ne l’ont fait aujourd’hui. Ce qui avait pris deux ans en 2008 n’a pris que deux mois pour la crise du coronavirus. Et puis la taille du package fiscal a dépassé toutes les attentes. En termes de PIB, nous parlons d’une moyenne de 5% pour les marchés développés et de 7% pour les USA.

En ce qui concerne la crise de la dette dans la zone Euro, on peut plutôt parler d’une crise de confiance de la part des marchés, quant au fait que les États du sud (Italie, Espagne, Portugal et Grèce) parviennent à rembourser leur dette.

Différents scénarios possibles

«Chez Fidelity, nos équipes ont défini plusieurs scénarios possibles quant à l’évolution du PIB mondial. Notre scénario de base anticipe une contraction du PIB mondial. Ce dernier devrait être à nouveau positif en 2021. Nous estimons ce scénario probable à 60%», indique la directrice commerciale de Fidelity, avant de poursuivre: «Évidemment, des différences notables devraient subsister entre les régions du monde, mais globalement la reprise de l’économie devrait prendre la forme d’un U - une contraction suivie d’une reprise modeste.»

Ces scénarios, s’ils restent conditionnés par la trajectoire de la pandémie et les différentes stratégies de confinement et déconfinement autour du globe, se basent sur des indicateurs comme la disponibilité des tests et l’échelle à laquelle ils peuvent être déployés. Cela permet en effet de comprendre combien de gens ont été infectés et les monitorer; combien peuvent retourner travailler alors que les autres doivent au contraire rester en quarantaine. «Nous suivons également de près le développement de médicaments et enfin d’un vaccin, car lui seul permettra un retour à la normale», indique Sanela Kevric.

Tous à la même enseigne?

 Il semble évident que tous les secteurs d’activités seront touchés par cette crise (parfois dans un timing décalé) même si l’on peut distinguer quelques exceptions.

Si des secteurs comme ceux de l’énergie ou des biens de consommation sont les plus touchés, les acteurs de la communication et des nouvelles technologies apparaissent en revanche comme les grands gagnants de la crise. Prenons l’exemple de Zoom, cette application qui permet de faire des visioconférences en ligne. Elle ne comptait que 10 millions d’utilisateurs en décembre 2019. Ils sont à présent plus de 300 millions à l’utiliser. «La capitalisation de Zoom est aujourd’hui équivalente à celle de 7 compagnies aériennes de premier plan comme Lufthansa, Southwest ou Air France KLM», selon notre interlocutrice.

Conséquences géopolitiques

D’un point de vue géopolitique, cette crise a également fait émerger des désaccords entre les pays de l’UE, avec un clivage entre les pays du nord et du sud.

Les tensions entre les USA et la Chine perdurent, les premiers souhaitant faire porter la responsabilité de la crise aux seconds. N’oublions pas que les élections présidentielles américaines sont dans quelques mois…

Ces frictions pourraient laisser de profondes cicatrices et provoquer des effets inattendus dans le futur.

Le confinement lié au Covid-19 a provoqué une situation jamais vue dans l’histoire de l’économie: un choc simultané sur l’offre et la demande.

Sanela KevricSales Director Fidelity International

Une vision plus personnelle

«Mes collègues et moi-même étions préparés à travailler depuis notre domicile. Depuis quelques années maintenant, Fidelity International a mis en place des conditions de travail flexibles, nous disposons d’équipements permettant le télétravail dans n’importe quel pays où nous nous trouvons», ajoute Sanela Kevric.

Le plus frappant dans ce que nous relate cette jeune directrice commerciale, c’est le fait que les actifs de sa génération, des trentenaires, ont malheureusement déjà connu trois crises durant leur carrière. Celle de 2008, celle de la zone Euro et à présent la crise sanitaire que nous traversons. Elle conclut: «Il y a eu beaucoup à apprendre de ces 3 événements, une banque AAA peut disparaître, un État membre de l’Euro peut être menacé de faillite, le scénario d’un film catastrophe peut devenir réalité. C’est une leçon de vie et plus particulièrement une véritable leçon d’humilité qui, je l’espère, n’arrivera qu’une fois.»

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