«On y pense parfois, cette ambiance est très dure, surtout qu’on ne se sent pas écoutés... Le moral est au plus bas et on sait que certains ne s’en remettront pas…»
Le Covid-19 continue de porter un coup très dur à tout le secteur de l’horeca, mais les établissements de nuit, à l’arrêt depuis six mois, pourraient bien ne pas se relever de cette épreuve, comme en témoignent les entrepreneurs du secteur, qui viennent de se fédérer pour tenter de trouver des solutions.
Les discothèques et autres bars thématiques ne peuvent en effet toujours pas ouvrir au-delà de minuit et ils n’ont pas forcément la possibilité de se réinventer, contrairement aux restaurateurs, qui s’étaient rabattus sur la vente à emporter et la livraison pendant le confinement…
#dontforgetus
Les patrons des établissements de clubbing voient ainsi le risque de fermeture définitive se rapprocher irrémédiablement devant le statu quo sanitaire à l’égard de leur activité. Une situation d’urgence qui les pousse à donner de la voix auprès des pouvoirs publics.
Ils se sont ralliés en ligne sous le hashtag #dontforgetus et sont en train de créer une association afin de pouvoir porter leurs revendications sous l’égide d’une entité juridique commune.
«C’est clairement la pire situation dans laquelle nous pourrions nous trouver, pire même qu’une fermeture économique: nous continuons de payer les charges patronales pour notre staff en chômage partiel, mais nous ne pouvons pas travailler!», déplorent Marc Grandjean, gérant de l’Apoteca en centre-ville, et Alexandre de Toffol, associé au Saumur Crystal Club à la Gare, deux des initiateurs de l’association.
Si le Saumur Crystal Club est pour le moment ouvert jusqu’à minuit, cet horaire similaire aux restaurants ne lui permet pas de réaliser ne serait-ce qu’une petite partie de son chiffre d’affaires, généré en général bien plus tard dans la soirée et la nuit. «Nous n’avons même pas maintenu l’activité restauration, pour laquelle nous avions trop peu de demandes dans cette configuration», précise Alexandre de Toffol.
Quant à l’Apoteca, elle reste tout simplement portes closes, ne pouvant pas trouver un nouveau modèle d’activité dans un lieu conçu pour la fête. Ce qui commence à désespérer Marc Grandjean: «On nous dit tout le temps que l’on doit se réinventer, mais les clubs ont été conçus pour la fête, on peut rarement y faire autre chose que danser et s’amuser. La situation est vraiment alarmante, nous avions évidemment un peu de réserves, mais pas du tout de quoi supporter loyers et charges patronales pendant ces nombreux mois de fermeture.»
Obtenir une aide spécifique
La priorité absolue des entrepreneurs est d’obtenir une aide spécifique non incluse dans l’enveloppe générale pour l’horeca.
«Nous ne souhaitons aucunement rouvrir simplement pour rouvrir, la sécurité sanitaire reste notre priorité», précisent Alexandre de Toffol et Marc Grandjean. «Mais sans différenciation d’horaire avec les restaurants, comme c’est le cas chez nos voisins français et allemands, il n’y a aucun intérêt à le faire. Nous le voyons au quotidien: les clients n’hésitent pas à traverser la frontière pour profiter d’heures d’ouverture plus tardives. Nous avons réellement besoin d’une aide financière et logistique pour pouvoir subsister.»
Une aide et non un prêt, car même à taux quasi nul, le manque de perspective de rentrée d’argent et donc de capacité potentielle de remboursement rend cette solution temporaire proposée par le gouvernement peu envisageable. «D’autant plus que certains d’entre nous avaient déjà été impactés par les travaux dans le centre-ville et le quartier Gare et que nous réinvestissons régulièrement une partie de nos revenus pour rénover nos établissements!», ajoutent encore les deux patrons.
Les deux entrepreneurs proposent plutôt de prendre exemple une fois de plus sur l’Allemagne, où jusqu’à 150.000€ de frais fixes pourraient être pris en charge par établissement, ou sur la France avec son aide ciblée de trois fois 15.000€...
D’autres chiffres communiqués à Paperjam aident à comprendre les difficultés éprouvées aujourd’hui: pour l’Apoteca et les trois autres restaurants du groupe, ce sont 40 employés qui sont concernés, 46.000€ de loyer et 25.000€ de charges patronales à débourser chaque mois. Pour une autre société gestionnaire de clubs luxembourgeois, on parle de 74.000€ de loyer et charges mensuels et de plus de 60 employés au chômage partiel…
Un outil pour l’image et la connaissance du secteur
Un autre intérêt de cette future association – pour laquelle de nombreux autres établissements, comme le Gotham, le M Club, le Melusina, le Bar Rouge ou encore ceux du groupe 1Com, s’engagent déjà – sera de parler d’une voix unie et donc plus forte, pour un secteur d’activité souvent mal connu et à la réputation frivole.
«Il s’agit d’une initiative qui a pour vocation de rassembler vraiment toute la ‘nightlife’ luxembourgeoise, qui souffre particulièrement en ce moment. Dans l’idée du public, nous sommes souvent perçus comme des personnalités sulfureuses et insouciantes, chaque rumeur donne lieu à d’innombrables interprétations négatives. Mais nous sommes avant tout des employeurs, des passionnés, des acteurs économiques de nos villes et du Grand-Duché», conclut Alexandre de Toffol.