La crise a rappelé à quel point le Luxembourg dépend de sa main-d’œuvre frontalière, et le nord de l’ancienne Lorraine, du marché de l’emploi luxembourgeois. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

La crise a rappelé à quel point le Luxembourg dépend de sa main-d’œuvre frontalière, et le nord de l’ancienne Lorraine, du marché de l’emploi luxembourgeois. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

L’Agence d’urbanisme et de développement durable Lorraine Nord analyse les effets de la crise sanitaire sur la zone transfrontalière. Elle prône un nouveau modèle, avec, par exemple, de nouveaux accords sur le télétravail.

Dans son numéro «Exploratoire» de novembre 2020, l’Agence d’urbanisme et de développement durable Lorraine Nord (Agape) tire les leçons du Covid-19 sur la Grande Région.

Première chose: la crise rappelle l’interdépendance entre le Luxembourg et les régions voisines. «La structure de l’emploi luxembourgeois montre une forte dépendance aux frontaliers: en 2019, hormis l’administration publique et les activités des ménages employeurs, les principales branches d’activité au Luxembourg affichent un taux de frontaliers supérieur à 30%. Parmi elles, cinq branches d’activité (25% des emplois) sont complètement dépendantes de l’emploi frontalier, qui représente 50 à 70% des effectifs: l’industrie manufacturière, le commerce, les services administratifs et de soutien, la construction, et les activités spécialisées, scientifiques et technique», détaille l’Agence. «Les autres branches d’activité, qui comptent 30 à 50% d’emplois frontaliers, peuvent être dépendantes sur certains secteurs d’activité: c’est notamment le cas de l’entreposage, la programmation informatique, la collecte et le traitement des déchets (60 à 70% de frontaliers), mais aussi l’assurance, l’édition ou les services financiers (50 à 60% de frontaliers).» Dans le secteur de la santé, on compterait 36% de frontaliers, un taux qui dépasserait les 50% pour les aides-soignants ou les infirmiers en milieu hospitalier.

1,56 milliard d’euros viendraient des frontaliers

Heureusement que toute cette main-d’œuvre ne s’est pas retrouvée bloquée lors du confinement. L’absence de frontaliers français représenterait un manque à gagner de 1,56 milliard d’euros pour le budget de l’État, selon l’Agape, si on prend en compte «l’impôt sur le revenu, les pensions et les sociétés, les taxes et accises sur les produits pétroliers, le tabac, et la balance des cotisations sociales».

Elle commente alors: «La crise sanitaire a montré que, si la coopération multilatérale des États a été fortement malmenée, la capacité de dialogue bilatérale entre les États a en revanche bien fonctionné.» Même si des contrôles aux frontières ont été rétablis lors du premier confinement, les frontaliers ont toujours pu les traverser. Des accords fiscaux leur ont également permis de . L’Agape souligne leurs effets bénéfiques sur l’environnement, avec «une baisse de la concentration en dioxyde d’azote (NO2) de 54% aux abords de l’A31 entre Metz et Thionville, et de plus de 30% au Luxembourg». Et prône le développement du travail à la maison, avec, par exemple, l’élargissement du quota de 29 jours, mais contre une compensation fiscale du Grand-Duché.

Un élément central dans la «construction d’un espace transfrontalier plus solidaire et plus vertueux», estime l’Agape, à mettre en relation avec le développement de commerces locaux, de proximité. Elle craint que l’interdépendance des territoires ne transforme la relation «gagnant-gagnant» en «perdant-perdant» si les échanges et la collaboration ne suivent pas.

«Par le passé, les crises, et les périodes de reconstruction qui ont suivi, ont toujours donné un coup d’accélérateur à la coopération transfrontalière. Les années 50 ont vu naître la construction européenne, de la Ceca à l’UE, l’après-crise de la sidérurgie a fait émerger SaarLorLux, qui a donné la Grande Région… L’après-crise du Covid-19 sera-t-il l’accélérateur qui permettra au ‘Grand Luxembourg-ville’ de prendre forme?»