«Les inégalités restent un sujet, même dans un pays comme le Luxembourg», constatait mardi matin la ministre de la Santé, (LSAP), lors de la présentation du rapport intitulé «Le gradient social de l’épidémie» et dont les chiffres ne laissent aucun doute: au Luxembourg, les personnes les plus précaires ont été plus durement frappées par le Covid-19.
Dans ce rapport, des experts du Statec et du Liser ont réalisé une cartographie sociale de l’incidence du Covid-19 avant l’émergence du variant Omicron, soit entre mars 2020 et octobre 2021. Et la conclusion est sans appel: plus la situation socioéconomique des personnes est fragile, plus le risque d’être infecté par le Covid-19, de développer des formes graves et d’en décéder est important.
Ainsi, les ménages disposant de moins de 25.000 euros par an ont un taux d’infection 1,5 fois plus important que les ménages ayant un niveau de vie annuel supérieur à 60.000 euros par an. Le risque d’hospitalisation et d’admission en soins intensifs est aussi 1,6 fois plus grand. Alors que, parmi les 50 ans et plus – qui représentent plus de 98% des décès au Luxembourg –, le risque de décéder du Covid-19 est 1,4 fois plus grand.
Moindre vaccination
À cette plus grande vulnérabilité s’ajoute le fait que les plus démunis sont aussi les moins bien protégés par la vaccination: les personnes les plus à l’aise financièrement ont un taux 1,4 fois plus élevé de schémas complets de primo-vaccination que les personnes ayant les niveaux de vie les plus bas.
Mais «corrélation n’est pas causalité», précise le rapport. Autrement dit, le lien entre aspects socioéconomiques et plus grande vulnérabilité au Covid est indirect. Concrètement, il y a proportionnellement plus d’infections dans les secteurs de la construction ou de l’intérim – des catégories de métiers moins rémunérateurs – et, inversement, moins d’infections dans les secteurs des finances et des assurances.
De même, les pathologies préexistantes, qui touchent davantage les catégories les plus précaires, augmentent sensiblement le taux d’hospitalisation, y compris pour les personnes moins âgées: cumuler trois comorbidités ou plus multiplie par 5 le risque d’un séjour en soins normaux et par 8 le risque d’une admission en soins intensifs.
Des communautés plus impactées
Autre constat du rapport: le Covid frappe plus durement des communautés originaires de certains pays que d’autres. Ainsi, les personnes nées en Allemagne sont beaucoup moins touchées par les infections que la moyenne, inversement aux personnes nées dans des pays d’ex-Yougoslavie, pour qui le taux d’infection est beaucoup plus élevé.
Le constat est identique pour les hospitalisations, où les communautés issues d’ex-Yougoslavie ou d’Italie ont subi plus d’hospitalisations. Des particularités qui s’expliquent différemment selon les communautés: dans le cas de l’ex-Yougoslavie, les personnes sont beaucoup moins vaccinées, donc moins protégées contre les formes graves. Pour les personnes d’origine italienne, il s’agit d’une prévalence plus forte des comorbidités.
Pas une découverte
Le problème de la répercussion des inégalités socioéconomiques sur la santé n’est pas une découverte en soi. La ministre de la Santé déclare avoir déjà pris en compte ces considérations lors de la pandémie.
«Lors des campagnes, nous avons toujours cherché à être présents sur tous les canaux, avec une communication en différentes langues, en approchant les communes où le taux de vaccination était inférieur à la moyenne», rappelle la ministre. «Et nous avons cherché à voir comment mieux cibler certaines populations, en étant en contact régulier avec les associations ou les cultes.»
Renforcer la prévention
Mais l’idée est d’aller plus loin, avec un renforcement des politiques de prévention. «Tout ce qui est le bien-vivre, l’alimentation, l’activité physique, il faut le promouvoir dès le plus jeune âge. Ce sont des choses très basiques qui peuvent contribuer à améliorer l’état de santé général», explique la ministre.
Mais il s’agira aussi de mieux cibler les campagnes. «Les mesures préventives n’aboutissent pas à un même degré auprès de tout le monde», constate Paulette Lenert. «En ce sens, l’étude sera utile puisqu’elle nous donne une vue encore plus précise sur les différences qu’on peut avoir sur notre territoire. Nous n’avons pas découvert la solution miracle non plus, mais en connaissant où sont les différences, nous sommes mieux outillés pour y remédier.»